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Alex

Mon corps tremble sans que je puisse le contrôler, des gouttes de sueur perlent sur mon front et un froid glacial s'est immiscé dans mon épiderme. Après notre promenade dans le parc avec Aliona, je suis rentré chez moi avec la certitude que j'étais capable de rester clean une soirée. Mais, le mal qui me rongeait les tripes était si intense, que je n'ai pas résisté longtemps. Une heure pour être exacte, avant de plonger tête baissée dans cet univers loin de la réalité, tout ça pour me faire souffrir de ne pas l'avoir bouclé. Et au vu de mon état, j'ai vraiment forcé sur la dose de ce nouveau truc que m'a filé Cole. Il m'avait prévenu pourtant, mais je me suis cru plus malin et je suis encore en train d'évacuer cette merde au petit matin.

Tout ça pour me punir de ma franchise, jamais je n'aurais dû révéler à Aliona mes intentions à son égard. C'est peine perdue, et le seul moyen de l'oublier est de m'éloigner comme j'ai tenté de le faire quelques jours plus tôt. Je ferme les yeux pour essayer de calmer cette crise, mais c'est encore pire, une nausée s'empare de moi et j'ai juste le temps de me lever du lit pour vomir sur le sol. Je me tords de douleur, ce n'est pas la première fois que ça m'arrive. Mais je dois avouer qu'à cet instant je m'insulte intérieurement de ma connerie en me jurant que je ne recommencerais plus. Alors que je sais pertinemment que ce soir c'est la première chose que je ferais voir même avant. C'est le week-end, et ce sont les deux seuls jours où je me défonce toute la journée.

Un dernier haut-le-cœur plus violent que les autres m'oblige à basculer en avant. J'atterris à genoux sur le parquet, une main sur le sol, la seconde sur mon ventre. Je morfle comme jamais et je me dis que je n'ai que ce que je mérite. Dans ces moments-là, je me déteste, je hais celui que je suis devenu. Je me rabaisse en me remémorant ce passé qui me hante chaque putain de nuit.

Le mauvais trip évacué, je me redresse fébrile et appuie mon dos contre le lit. Je tente de reprendre une respiration lente et quand je me sens prêt, je me lève doucement. Tout tourne autour de moi ; or je réussis malgré tout à rester debout. Je ne bouge pas et préfère attendre que le vertige passe de lui-même. Mes jambes flageolent et je peine vraiment à tenir dessus, je me force tout de même à ne pas céder sous mon poids. J'amorce un pas en avant et je grimace en voyant le sol recouvert de bile jaunâtre avec sans doute l'alcool que j'ai ajouté hier soir.

Aussi rapide qu'un escargot un jour de sécheresse, je rejoins la salle de bain. Me déshabiller est un vrai calvaire. L'impression d'être un gosse incapable de se dévêtir m'agace au plus point, alors je pénètre sous la douche avec mes fringues, histoire d'émerger. Je me laisse glisser contre le carrelage et lève la tête vers le jet chaud. Les spasmes ont disparu, ce qui n'est pas le cas de mes maux d'estomac toujours bien présents. Je reste un long moment avant de sortir de la cabine, je ne prends pas la peine de me désaper. L'eau dégouline sur les tissus qui me recouvrent et vient s'échouer par terre. J'ouvre le placard dans le couloir pour en saisir de quoi nettoyer ma chambre, je grogne lorsqu'une douleur vrille mon crâne.

Bordel ! Je suis pitoyable !

La pièce propre, je quitte mes fringues trempées pour enfiler un simple jogging et un t-shirt. Depuis deux jours, la chaleur est revenue dans l'immeuble. Le propriétaire s'étant enfin décidé à faire le nécessaire, il était temps. Trois ans, que je vis des hivers glacials aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur.

Épuisé, alors que je me lève à peine, je me laisse tomber sur le matelas. D'une main, je cherche mon paquet de clopes, ouais même au plus mal, j'ai besoin de ma dose de nicotine. Je coince la cigarette entre mes lèvres, l'allume et la première taffe manque de me faire gerber à nouveau, mais je me retiens et continue en serrant les dents entre chaque bouffée.

Soigner le mal par le mal...

Un gémissement sort de ma gorge lorsque mon téléphone émet ce son distinctif de la réception d'un sms. L'envie de communiquer avec autrui ne m'emballe pas, alors je termine de fumer avec difficulté et ne tiens pas compte du deuxième avertissement indiquant que je n'ai pas lu le message. J'écrase mon mégot et ferme les paupières, dormir voilà ce que je désire le plus à cet instant, mais ce maudit appareil insiste. Je l'attrape en grommelant et reste comme un con devant l'écran. Ma main tremble légèrement, tandis que mon cœur s'agite dans ma poitrine.

Mon père ?

Six longues années que je n'ai plus aucune nouvelle de cet homme qui, à un moment de sa vie, m'a aimé, choyé et consolé à la mort de ma mère. J'avais dix ans quand cette putain de maladie l'a emmenée en même pas six mois. Dur pour un gamin de cet âge-là de se dire qu'il ne reverra jamais celle qui l'a mis au monde. L'écran se noircit, alors je pose mon pouce sur le bouton et le téléphone se déverrouille. Hésitant, mon doigt appuie tout de même sur l'icône qui me révélera ce que me veut cet homme.

[Je quitte le pays demain. Ce qui restait de tes affaires a été donné à une association.]

Pas de formule de politesse, rien. Un rire sans joie franchit mes lèvres suivies d'une vive douleur qui me transperce le thorax. Il va partir et le mince espoir de le revoir un jour s'évapore. Je jette mon téléphone près de moi et entreprends de me rouler un pétard pour oublier la nouvelle. Comme toujours, je préfère plonger dans l'irréel pour dissiper ce que je considère comme un abandon de sa part. Je dois m'y prendre à plusieurs fois, tant je tremble, avant d'obtenir le cône qui me fera voyager. Je n'y suis pas allé trop fort sur la dose cette fois-ci.

En ouvrant les yeux, je me rends compte que j'ai fini par m'endormir. Je ne me sens pas mieux, mais pas plus mal non plus. Ma vessie m'oblige à quitter le lit alors que je n'ai aucune envie de me lever. Je ne jette même pas un coup d'œil au miroir au-dessus du lavabo lorsque je me lave les mains, je sais que mon regard sera encore plus vide que les autres jours. Mon père s'en va, il part et ça m'anéantit plus que je ne le voudrais. Je secoue la tête, refusant de penser au déroulement de ma vie depuis qu'il m'a foutu dehors. Des parties de celle-ci sont bien enfouies au fond de mon âme et je ne souhaite pas les faire sortir.

Je rejoins la cuisine dans l'idée de grignoter un truc, je chope une pomme et enclenche la cafetière... Je comate en mordant dans le fruit. Le gout acidulé de celui-ci me fait grimacer, et la première gorgée du liquide noir me file un haut-le-cœur, mais je me force tout de même à boire autre chose que la bouteille d'alcool qui se trouve non loin de moi. Je ne me suis jamais senti aussi miséreux et minable qu'à cet instant. Je retourne dans ma chambre, dormir pour oublier est la seule solution qui s'offre à moi étant donné que le pétard n'a pas eu l'effet désirer. Et que je refuse de m'en faire un autre pour l'instant. Je retrouve donc ce matelas moelleux où mon téléphone trône au milieu des draps. Je m'en saisis non pas pour répondre à mon paternel, mais pour proposer à Cole une sortie dans un bar ou ailleurs.

L'appareil indique un nouveau message, arrivé il y a à peine cinq minutes, c'est Aliona. Décidément quelle journée pleine de surprise! Je ne m'attendais pas à avoir de ses nouvelles aussi rapidement.

[Salut ! Malgré ce que tu m'as dit hier, j'aimerais qu'on soit ami.]

Aliona ne comprend pas que si je lui accorde cette possibilité, j'en souffrirai. La côtoyer alors qu'il me sera interdit d'en avoir plus est impensable. Je sais que c'est perdu d'avance, que je ne pourrai pas me maîtriser. Pour autant, je refuse qu'elle m'échappe, mais suis-je vraiment prêt à sacrifier le peu de temps qu'elle me consacrerait ?

Non...

La vibration de mon portable me fait sursauter.

[Ne me dis pas non.]

Un combat entre ma conscience et moi-même se joue, une bataille qui me file un mal de crâne horrible. Je soupire à plusieurs reprises, ne sachant quoi faire. Alors je laisse mes doigts répondre pour moi.

[OK]

En relisant ces deux lettres, je réalise que je viens de me foutre dans la merde. Ma décision prise plutôt s'effondre lamentablement, juste parce que je veux voir jusqu'où je suis capable d'aller avec Aliona sans franchir cette limite. Si cela devient trop compliqué et bien, je mettrais fin à toute cette mascarade avant qu'il ne soit trop tard pour elle.

Les conneries ont les fait une fois pas deux !

Sombre DériveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant