Alex
Mon père boit une gorgée de sa boisson, tandis que je reste immobile dans l'entrée. Plusieurs questions me passent par la tête. Par exemple ce qu'il fait ici, ou encore comment m'a-t-il trouvé ? Je le dévisage comme si c'était la première fois que je le voyais. Six ans se sont écoulés depuis notre dernier tête à tête. Il a vieilli, des cheveux blancs sont venus s'ajouter à sa tignasse brune et des rides ont élu domicile au coin de ses yeux, et je remarque que sa bouche est entourée d'un bouc parfaitement taillé qui lui donne un air plus strict.
Je ne sais pas comment réagir face à cet homme qui, jusqu'à ce qu'il me foute dehors, représentait un modèle pour moi. Gosse, lui ressembler était ce que je désirais le plus, aujourd'hui, je n'en ai plus envie. Durant tout ce temps, il n'a pas pris une seule fois de mes nouvelles. Un simple message, il y a quelques mois pour me dire qu'il se barrait à l'étranger et aujourd'hui, il se trouve en face de moi pour une raison que j'ignore.
J'ôte mon blouson afin de me sentir plus à l'aise, car Giovanni Snively est loin de m'y m'être avec son regard étrange. Impossible de savoir si c'est de la pitié ou de la honte qui règne au fond de ses pupilles. Épuisé par les derniers évènements, je vais m'assoir sur le canapé. Je saisis ma tête entre les mains, et attends que l'homme qui m'a élevé ouvre la bouche. Je l'entends se mouvoir, puis il prend place près de moi en posant son café sur la table. Il doit pousser toute la merde qui s'y trouve et pour la première fois devant lui, j'ai honte. Honte de ce que je suis devenu, mon père ne m'a pas élevé de cette manière en baissant les bras. Il m'a toujours appris à me relever, à ne pas me laisser abattre, mais là, c'est différent, il m'a renié en préférant croire la version de sa pétasse.
— Je suis au courant de tout ce que tu as traversé durant ses six années.
J'ai envie de lui rire au nez, mais je me retiens. Malgré tout, je le respecte.
— Je ne crois pas, non, réponds-je en chopant une clope que j'allume sans lui demander si ça le gêne. Comment tu es rentré chez moi, au fait ?
— Ton ami, Cole m'a contacté et nous nous sommes vus en début d'après-midi, il m'a donné les clefs de chez toi.
Je tourne la tête vivement vers lui, mes sourcils se froncent et en cet instant, je me remémore la surprise qui ne me plairait pas que Cole a évoquée. Je vais le démonter ! Comment a-t-il pu me faire ça ?
— Je vois... et qu'est-ce qu'il t'a dit exactement ?
— Que tu te droguais, entre autres, dit-il en désignant tous les pétards débordant du cendrier.
— Ouais, ça m'aide à passer le temps, répliqué-je arrogant.
— Pourquoi, lorsque tu m'as téléphoné, tu ne m'as pas dit que ça n'allait pas ?
— Je ne pensais même pas que tu décrocherais.
— Je reste ton père, Alex.
La phrase mensongère, celle qu'il ne fallait pas prononcer. Mon père ? Mais où était-il durant six ans ? Il ne s'est jamais préoccupé de moi, alors que mon numéro est enregistré dans son putain de téléphone.
— Tu m'as mis dehors ! Tu m'as jeté à la rue comme un moins que rien, préférant croire ta pute plutôt que ton propre fils ! Merde, ne me sors pas ce genre de phrase ! Si tu étais vraiment un père qui aime son fils, tu serais revenu vers moi bien avant, et surtout tu aurais vu qu'elle te menait en bateau.
De rage, j'écrase ma clope parmi les autres mégots, puis fonce dans ma chambre avec, toujours en tête, l'idée de partir. Je sors mon sac de sous mon lit, puis je commence à le remplir de fringues. Mon paternel me rejoint, mais je n'y prête pas attention.
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Sombre Dérive
RomanceLui, tente de survivre dans un monde qui ne lui appartient pas, mais dans lequel il a trouvé la paix. L'alcool et la drogue sont les maîtres-mots de son quotidien pour tenir le coup chaque jour. Il ne lutte plus depuis longtemps. Elle, se consacre à...