Je suis essoufflée. Je répète depuis des heures. Il est 20h et je suis au studio depuis midi. Myriam est là, elle connait ma chorégraphie autant que moi. Je l'ai créé mais elle a revu certains passages. Mes bras me brulent, je glisse sur les marques de sueur que laissent ma peau au sol.La tempête familiale de la semaine dernière va beaucoup mieux. Alex est passé manger mercredi soir et cela s'est relativement bien passé. Sophie a décidé de ne pas lui dire pour son fils et moi, ce que je comprends. C'est plus sûr de ne rien lui dire, mais c'est très dur de me retrouver dans la même pièce qu'Alex et de ne pas pouvoir le bouffer du regard. C'est pour le bien du foyer.
-Encore une fois, me lance ma prof au-dessus de la musique.
Demain c'est le grand jour. Mon premier concours en tant que préprofessionnel. La peur me dévore. Pour moi, c'est la médaille d'or sinon rien. Ce concours c'est avant tout une compétition contre moi-même. Alors je ne bronche pas et recommence. Je ne mange que très peu, alors des étoiles viennent s'implanter au milieu de ma vue. Je suis épuisée. Mes pieds doivent frôler le sol tout en me propulsant en l'air. Mon expression est aussi importante que ma technique. La musique s'atténue et je respire très mal.
-C'était magique Elsa ! applaudie ma prof. Si tu ne remporte pas l'or je ne suis pas prof de danse !
-Si tu le dis...
-C'est que c'est vrai, intervient la voix de mon amoureux.
Il est adossé au fond de la salle. Je veux courir vers lui mais mes jambes ne suivent pas et il me rattrape au vol.
-Bon Elsa, demain c'est au théâtre du Petit Montparnasse. Ce soir tu fais un bon repas, et tu dors bien ! Rendez-vous à midi.
-D'accord.
Elle m'enlace et je pars dans les vestiaires me rhabiller. Alex m'attend dans le hall d'attente. Nous sortons du studio bras dessus bras dessous. Le vent frais me transperce de part en part à cause de la sueur. Alex me passe sa veste en cuir que j'aime tant et lance :
-T'as entendu ce qu'elle t'a dit.
-Oui, tu veux que je te note l'adresse ?
-Je ne parle pas de ça Elsa.
-Je n'ai pas faim.
Mon ventre hurle le contraire.
Alex laisse un ange passer durant tout le trajet. Je sens sa colère et son incompréhension. En fait non, je dirais que je sens sa frustration. Celle qui lui hurle qu'il n'arrive pas à m'aider. Mais moi, je veux juste qu'il me laisse gérer. Je veux qu'il arrête de se prendre la tête à cause de moi.
Ce soir je dors chez lui. Je suis chargée comme une bourrique. Entre mon change pour ce soir et tout mon attirail pour le lendemain. Mes affaires sont éparpillées dans son appartement minuscule. J'attrape mon pyjama et ma trousse de toilette et file sous la douche. Nous n'avons toujours pas échangé un mot. Je déteste cette ambiance pesante qui règne entre nous.
L'eau coule sur moi depuis une bonne demi-heure. Je suis assise dans le baquet de douche. Je déteste la position assise. C'est là que je sens ma peau se plisser sur mon ventre, mes cuisses s'étaler par terre. Un corps humain qui me parait si horrible. Je suis prise de nostalgie. Alex ne m'a pas adressé la parole depuis que nous sommes rentrés. Il est vexé et je le comprends. Mais je ne veux pas manger. Je veux arrêter de me sentir immonde.
Une playlist passe en boucle depuis tout à l'heure. Ce sont mes musiques préférées. La musique de ma chorée se lance et je ferme les yeux pour réviser mentalement. Je n'entends pas Alex entrer dans la salle de bain.
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Until the last petal falls (terminé)
Romance/Seront-ils leur plus belle cicatrice ?/ « Un. Deux. Trois. Dans ma vie j'ai toujours ressenti le besoin de compter. Compter mes respirations pour refouler mon passé. Compter pour affronter le lendemain. Quatre. Cinq. Six. Je compte mes cicatri...