Chapitre 2

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Le week-end démarre très bien. Ce foyer est si chaleureux. Sophie est un ange. Ensemble nous avons cuisiné, discuté de sujets tels que le féminisme, fait des plans pour l'avenir... je l'adore sincèrement. Christophe aussi est très accueillant. Je suis moins proche de lui mais sa gentillesse émane.

Je reprends le lycée demain et Sophie m'a proposée de faire quelques courses avant la reprise des cours. Je suis un peu gênée qu'elle dépense de l'argent pour moi mais elle ne cesse de ma rassurer en me disant que je fais partie de la famille.

Nous sommes donc en pleine ballade dans les rues animées de la capitale.

-Le shopping est le meilleur anti-stress ! me lance-t-elle pour rire.

-Charline dit toujours qu'il devrait être remboursé.

-Elle a bien raison. D'ailleurs si tu veux l'inviter plus souvent à la maison ne te gêne pas. Cette semaine nous étions en vacances mais d'habitude la maison est très vide.

-Merci beaucoup Sophie.

-Arrête de me remercier veux-tu et va m'essayer cette tenue.

-Non mais sérieusement je suis tellement reconnaissante.

-Et moi je suis très sérieuse, cabines jeune fille.
Je ris et referme le rideau.

Quelques heures plus tard je ressors avec une tonne de vêtements noirs et une nouvelle panoplie de livres. Sur le chemin du retour je me risque à lui poser une question sur son fils. Son avertissement de la dernière fois me trotte dans la tête.

-Sophie, je peux te poser une question ?

-Tout ce que tu veux, si tu me dis pourquoi tu as une obsession pour le noir.

Je rigole et lui réponds.

-Je me suis toujours habillée de cette couleur. Je ne suis pas gothique ou je ne sais quoi, je trouve juste ça beau.

C'est l'excuse que je sors à tout le monde. La vraie raison c'est que le noir minci et rend invisible.

-D'accord, maintenant je peux répondre à ta question.

-C'est Alexander, euh... tu crois que c'est ma présence qui le rend bizarre ?

Elle ricane tristement.

-Non pas du tout ma puce. Il est comme ça depuis la mort de son père. Après ce drame il est devenu très solitaire. Christophe n'est pas son père biologique.

-Je suis... désolée. Je n'aurais pas dû en parler.

-Tu as le droit de savoir. Toutes ces disputes doivent te sembler bizarres.

-Un peu, mais ce ne sont pas mes histoires.

-Ne fais juste pas d'allusion à cette partie de sa vie. Ça fait des années mais il ne guérit pas.

-Crois moi, je connais ça.

Sophie sait forcement ce que j'ai traversé. Toutes les choses affreuses que j'ai vécus sont marquées noir sur blanc sur mon dossier. Elle me caresse affectueusement le bras et nous arrivons aux pieds de l'immeuble.

Une fois arrivées, Sophie part poser ses achats dans sa chambre. Elle revient délestée de ses sacs et m'indique qu'elle sera dans la cuisine. Avant de monter je la remercie une dernière fois et la prends dans mes bras. Je ne suis pas du genre démonstrative et elle semble surprise par ce contact autant que moi. Elle embrasse ma joue et je monte ensuite dans ma chambre. Cette femme m'inspire.

Je ne suis pas vraiment surprise d'entendre des notes de guitare en arrivant sur le palier. La mélodie que joue Alexander est très belle. C'est assez entrainant et mélancolique. C'est parfait pour une danse. Je reste quelques minutes plantées sur le palier. J'ai l'air débile, vraiment.

Je m'approche de la porte entrebâillée. Je m'appuie discrètement sur le chambranle et l'observe. Une mèche de cheveux lui tombe sur le front. Sa guitare est en bois brut et des mots sont inscrits au marqueur sur la caisse. Mon regard se pose autour de lui et j'observe sa chambre. Je n'arrive pas à bien voir mais elle est semblable à la mienne. Son grand lit est paré de draps noirs. Des dizaines de pochettes de vinyles sont collées sur les murs et je remarque un très beau tourne disque posé sous la fenêtre. Quelques plantes sont posées çà et là. Une chambre banale mais quand même empreinte de sa personnalité.

Mon observation, ou espionnage, appelez ça comme vous le voulez, est interrompu par la sonnerie de mon téléphone. Le karma se foutant royalement de moi fait résonner la sonnerie au maximum. Je sursaute et pousse la porte à s'ouvrir en grand. Le musicien s'arrête et me regarde encore et toujours avec cet air malicieux. Il n'est même pas énervé.

-Je peux savoir ce que tu fais là ? me demande-t-il.

Comme toujours face à lui, je perds mes moyens et bafouille.

-Désolée... entendu... guitare... téléphone.

-Pardon ?

Je me ressaisie et je crois que c'est pire. Je parle très vite et n'articule pas vraiment.

-J'ai entendu ce que tu jouais, c'est super. Puis j'ai mon téléphone qui a sonné. J'aurais pas dû. L'espace privé, tout ça. Ça ne recommencera plus.

-Détends toi, ça va.

Son sourire en coin m'agace. Il se fout de moi en plus.

-J'y vais...

Je me retourne et décide de partir me cacher dans ma chambre et de ne plus jamais réapparaitre au grand jour. Mais Alexander en décide autrement. Il se lève et me rattrape. Ses doigts fins s'enroulent autour de mon poignet. Je frissonne au contact de sa peau. Sa main est chaude et agréable mais elle se pose sur mes cicatrices. J'ai peur qu'il les sente mais visiblement non.

-Attends !

Mes yeux rencontrent une nouvelle fois les siens.

-Oui ?

Ma voix est pathétiquement chevrotante. Je suis comme ça face aux hommes, qu'importe leur âge ils m'impressionnent.

-Tu aimais ?

-De ?

-Ma mélodie...

-Oui c'était très joli.

Il hoche la tête et lâche mon poignet. Il tourne le dos et pars sans un mot.

Until the last petal falls (terminé) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant