CHAPITRE 52

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JORDAN

Aujourd'hui, je ne prends pas la route de l'agence comme d'habitude, mais celle du lycée professionnel de la ville. Le comité m'a demandé de faire partie du jury pour l'examen oral du Brevet de Technicien Supérieur Professions Immobilières. Je n'étais pas trop chaud pour le faire car je ne sais absolument pas comment ça se passe, mais papa m'a convaincu.

Il a été membre du jury dans cet établissement, pendant plusieurs années et m'a expliqué comment se déroulait l'épreuve orale à laquelle tous les étudiants de dernière année doivent se plier s'ils veulent obtenir leur diplôme.

Comme c'est une première pour moi, je crois que je suis autant stressé que les étudiants qui vont défiler devant moi aujourd'hui. Au moins, nous serons à égalité.

Je retrouve à l'accueil, le professeur avec lequel je dois être en binôme. Il m'explique rapidement que l'épreuve dure quarante minutes durant lesquels l'étudiant doit nous présenter un dossier sur une activité qu'il a mené en stage. Nous pourrons lui poser des questions à la fin de sa prestation. Il me donne les grilles de compétences que j'aurais à remplir et sans plus attendre nous nous rendons dans notre salle d'examen.

Dans les couloirs, nous croisons des étudiants stressés qui révisent une dernière fois leurs notes, d'autres discutent tranquillement et je me revois quelques années en arrière, à leur place. Je suis de nature confiante et grâce à mes grandes facultés d'apprentissage, je n'avais pas besoin de trop forcer pour retenir mes cours. Le jour de l'examen, j'étais comme ce garçon que je viens de croiser assis, appuyé contre un mur avec les écouteurs dans les oreilles en train de lire un livre tout en mâchant un chewing-gum, aucunement stressé par l'épreuve qu'il doit passer dans quelques minutes, comme si c'était une pure formalité.

Je les observe autant qu'eux m'observe se demandant sûrement s'ils se retrouveront face à moi. Les regards appuyés des jeunes femmes m'amusent, je suis persuadé qu'elles échangeraient bien leur place avec leurs camarades pour que je sois leur examinateur. J'imagine aisément qu'à leur place, j'aurais eu la même réaction face à une examinatrice qui a autant de succès que j'en ai auprès de la gente féminine.

On entre dans la salle de classe, spécialement réaménagée pour l'occasion. Je m'installe, un peu nerveux. J'ai tout de même une grosse responsabilité. C'est l'avenir de ces gosses que je m'apprête à juger. Si je me trompe, je peux ruiner leur vie. Enfin, j'exagère peut-être un peu, mais c'est pourtant le sentiment que j'ai.

On prend cinq minutes pour s'installer et le professeur fait entrer le premier élève, un jeune homme. Je peux lire la peur dans ses yeux, malgré qu'il tente de faire bonne figure. Ses mains tremblent et sa voix est hésitante. Je ne me vois pas comme un tortionnaire, un examinateur dur et impassible, mon but est de les aider à progresser et leur permettre de démarrer du bon pied dans le monde du travail. Alors, je prends un ton rassurant et je lui laisse deux minutes pour se reprendre avant d'entamer sa présentation. Face à mon attitude avenante et calme, il se détend et nous fait un magnifique exposé.

J'ai trouvé ma ligne de conduite et je la garde avec les autres étudiants qui passent devant moi. Sauf avec ce jeune homme désinvolte que j'ai croisé dans le couloir. Celui qui lisait un livre en mâchant du chewing-gum. Il est toujours aussi détendu et sûr de lui. Je veux le tester, je veux voir jusqu'où il peut à aller, je veux repousser ses limites et l'emmener jusqu'au bord du précipice, près à basculer de l'autre côté. Je veux le voir perdre son sourire narquois et son air confiant. Oui, je sais, je vais être un vrai salopard, mais c'est pour son bien. Je m'arrêterais avant d'aller trop loin, moi je connais mes limites, mais lui non et c'est ça que je veux lui apporter aujourd'hui. Je veux qu'il apprenne à ne pas aller trop loin.

CHLOÉ, JE TE VEUX A MES COTÉS (version finale)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant