Je déplie mon bras, tourne la tête, glisse mon écart, me relève. J'ai mal partout, je me sens chez moi. La musique emplie la salle. Je laisse ma playlist en mode aléatoire, comme si une musique allait enfin m'inspirer. Je continue de danser, d'exprimer cette haine et colère qu'Alexander provoque en moi.Je n'avais pas envie de retourner en cours. Je ne me sentais pas. Après toutes les émotions par lesquelles je suis passée ce matin j'avais besoin de me retrouver avec moi-même. Je suis enfin retournée au studio. J'ai failli pleurer en entrant tellement c'était bon. L'odeur du vieux parquet, les miroirs de partout, les barres en bois que tant de mains ont frôlées. Ou peut-être que mes larmes ont failli couler parce que je venais de me disputer encore une fois avec Alex. Je n'en peux plus de tous ces mensonges. Il pense vraiment devoir me raconter tout cela pour que je le choisisse lui ? Bon dieu, mais ne se rend-il pas compte que je le choisirais toujours envers et contre tous. J'essaie de penser à autre chose car je suis désespérément en quête d'inspiration pour mon concours, un mois pour une chorée de cette ampleur c'est faisable, en travaillant tous les jours.
Piqué, développé, fouetté... Je recommence cette série jusqu'à ne plus sentir mes jambes. Je revois à travers la douleur ces yeux qui me permettent de voyager, ces yeux qui me tuent. Mes muscles vont lâcher d'un moment à un autre, c'est à ce moment-là que je ressens la danse, quand mon corps me demande d'arrêter. Je suis intransigeante avec moi-même. Je n'ai certes pas le corps conventionnel, mais ma jambe ira plus haut que les autres, mon dos se courbera plus et mes pieds s'irradieront à force de pointer.
Pendant que je répète des exercices le temps de trouver l'inspiration je commence à m'inventer des histoires afin de faire passer le temps. Puis ça arrive comme ça, je trouve enfin la musique. Celle sur laquelle je vais raconter cette histoire. Quand on danse de Tsew the Kid raisonne dans la salle mais aussi dans mon cœur. Les mouvements me précèdent, je commence à improviser. Je l'écoute en boucle, je recommence, je tombe, je pleure mais je vis.
Cette musique je la danse, il ne manque que mes lames.
Je n'ai rien avalé de la journée, je me sens faible mais tant pis. Mon ventre est vide. La danse me fait puiser dans mes ressources. Je commence déjà à perdre du poids. Mon plan fonctionne. Je suis fière de moi.
Je me relève. Je la fais une dernière fois.
Je marche au centre de la pièce, je commence ensuite à me balancer sur le rythme.
« Forget facts, Forget about it.. »
Ma jambe monte sur la première phrase. La sueur me fais perde l'équilibre mais je force un peu plus sur ma jambe de terre. Sur le premier couplet je reste beaucoup dans le sol. j'essaie d'interpréter les paroles du mieux possible. Mes bras volent autour de moi, mon dos se cambre puis je renverse le tout pour me retrouver en avant, comme au bord d'un précipice.
« T'aimes quand on danse, t'aimes quand on danse
Sous les projecteurs on fait semblant... »
Je glisse au sol pour le refrain. Je frappe le sol de toutes mes forces. L'écart me permet de faire une transition puis je me relève. Je m'imagine faire un duo avec celui qui vient de me voler ma lucidité.
« T'aimes quand on danse, en te touchant la haine je la ressens ».
Je rêve de l'embrasser, de le frapper. Alors je le danse à défaut de le faire.
Danser c'est certes de la technique, mais ce qui fait tout c'est l'interprétation. C'est ce que je préfère travailler.
La note finale meurt dans le silence et je mime d'être retenue par la main. Mais ce n'est plus un mime, sa main est dans la mienne. Je me retourne, je n'ai pas besoin de le voir pour le reconnaitre. La musique redémarre derrière. Mais moi je ne bouge plus. Seule ma respiration saccadée montre que je suis encore vivante.
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Until the last petal falls (terminé)
Romance/Seront-ils leur plus belle cicatrice ?/ « Un. Deux. Trois. Dans ma vie j'ai toujours ressenti le besoin de compter. Compter mes respirations pour refouler mon passé. Compter pour affronter le lendemain. Quatre. Cinq. Six. Je compte mes cicatri...