09

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Alex

Un joint dans la main, allongé sur le canapé, je fixe le plafond avec attention. Je suis déchiré, mais ce n'est pas encore assez. Trois semaines que je me défonce à outrance pour essayer d'oublier cette fille qui me rend dingue. Jamais, je n'aurais dû lui faire franchir le pas de ma porte. Je regrette mes mots et mes gestes aussi. Une bouteille arrive devant mes yeux, Cole me tient compagnie ce soir. Il est au courant pour Aliona et il n'est pas de très bon conseil sur ce coup-là. Ce mec se fiche de savoir si elle a un copain ou non, pour lui, je devrais la sauter et basta. Cependant, même si je souhaite l'avoir dans mon pieu, ce n'est sûrement pas pour la baiser vulgairement, c'est bien tout le contraire.

— Appelle Clémentine.

Je tourne la tête vers mon pote, lui aussi est dans état pitoyable, mais à la différence de moi, c'est que mon ami est dans ce délire toute la journée. Il ne bosse pas et vit uniquement avec son business de vente de drogue. Il a de tout, de la plus douce à la plus destructrice. Je consomme rarement la dernière, je refuse d'en être dépendant, même s'il est trop tard pour tout le reste. Le truc c'est que je n'ai aucune envie de m'en sortir, je n'y pense même pas. Ma vie est bordélique par moment, mais j'ai un job, un logement et un pote. Tout ça me suffit amplement, et pourtant il me manque quelque chose pour combler ce vide en moi.

— Elle te kiffe grave, tu sais. Il paraît que tu lui fais prendre son pied comme jamais.

J'ai revu la rousse quelques soirs pour passer le temps, elle n'est pas prise de tête et plutôt sympa. On discute un peu de tout et de rien, je l'aime bien, mais ça s'arrête là.

— Ouais, je prends le mien aussi.

Je mens comme un arracheur de dents, ironique pour un mec qui devait être dentiste, non ? Je ne ressens rien quand je baise avec Clémentine, ou du moins si, mais ce n'est pas elle que j'imagine sous moi. Je pensais à tort qu'avec le temps, j'oublierais Aliona, mais c'est encore pire. J'évite le café et les endroits où elle a l'habitude de se rendre. Je croyais que son visage disparaîtrait de ma mémoire ; or c'est l'inverse qui se produit, ses yeux me scrutent de cette façon que je ne déchiffre pas. Le soir où sa main s'est posée sur ma joue, elle a vu. J'en suis certain, un regard dit tout, et le mien est vide depuis si longtemps que je ne fais plus rien pour le ranimer. Je suis éteint et je tente de survivre en fuyant et en luttant contre mes démons, je m'enfonce un peu plus, jusqu'à la limite pour ne pas sombrer totalement, pour souffrir comme je les ai fait souffrir. Je me punis pour tout le mal que j'ai fait, et je morfle chaque putain de jour qui passe.

Je souffle la fumée entre mes lèvres et écrase le joint dans la coupelle que je tiens dans la main. J'ai presque atteint le niveau de défonce que je veux. Le besoin de prendre l'air se fait ressentir, j'ai toujours eu cette fascination de marcher dans les rues en pleine nuit. C'est fou comme le monde peut sembler différent une fois que le soleil se couche. Je me lève du canapé, dans un brouillard cotonneux que j'aime bien, juste à la limite pour encore être un peu conscient de ce qui m'entoure.

— Tu vas où, mec ?

Je chope mon blouson que j'enfile, puis me tourne vers Cole.

— Marcher.

— T'es vraiment bizarre des fois, il fait nuit et ça gèle. Tu ne peux pas rester au chaud tranquille.

— Non, tu fermeras derrière toi en partant.

— Ouais, comme d'hab', ronchonne-t-il.

Une fois dans la ruelle, je sors une clope et amorce le pas en direction de l'avenue. Quelques passants sont encore dehors, certains promènent leur chien, tandis que d'autres franchissent les portes d'un bar. La nuit est claire, c'est la pleine lune, je lève les yeux quelques secondes et observe les étoiles tout en marchant. J'erre dans les rues comme une âme en peine, j'inspire et expire à plusieurs reprises afin d'évacuer cette boule qui obstrue mon œsophage depuis des jours, mais en vain, elle est toujours là, bien présente. L'air frais s'engouffre dans les trous de mon jean, mais je ne frissonne pas, je suis anesthésié par les pétards que je viens d'enchaîner.

Sombre DériveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant