La salle d'échauffement est bondée. Je suis arrivée à midi tapante, main dans la main avec Alex. Myriam nous attendait devant le théâtre. Nous avons dû laisser Alex seul dans la salle principale. Avec ma professeure nous sommes allées chercher un badge, il atteste que je participe en catégorie pré pro ainsi que mon numéro de passage.
L'air de la salle me semble irrespirable. Je n'ai rien dans le ventre. Je me suis éclipsée dans la nuit, quand Alex dormait profondément, pour rendre tout ce que j'avais ingéré plus tôt. Je me sentais bien mieux après ça... et pourtant je ne peux m'empêcher de m'en vouloir quand je regarde son sourire aujourd'hui.
Une bénévole court entre salle d'échauffement et coulisses pour appeler les danseurs. L'ambiance est électrique. Ici c'est à qui lèvera sa jambe le plus haut, qui passera le plus de tours, qui sera tout simplement le meilleur. Je sens des regards fantômes sur moi. Mon corps n'est pas conventionnel au milieu. Mais la technique n'est pas la chose qui importe le plus dans la danse pour moi. C'est bien sur un point essentiel. Mais pour danser il faut aussi y mettre son âme. Si tu ne danse pas avec tout ton être tu n'arriveras jamais à rien. Toutes ces heures à travailler seulement l'expression faciale. Toutes ces heures à travailler uniquement mentalement. Toutes ces heures de bonheur. Un vrai danseur fait du théâtre sans parler.
Une petite télévision est installée dans la salle. Nous voyons en direct ce qu'il se passe sur scène. Seul le son des applaudissements est coupé pour ne pas nous déconcentrer. Tous les danseurs sont excellents mais peu originaux. Les mêmes costumes, les mêmes musiques, les même sourires factices sur le visage. Ils sont tous meilleurs les uns que les autres mais pourtant aucun ne se démarque.
-Numéro 72,73,74 avec moi, demande la bénévole.
Elle est très jolie et cela se voit qu'elle-même est une danseuse.
-C'est bientôt à toi.
-Je sais.
Mon regard se porte sur l'horloge. L'épreuve a commencé depuis deux heures déjà. Sur les 80 candidats le numéro qui m'a été attribué est le 77.
Je m'échauffe, ma jambe étendue sur le mur je cambre mon dos. Je songe à mes amis et ceux que je considère comme ma famille. Mis à part Marie aucun n'est familier au milieu de la danse et j'ai peur qu'ils trouvent le temps long.
Une fois ma jambe étirée comme je le souhaite, je remets un peu d'ordre dans ma tenue. Mes cheveux sont lâchés, trop court pour faire quoi que ce soit avec, mais je les ai lissés et plaqué sur un côté. Mes yeux sont maquillés à la Black Swan et j'ai du mal à reconnaitre mes pupilles grises. Pour costume j'ai choisi quelque chose de noir, bien sûr, j'ai donc un justaucorps, assez décolleté. Je porte bien évidemment un short noir. Par-dessus j'ai déniché sur internet un robe noire transparente. Elle est droite est fluide, laissant apparaitre ce que je porte en dessous. Je trouve le tout assez satisfaisant. Les manches de la robe masquent mes cicatrices dont j'ai honte.
-Numéro 75, 76, 77 avec moi !
La bénévole ne prend même plus la peine de rentrer dans la salle. Elle nous appelle du corridor qui mène aux rideaux.
-Je crois en toi ma championne, je vais dans la salle. Merde !
Les mots d'encouragements de ma prof me mettent du baume au cœur mais n'empêchent pas la montée d'adrénaline. Pendant que nous marchons, la bénévole nous explique le dérouler de l'épreuve.
-Vous entrerez sur scène lorsque le juré appellera votre numéro. Ensuite pendant quelques secondes ils noteront votre aspect physique, si je puis dire. Costume, maquillage, tout passera au crible. Quand la musique commencera vous faite ce que vous avez à faire. Vous saluerez et à la fin des applaudissements vous sortirez. Compris.
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Until the last petal falls (terminé)
Romance/Seront-ils leur plus belle cicatrice ?/ « Un. Deux. Trois. Dans ma vie j'ai toujours ressenti le besoin de compter. Compter mes respirations pour refouler mon passé. Compter pour affronter le lendemain. Quatre. Cinq. Six. Je compte mes cicatri...