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Aliona

Durant les cours, je n'ai aucune concentration et c'est encore pire lorsque je me trouve devant cette feuille épaisse. Celle où une partie du visage d'Alex est dessinée au fusain. C'est la plus triste et mon cœur se serre chaque fois, mais surtout je suis dans l'impossibilité de terminer. J'ai pourtant cette image de lui en tête lorsqu'il rit dans la voiture, mais je n'ai pas la force de la retranscrire. La porte de la salle grince, je ne lève pas les yeux pour autant, je sais que c'est monsieur Stene qui fait son entrée. Il tente depuis le début de la semaine de me motiver à continuer, en vain, je bloque. Mon inspiration s'est envolée avec ma joie de vivre. Mes rires sont remplacés par la tristesse que je tente tant bien que mal de refouler. Je ne pensais pas possible de pleurer autant, je n'imaginais pas que mon corps était capable de fournir autant de larmes, elles ne tarissent pas.

— Que t'arrive-t-il ? m'interroge mon professeur.

Je secoue la tête de gauche à droite, je ne me vois pas déballer ma vie à cet homme. Certes, il est à l'écoute, mais il reste mon enseignant.

— Un petit coup de fatigue, mens-je.

— Alors dans ce cas, ne force pas.

— L'exposition approche, mon parrain m'a contactée cette semaine pour savoir si j'avançais bien.

— Inutile de te mettre la pression, cela ne sert à rien. Tu n'arriveras pas à travailler correctement dans ces conditions.

Je pense que je ne serais plus jamais en mesure de créer quoi que ce soit. Je suis vide et tellement fatiguée que le moindre effort est une vraie torture pour moi. Je ressasse sans cesse les paroles de Noah et cela ne m'aide en rien. Alors, je me réfugie chez Liam depuis quelques jours, je passe mes soirées en sa compagnie, parfois ses connaissances sont présentes, parfois nous ne sommes que tous les deux. Nous regardons un film et il me raccompagne au petit matin parce que je suis si épuisée et dans l'incapacité de rentrer chez moi le soir. Lui s'alimente de ces produits illicites et me prépare ce joint qui est devenu indispensable pour que j'oublie ce mal qui me vrille le cœur.

Je soupire en fermant les yeux, aujourd'hui encore, je serai dans l'incapacité à avancer. J'ai encore quatre toiles à peindre, quatre toiles qui restent définitivement blanches. Je ne pensais pas qu'il était possible de souffrir autant par amour, surtout envers un homme que finalement je connais à peine. La nuit, quand tout est calme, je me surprends à chercher la chaleur de son corps, mais il n'est pas là près de moi. Non, je suis seule dans ce grand lit qui n'est pas le mien, mais celui de la chambre d'ami de Liam. Il est présent, et me soutient comme il peut. Jamais nous n'évoquons Alex, il me parle de tout et rien et il est plutôt gentil et prévenant.

— Rentre chez toi, Aliona.

La voix de monsieur Stene me sort de mes tristes pensées. Je me contente d'un hochement de tête, puis je rassemble mes affaires et quitte la salle après l'avoir salué. Et dire qu'il y a encore quelques semaines, il me trouvait vivante et épanouie, maintenant c'est tout l'inverse qui se produit. J'arpente les couloirs de la fac, je ne prends même plus la peine de m'attarder sur les couleurs vives de l'étage des beaux-arts, elles ne me procurent plus autant de bien qu'au début. Non, elles agressent mes pupilles et je me surprends à les détester d'être aussi pétillantes. J'accélère le pas pour sortir d'ici au plus vite.

Une fois à l'extérieur, je ne prends pas le temps de respirer et cours presque dans l'allée pour rejoindre le trottoir. Je ressens ce besoin de m'isoler, et me plonger dans la noirceur de mes pensées, revivre tous ses instants de bonheurs en compagnie d'Alex. Me remémorer notre séjour à la montagne, ce moment où tout allait encore bien entre lui et moi.

Sombre DériveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant