45-Désir, alcool et débauche

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-9 Décembre 2061-

Sorties après sorties, je suis toujours aussi stupéfait de l'agencement de l'Enceinte. Je retiens me tête droite d'un air neutre mais mes compagnons ne résistent pas aux milles plaisirs de cet oasis.

Ce n'est qu'une fois ici que nous comprenons que le gouvernement nous ne persécute pas par une quelconque tyrannie. Leur imagination frivole a mis en place un système de privation qui met à l'écart les Rejetés. Nous le savons qu'une fois après avoir posé nos yeux sur ce paradis. Je reconnais que je ne suis pas insensible à l'Enceinte, elle m'a vu grandir et devenir celui que je suis.

Je leurs fais signe d'avancer mais à l'embranchement de la rue passante, rien à faire. Les mentons pointés vers le sommet des buildings laissent entrouvrir des bouches baveuses. Les couleurs sombres qui s'étirent du gris à un marron sales se métamorphose en une palette neuve, propre, implacable. Les rebords des trottoirs, les devantures des magasins, les balcons, les immeubles, les bancs, les paravents s'accordent dans une gamme de blancs infinie. Les seules tâches de couleurs s'extraient de panneaux publicitaires ou de vêtements. Comme à son habitude, la foule ne prête attention qu'à sa petite personne. L'individualisme a beau trôner à l'extérieur, l'Enceinte est pire.

Je vous retiens d'imaginer que cette propreté reflète d'un train de vie sain, au contraire, le sang ruisselle dans les canalisations, entre les jeunes trop embrumés par l'alcool absorbé, les actifs qui règlent leurs dettes à coup mortel et aux suicides ... L'un des sept jours de la semaine est obligé d'être entaché par un crime.

Ma main s'abat sur le dos de Léni pour le ramener à la réalité.

- Tu aurais pût au moins nous prévenir, observe-t-il.

C'est vrai que le changement est brutal.

- J'aurai gâché la surprise, soulevé-je.

Depuis notre entrée à l'intérieur du Mur, je remarque que le climat hivernal a disparu. Nous trainons dans les rues en manches longue, sans vestes, sans blousons ... Certes, le tissu épais nous réchauffe mais la température s'avère être le fruit de chauffages installés un peu partout.

- Ackim nous attend, leur rappelé-je.

Ils quittent les barres de logements et de bureaux pour se concentrer sur la mission. Nous reprenons notre chemin, les pieds brûlés par tant de marche. Je grince des dents à chaque passage sur l'un d'eux.

La discothèque ne se trouve qu'à deux cents mètres de la bouche dégout. Nous emboitons le pas à la population et voguons au grès du courant. J'indique d'un geste de la tête que nous arrivons à destination.

Travailleurs et fêtards se mélangent le temps d'une traversé, l'un retourne à son logement, l'autre à une nouvelle soirée de débauche. Ici, ils sont doués pour ça.

Un type sort et me percute. La moitié de l'alcool contenu dans la bouteille se renverse sur mes chaussures étanches -heureusement-, je le mitraille du regard et rentre.

Les habitudes ne changent jamais, cette boite, le summum de l'ivresse, empeste les mélanges alcoolisés et l'herbe froide. Il y a vingt ans, pour contourner la loi, un groupe de jeunes entrepreneurs avait créé une espèce de cigarette électronique, puissante et nocive. Aussitôt sortie sur le marchés, les acheteurs ont fait flamber les prix.

Deux métiers se confondent, si ce n'est plus, des stripteaseuses jouent l'assesseur sur des barres et des barmans remplissent les verres déjà à moitié vide.

Mon corps, frêle, arrive à percer un chemin dans ce nuage de corps, tous plus impressionnant les uns que les autres, par leurs muscles ou leurs rondeurs excessives. Mon regard se pose sur un homme plus qu'en surpoids qui grignote une poignée de chips turquoises et taupes, avec ce qu'il mange en une journée, il pourrait nourrir toute une famille. Mes chaussures écrasent des gâteaux qui craquent.

Je tire sur le côté un rideaux de frange perlée qui tinte, Arthur, Sibylle et Léni passe la tête à l'intérieur du minuscule salon privatisé. Je pose mes fesses sur la banquette en demi-lune. Son velours rouge me fait éprouver un faible réconfort. Depuis que nous sommes ici, mon estomac est retourné, noué.

- Ah ce que je vois, même des étrangers, sont attirés par tous les délices de ce lieux, relève Ackim, étalé de tout son long. Ne vous inquiétez pas, vous pouvez y gouter ce soir, ce n'est pas comme si Nick ne l'avait pas déjà fait.

Je me retiens de le frapper, mon passé est mon passé. L'attention de mes équipiers se porte sur mon ami, à l'aise.

- Ah bon ?

La tête de Sybille se tourne vers moi, un sourcil provocateur en l'air. A cet instant, je rêve de coudre la bouche d'Ackim.

- Tu vois la fille, là-bas avec l'ensemble citron.

A vrai dire, on ne voit qu'elle dans la pénombre. Sa tenue, légère -très légère même- illumine le visage de l'homme qui la supporte sur ces genoux. Je détourne le regard. C'est exactement cette fille, qui a été l'unique au passage, à m'aguicher après une soirée bien arrosé avec mes camarades de promotion. Ackim en faisait parti.

- Contrairement à toi, je n'ai jamais couché avec elle et si mes souvenirs sont intacts, tu t'es bien taper les trois quart des employés, lui renvoyé-je la balle.

Il ne l'attrape pas, tant mieux.

- Bref, passons. Vous voulez que je vous face entrer dans le 1, c'est bien ça ?

- Oui et pour être plus précis, auprès du président, annonce Léni pas le moins impressionné par le soldat à ses côtés.

- Vous êtes timbrés mais je suis partant. Je vous propose d'attendre le milieu de la nuit avant de vous changer une nouvelle fois et d'enfiler des uniformes militaires. C'est le seul moyen de vous faire rentrer dans l'immeuble.

- L'immeuble ?, m'interrogé-je en me souvenant que le gouvernement ne se trouvait pas là mais dans un ancien bâtiment en pierre qui a remplacé l'Élysée.

- Oui, monsieur Leferts le cadet ne lâche pas son aîné, qui bien évidement, est enfermé avec le reste des scientifiques.

- Bien sûr, il ne pouvait pas choisir un lieu plus accessible ?

- Ça aurait été trop facile.

Ackim m'envoie un clin d'œil avant de continuer :

- Mais je te rappelle qu'Alix a réussi à s'enfuir de cette prison en blessant deux de mes hommes. Donc, je peux vous assurer une chose, je vous ferez entrer en vie et vous sortirait avec vos deux jambes et votre tête entre vos deux épaules.

Un sourire se plaque sur ses lèvres. Mon attention se détourne vers la fête qui bat son plein, la musique fait vibrer nos cœurs au son des basses.

- Nous partons quand ?, me renseigné-je.

Il consulte sa montre et balance une carte de crédit sur la table.

- Six heures ! Alors allez profiter de la soirée !

Il désigne la carte. Il ne faut pas leur répéter deux fois, mes coéquipiers s'en saisissent et plongent dans l'océan de débauche ...

 Il ne faut pas leur répéter deux fois, mes coéquipiers s'en saisissent et plongent dans l'océan de débauche

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J'attends vos réaction à ce chapitre et vos avis avec impatience. ^^

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