Chapitre 7

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La soirée d'hier n'était pas si terrible au final, parce qu'Alex avait eu la même idée que moi. Ce dernier a préféré passer sa nuit dehors. J'espère qu'il a dormi dans la rue, et qu'il a eu froid. Suis-je une horrible personne de souhaiter cela alors que je ne le pense pas du tout ?
J'ai sauté l'étape repas. Je ne me sentais pas capable d'avaler la moindre miette.

Avant de me coucher, sous la douche, je repensai à ma vie depuis la rentrée, un mois s'était écoulé, j'étais toujours une aussi bonne élève à l'école, le changement de lycée n'était pas trop le centre de mes pensées et je le vivais plutôt bien. Mon plus gros problème c'était ces yeux vert émeraude qui m'ont bien remise à ma place hier soir.

Les sillons que forment l'eau bouillante sur ma peau me rappellent ceux de mes larmes, pourtant je ne suis plus si triste. Je fixe la boite qui contient mon plaisir défendu. Mes lames sont cachées dans une boite qui semble contenir des bijoux, en soit-ce sont un peu les miens. Ce soir pourtant je n'ai pas envie de l'ouvrir, je crois que tout mon désespoir est passé dans mes larmes, pas besoin de tailler ma peau.
Quand je sors de la douche une soudaine envie d'écrire me prends, je n'avais pas fait cela depuis trop longtemps, mais qu'est-ce que c'est libérateur. J'ai couché sur le papier tous ce que je n'ose dire. Je crois que j'ai encore versé quelques larmes, je ne sais plus vraiment. Morphée me prit ensuite dans ses bras jusqu'à ce matin. J'ai dormi comme un bébé.

Je me réveille un peu tard. Mon premier réflexe est de regarder l'heure sur mon téléphone. Onze heures. J'avais une masse de sommeil à rattraper en même temps. Mes yeux sont attirés par un message que j'ai reçu dans la nuit. Il vient de Charline. Je déverrouille l'appareil et ouvre la discussion.

Charline : Salut mon poulpe, j'ai déconné, t'es libre dans la journée ?

Je lâche un petit rire. Poulpe et Lama sont nos surnoms depuis des années. Ce n'est pas très glam mais ça nous représente bien. Son message pince mon cœur. Oui elle a déconné. Et oui je suis libre aujourd'hui.
Je me lève tout en lui écrivant une réponse.
Moi : Quand tu veux.
Je ne veux pas faire dans le sentimental tout de suite. Son ignorance me reste quand même en travers de la gorge.
Charline : Vers midi aux Tuileries ?
Moi : J'y serais.
Comme je suis une grande angoissée je commence déjà à appréhender le moment. J'ai peur de ce qu'elle va me dire. Je doute de tout et de rien à la fois.

Je décide de sauter le petit déjeuner. L'appréhension m'a coupée l'appétit. Je lance ma playlist de musique de film et commence à me déhancher au rythme des musiques. Quand arrive celle de Titanic je m'époumone et mes fausses notes seraient capables de ramener Jack à la vie. J'imite la chorégraphie de Bébé et Johny avant de passer à Flashdance tout en m'habillant. Je termine de mettre une dernière touche de rouge à lèvre en me glissant dans la peau de Sandy. J'ai les joues rouges à force d'avoir chanté et dansé. J'avais besoin de ce moment pour décompresser, et puis je suis seule à la maison.
Enfin prête, je glisse mon téléphone dans mon sac, ainsi que mes clefs et sors de ma chambre. Je continue de chantonner quand la voix d'Alexander me fait sursauter.
-Jolie prestation.
Je le fusille du regard. Qu'est-ce qu'il fout là lui ? Son ton ironique ne me fait pas rire. Je suis une piètre chanteuse. Il vient de faire retomber le soufflé.
-Tu m'excuseras Alexander mais je sors.
Il se met en travers de mon chemin.
-Tu vas où ?
La curiosité dans sa voix m'irrite.
-T'es de la police peut-être ? Laisse-moi passer.
Je me glisse entre lui et le mur et dévale les escaliers en trombe.

Un métro apparait dès que j'arrive sur le quai. Je m'engouffre à l'intérieur. Le wagon me rappelle la dernière fois que je l'ai pris. Je revoie Alexander ici. Alors mon esprit divague et repense à lui. J'essaie de le chasser mais il est imprégné en moi tel un tatouage. Il m'énerve au plus haut point mais il m'intrigue encore plus.


