Chapitre 29

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/Elsa/

Waouh.

Je ne sais que penser de cette après-midi. C'est en refermant la porte que je commence à prendre conscience de ce que nous venons de faire. Je l'ai laissé partir. Loin de moi. J'entends le moteur démarrer dans la rue. Je ne veux même pas le voir s'éloigner. Il part habiter à quelques minutes de métro d'ici comme il l'a si bien dit.

Le seul moyen de ne pas m'effondrer contre cette porte comme dans ces films débiles c'est d'aller danser. Je saute dans une tenue et part en direction du studio. Nous sommes samedi après-midi. Je dois terminer cette putain de danse. Je dois être prête dans quinze petits jours.

Je monte presque en courant dans ma chambre. Je me déshabille à la vitesse de l'éclair et saute dans une tenue de danse. Je vérifie mon sac, mes briques de mousse, mes élastiques, mes pédilles, mon adaptateur pour la musique. dans les transports je ne cesse d'écouter la musique afin de m'en imprégner pleinement et trouver enfin les quelques mouvements qu'il me reste. une fois que j'aurais fait ça, je pourrais passer au travail d'interprétation. C'est une heure plus tard que j'arrive au studio. Mon téléphone ne cesse de sonner, Alex souhaite me faire part de la cave sans fenêtre dans laquelle il vient d'aménager.

Alex : Bon j'avoue que ce n'est pas aussi lumineux que toi mais c'est mieux que l'hôtel.

Je ris face à sa tentative d'humour. Elle est dégoulinante de romantisme et je sais que je vais le  charrier dans ma réponse. Son message est accompagné d'une photo. La pièce est petite, le lit prend toute la place. Une petite cuisine est installée dans un coin et je devine que la salle d'eau se cache derrière le rideau.

Moi : Tu ne dis plus jamais ça, je suis plus lumineuse que n'importe quoi de toute manière !! Sinon ça ne vaut pas la chambre d'hôtel mais si ça te plait c'est l'essentiel...

Alex : Ce sera encore mieux quand tu dormiras ici...! 

Moi : Je te l'ai déjà dit, je ne mettrais pas les pieds chez elle.

Alex : techniquement je ne suis pas chez elle.

Moi : Quand tu sais qu'elle a un double des clefs... bref je vais danser.

Alex : T'es la meilleure !

Je ne sais que penser de cet échange. Je range mon téléphone, dans mon sac, un peu plus agacée. Cette situation me pèse plus qu'elle ne devrait. Et ça ne fait que commencer ! Quand j'introduis la clef dans la porte celle-ci est déjà déverrouillée. J'entre dans la petite entrée et referme derrière moi, de la musique atteint mes oreilles. Je passe tout de même aux vestiaires afin de poser mon sac et sortir mon nécessaire pour m'échauffer.

Quand je pose mon regard sur la salle je tombe sur le pire.

Julie est en train de mouvoir son corps sur Thinking out Loud. Sa maitrise de son corps est parfaite, sa légèreté est impressionnante et sa grâce frappe aux yeux. Une bataille de regards se joue entre nous à travers le miroir. Mes briques et mon élastique à la main, je suis aussi immobile qu'une statue de cire. Je déteste ressentir cette jalousie qui me ronge de partout.

-J'ai bientôt fini, me lance-t-elle par-dessus la musique. 

J'acquiesce d'un signe de tête. Je me cale dans un coin afin de préparer mon corps à ce que je vais lui faire endurer. Je commence bêtement par échauffer chaque partie de mon corps indépendamment, la tête, les épaules, la taille, mon bassin, mes chevilles. Puis je passe au sol et commence toute une série d'étirements qui me valent des grimaces. Je déteste m'étirer et devoir tenir les positions. Mais c'est quand on souffre qu'on travaille vraiment !

Parfois je me demande pourquoi je fais de la danse. Enfin, chaque jour mon corps souffre un peu plus. La danse fait mal, la danse blesse, la danse me ronge. Pourtant sans elle mes ailes seraient tombées depuis bien longtemps. C'est comme encré dans mes veines. Je pense que c'est un gène: le gène de la passion. C'est fou comme chacun à des centres d'intérêts différents, et comment nous ne pouvons vivre sans. La danse c'est ma drogue. Celle qui me fait oublier, celle qui me fait entrer dans la peau d'une autre personne. Pour danser il faut de la confiance, en nous et en le spectateur. Je suis fière de réussir à en éprouver au moins dans ce studio. S'exprimer ainsi c'est de cette manière que j'ai décidé de vivre ma vie. Je veux mener la vie que ma mère n'aura pas eu le temps de vivre.

Je veux danser toute ma vie.

Quand je m'échauffe je ne pense pas à grand-chose alors je laisse mon regard dériver vers Julie qui continue de danser et de préparer sa chorée.

Au bout d'une bonne trentaine de minutes elle débranche son téléphone de la sono.

-Alors tu as appris la nouvelle ? me questionne-t-elle par-dessus son épaule.

Je suis écartelée entre mes deux briques en grand écart, pas forcément la meilleure position pour un discussion mais soit !

-Quelle nouvelle ?

-Alex chez moi.

-Bien sûr que oui, je vis chez lui je te rappelle. J'ai même été de corvée pour les cartons. 

-Tu vis chez sa mère...

-Ne joue pas sur les mots, commençais-je à dire de plus en plus agacée.

-Je pensais que tu le prendrais plus mal.

-En quoi ça me regarde, il ne dort pas dans ton lit non plus. 

-Qui sait, la cave n'est pas très confortable. Il avait l'air plutôt réceptif à ma proposition toute à l'heure. 

Sur ces mots je me lève si rapidement que je manque de me déboiter la hanche, je tiens à peine sur mes jambes à cause de mes muscles sur étirés. Mes yeux transmettent plus de messages que des centaines de mots. Je suis énervé à présent. Encore plus qu'en entrant. encore plus que je ne l'ai jamais été. Il vient à peine d'emménager qu'elle lui fait déjà des avances ? 

-Je suis en train de gagner, il t'échappe.

-Il n'est pas un jeu.

-L'amour est un jeu.

-Qui a parlé d'amour ?

-Tes yeux.

Puis elle partit sans dire un autre mot.

Je m'empresse de brancher mon téléphone pour pouvoir danser. Les premières notes de ma musique commencent et m'emportent. Après quelques répétitions je décide de me filmer pour l'envoyer aux filles afin qu'elles me donnent leurs avis. Je parviens enfin à la terminer après des heures à tourner en rond. 

Dans les transports je regarde ma vidéo. Scrutant le moindre détail. Je ne regarde non pas ma technique mais mon corps. Je suis satisfaite de moi. Depuis septembre j'ai perdu presque douze kilos et cela commence à se voir. Pourtant j'ai encore trop de cuisse et de ventre. Trop de graisse qui saute à mes yeux. Et je veux être parfaite pour ce maudit concours. 

Until the last petal falls (terminé) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant