Ce matin j'ouvre les yeux avant l'alarme stridente de mon réveil. Il affiche six heures du matin mais je n'arrive pas à me rendormir. Tant pis pour ma dernière heure de sommeil. Ça fait déjà quatorze jours que je dors de nouveau seule. Deux semaines qu'il n'a pas remis les pieds dans cet appartement. Il s'est volatilisé.
Il fait un froid glacial. Je ne prends plus gout à me préparer alors je saute l'étape maquillage et tout le reste, ma tenue est simple : mon jean mom qui ne me quitte jamais, un pull large et mes converses. Je ne veux pas en faire des caisses, personne ne me regarde au lycée.
Sans lui l'ambiance n'est plus la même, c'est plus triste, plus lourd, pourtant avant on n'aurait pas dit que c'était lui qui la mettait ... Sa guitare me manque, ses regards me manquent et même ses coups dans les murs à l'aube et ses silences me manquent. Je vis encore plus dans la peur depuis qu'il n'est plus là. Même si je ne veux pas le croire j'essaie de sonder Sophie et Chris. Je ne fais qu'étudier sa manière d'agir avec elle. Mais ses sourires sont plein d'amour. Ses yeux pétillent quand Sophie entre dans la pièce et elle ne semble pas avoir peur de lui.
Alors ce sont ses yeux verts qui me hantent. Ses prunelles pétillantes lorsque nous rigolions sur le canapé, ses regards tristes quand il se confie mais surtout ses yeux qui me font me sentir belle sans qu'il ne prononce un mot. Mais toutes ces belles images sont grisées par tout ce qu'il m'a dit, ce qu'il a tenté de me faire avaler. Son comportement au studio, ses regards mesquins, son ironie et ses mensonges, c'est aussi ça Alexander et je tente de ne pas l'oublier. Je ne veux pas le croire. Je revois cette sincérité dans ses yeux. Je suis bloquée entre mon cœur et ma raison. Entre l'inquiétude d'Alex et la joie de Sophie. Je me retrouve dans des histoires qui ne me concernent pas.
Je descends sans faire de bruit. Quand j'arrive à la cuisine, personne n'est encore levé évidemment. Je bois de grands verres d'eau, la seule chose que je donnerai à mon corps aujourd'hui. Je me tourne vers la table et aperçois un verre brisé et quelques gouttes de sang séché au sol. Je pourrais nettoyer mais je n'en ai pas la force.
Je pars en direction de mon lycée, la peur me tord le ventre. Je croise les doigts pour ne pas arriver trop tôt. Musique dans les oreilles, mains dans les poches je marche la tête baissée. Je suis extrêmement concentrée quand tout à coup mon portable se met à sonner dans mes écouteurs avec un puissance indescriptible. Je sursaute et pose ma main sur mon cœur pour le faire ralentir. Je regarde donc mon portable toujours en train de sonner et je vois que c'est un numéro inconnu. Je décide de ne pas répondre. Je suis plantée tel un lampadaire en plein milieu de la rue. Heureusement qu'il est très tôt.
En levant la tête, je vois la voiture d'Alex garée à quelques mètres. Je m'approche intriguée. Mon téléphone sonne à nouveau. Je laisse passer quelques sonneries et hésite. Je finis par prendre sur moi et décrocher.
-Allo, Elsa ?
Sa voix rauque me cloue. Des papillons naissent au creux de mes reins et s'envolent dans mon corps. Je ne savais pas à quel point j'avais besoin de l'entendre. Je suis incapable de rester raisonnable avec lui.
Dans un élan, je finis par raccrocher. J'ai toutes mes raisons de l'ignorer. Je reprends ma route mais pas vraiment mes esprits. Je repense à ses bras et son odeur, à ses mauvaises manies et à ses mots. Je repense à toutes ces fois où nos lèvres ont failli s'unir. A toutes ces fois où j'en ai eu terriblement envie. Puis je vois sa bouche sur celle de Julie et mes envies sont renvoyées loin.
Tout en marchant je regarde la photo que nous avons prise. Je pensais qu'elle serait horrible mais même pas. Mes yeux sont certes embués de larmes mais un air malicieux les chasse. Alex regarde l'objectif et son aura me touche même à travers l'écran. Je ne sais pas combien de temps j'ai passé à regarder cette photo.Une portière de voiture claque et le bruit me sors de mon observation. J'entends des pas résonner derrière moi et la panique m'envahie. Je ferme les yeux, si fort que mes paupières me font mal. Je sais que je devrais me retourner, ou courir. Je devrais prendre sur moi et arrêter d'avoir peur. Je devrais compter sur moi-même. Mais je n'y arrive pas. Je suis tétanisée et les bruits de pas se rapprochent. Je serre mon téléphone de toutes mes forces.
-Je ne pensais pas que tu étais du genre à raccrocher au nez.
Mes yeux s'ouvrent de nouveau. Ma respiration est de nouveau saccadée mais pas pour les mêmes raisons. Mon cœur s'emballe. Ma peur s'envole tout en me laissant à mes interrogations. A l'intérieur de mon corps c'est une explosion. La machine ne s'arrête plus de tourner. Mais de l'extérieur je suis immobile. Mes pieds ne veulent pas se retourner. Ma tête reste braquée sur le sol.
Je sens son corps à côté du mien. Son bras frôle légèrement mon manteau et sa main chatouille la mienne.
-Moi non plus, arrive à articuler ma bouche.
-Elsa je suis...
-Ne me dis pas que tu es désolé.
Il rit brièvement. Il m'a déjà demandé la même chose quand on était au parc la dernière fois.
-Alors je ne le suis pas.
Je hoche la tête. Et reprend ma route. Il court et se place devant moi. Je suis obligée de le regarder. Ce sont ses yeux fatigués que je remarque en premier. Ses joues sont creusées. Il semble exténué.
-Ne fuis pas encore, me dit-il.
-Je crois que tu as d'autres filles à faire marcher Alex.
-Tu parles de Julie ?
-Et surement qu'il y en a plein d'autres !
-Elsa, je m'en veux pour la dernière fois au studio je n'aurais...
Mon dieu ! Ses yeux témoignent de toute la tristesse du monde. C'est comme si en prononçant ces mots il se retrouvait propulsé dans ses souvenirs. Je n'aime pas trop ça.
-Tu fais ce que tu veux avec qui tu veux Alex. Je n'ai pas mon mot à dire. Je veux juste que tu me lâche. Je ne veux pas apparaitre sur ton palmarès.
-Tu n'es pas comme toutes ces filles.
-Tant mieux !
Je le dépasse et marche d'un pas déterminé.
-Je n'ai pas de palmarès. Je n'ai que toi. Depuis des mois je ne pense qu'à toi. Depuis des jours tu es la seule personne qui me manque. J'ai envie de te protéger. J'ai envie de crier au monde entier qui tu es. J'ai envie que tu sois heureuse. Je ne te lâcherais pas Elsa. Tu es mon éclipse et je compte bien t'empêcher de partir !
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Until the last petal falls (terminé)
عاطفية/Seront-ils leur plus belle cicatrice ?/ « Un. Deux. Trois. Dans ma vie j'ai toujours ressenti le besoin de compter. Compter mes respirations pour refouler mon passé. Compter pour affronter le lendemain. Quatre. Cinq. Six. Je compte mes cicatri...