Quelques instants plus tard, je ressors à la surface. Je me dirige vers le parc et mes mains deviennent moites. Je suis un peu en retard mais c'est dans ma nature. Je cherche Charline des yeux et la trouve enfin assise sur un banc. Quand je m'approche un flot d'émotions me traverse et je me mets à pleurer avant même de la prendre dans mes bras. Elle m'a tellement manquée. Je me suis sentie tellement...abandonnée. 


Je revois nos jeux d'enfants, nos mères bavardant ensembles, nos confessions sur l'oreiller et nos promesses du petit doigt. Elle se lève à son tour et me réchauffe de ses bras. Elle est plus petite que moi mais ça ne m'empêche pas de plonger mon nez dans son cou. Elle me frotte le dos et me murmure à l'oreille qu'elle est désolée. Les passants nous regardent d'un mauvais œil mais je n'y fais pas attention. 


Elle a toujours été là pour moi. Toujours. Quand j'ai perdu ma mère, même si nous n'étions que des enfants c'est dans ses bras que je me réfugiais. Quand ses parents ont divorcé elle me demandait de rester avec elle et de ne jamais la quitter. 


Après de longues minutes enlacées nous décidons de nous asseoir. Sa main toujours dans la mienne. Aucunes de nous n'ose parler. Je regarde le sol et je sens qu'elle me fixe.

-Désolée d'avoir craquer comme ça. C'est juste que depuis des semaines je me fais du souci.
-Je suis désolée Elsa. Sincèrement. Je voulais te protéger de toute la merde que j'ai engendrée.
-Mais de quoi tu parles ?
Je suis très intriguée par la confession de mon amie.
-Je t'en parlerais après. Parle-moi un peu de toi avant.
-Charline, sérieusement. Je ne vais pas te raconter des banalités si tu as quelque chose de sérieux à me dire.
-Je vais tout te dire mais assure moi avant que tout se passe bien chez les Bess.
Je lui raconte ce qu'elle veut. Je sais qu'elle ne lâchera pas le morceau avant d'avoir eu ce qu'elle voulait.
-Tout va bien. Sophie est géniale. Chris travaille beaucoup mais il est agréable. Il est juste un peu rude avec Alexander mais lui non plus n'est pas très facile à vivre.
-Alexander ?
-Oui leur fils. Tu ne l'as jamais vu ?
-Non...je ne crois pas, répond-elle troublée. Tu t'entends bien avec lui ?
Je ne veux pas en parler.
-Euh...il est...
-Compliqué ?
-Compliqué, j'acquiesce. C'est bon tu as eu ce que tu voulais. Tu peux me dire ce qui t'arrive Cha' ?
Elle se lève et me fais signe d'aller marcher. Je la suis mais elle ne parle pas. Des larmes silencieuses commencent à rouler sur ses joues. Sa tristesse me glace le sang. Je lui attrape le petit doigt pour lui signifier que je suis là, qu'elle peut tout me dire. Ses pleurs redoublent. Alors elle plonge ses yeux marrons dans les miens et s'y accroche comme à un dernier espoir.
-Je...
Elle s'effondre presque, ses jambes ne la portent plus. Je la soutiens et nous allons nous adosser contre un arbre.
-Tu quoi Charline ?
-Je...Je suis sortie avec un garçon. Enfin ça dure depuis cet été. Il me demandait de le faire. Mais moi...
Ses pleurs se transforment en sanglots. Je dois me concentrer pour comprendre ce qu'elle veut me dire.
-...je ne voulais pas. Je n'étais pas prête, pas assez amoureuse. Je n'en avais pas envie. Mais lui oui. Et, et...
Elle se laisse glisser au sol. Je comprends ce qu'elle va me dire. Je le sens. Je vais m'effondrer aussi quand elle prononcera le mot.
-... il m'a violée.
Je me laisse glisser aussi. Quand quelqu'un vous annonce ça, vous en voulez à la terre entière. L'impuissance grandie en vous comme jamais. Vous vous sentez inutile, ce qui est fait est fait. Vous avez envie de réconforter la personne. Mais rien ne pourra lui rendre ce qu'elle a perdu. Des larmes glissent le long de mes joues. Je cherche à savoir qui c'est. Je veux lui faire regretter de blesser ma personne préférée. Mais elle m'assomme avec ses derniers mots.
-C'était il y a un mois. Je n'ai toujours pas eu mes règles.
La terre se fend sous nos pieds.

-Elsa, je suis peut-être enceinte. 

Until the last petal falls (terminé) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant