Chapitre 8

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- Quoi ? Tu peux répéter là ?

- Oui Vanessa, Frédéric Lanval, c'était ça la surprise de ma mère...

- Alors tu t'es bourré la gueule avec lui, après lui avoir dit qu'il était un mauvais acteur ? Ce serait ton cousin et vous avez fini tout habillé dans la piscine de la Colombe d'Or ? Où il t'a invité et tu l'as traité de queutard ?

- Dans le désordre, oui c'est à peu près ça...

- C'est une blague ?

- Non, tout est vrai.

-Tu as couché avec lui ?

Non, elle ne va pas s'y mettre elle aussi !

- Non !

- Tu l'as vu à poil ?

- Pas plus que dans ses films... Bon, écoute, c'est fini on en parle plus. Je ne veux plus entendre le nom de Lanval pendant la prochaine décennie.

- Tu as son numéro ?

- Non, mais lui a le mien.

- J'hallucine, tu as une photo ?

- Non, on ne va pas en faire un fromage !

- Tu te rends compte ! Il super sexy hein ? Comme dans ses films ? J'en suis sure ! Il est monstrueux !

- Il n'est pas moche, mais ce n'est pas mon style...

"Menteuse", mais, il est hors de question que j'entame ce sujet avec elle, elle ne me lâcherait pas.

- Tu parles ! Tu serais bien la première à ne pas le trouver canon...

- Je te rappelle qu'il est peut-être de ma famille directe !

- Ou pas !

- Bon, je compte sur toi samedi, tu sais c'est le grand soir et Daniel s'est mis en quatre pour ce vernissage.

- C'est drôle que tu ne sois jamais sorti avec lui...

Là, je n'en peux plus !

- Non, toi aussi ! Vous m'emmerdez avec Daniel !

- Qui t'en a parlé ?

- Lanval.

- Quoi ? Vous avez parlé de Daniel avec lui ? Qu'est-ce qu'il a dit ?

- Qu'il est sans doute amoureux de moi et que je devais coucher avec lui pour me détendre...

Elle éclate de rire au téléphone.

- Il est incroyable ce mec, trop drôle...

- Tu vas te calmer ?

- On dirait que tu as trouvé ton maître !

- Je ne vois pas de quoi tu parles...

- Un sacré putain de caractère, tout comme le tien.

Je ne m'amuse plus du tout.

- Bon, je vais raccrocher et te laisser face à ton fou rire ! J'ai des trucs à préparer pour samedi, je pars à l'atelier.

- OK, on se tient au courant...

Elle pouffe toujours quand j'appuie sur mon écran pour couper la conversation.

Mon atelier est un local du vieux Nice, j'ai eu la chance de le dénicher il y a quelques années, une amie de ma mère me l'a proposé en échange d'un loyer modique. Lorsque je referme sur moi la porte, je me sens en sécurité, rien ne peut troubler ma créativité. Il y a toujours quelques oeuvres qui sèchent, certaines qui sont posées nonchalamment contre le mur, d'autres à l'envers, car je les trouve minables... J'allume mon poste radio qui est maculé de taches de peintures et j'enfile ma blouse qui me donne un petit côté infirmière. J'ai la chance d'avoir une partie du toit en verre, ce qui fait rentrer la lumière par tous les temps. À l'heure actuelle, je dois finir une toile et je prépare mes pinceaux. Je me poste devant et respire, tout en me laissant aller à l'inspiration.

Mais malheureusement, je ne la trouve pas... Lorsque je plonge mon regard sur la toile blanche il n'y a que les mots de Frédéric qui me viennent à l'esprit :

« Il manque une forme de lâchez prise, un geste non mentalisé, plus instinctif, un mouvement direct et terriblement évident. »

- Connard ! Je te déteste ! Pour qui tu te prends ?

Comment veut-il que je fasse ce qu'il me dit, il a réussi à me bloquer. Je perds toute confiance d'un coup et je marche dans tous les sens dans l'atelier. Je retourne le châssis, je plonge mon pinceau dans une couleur, hésite, puis le jette dans le pot d'eau. Au bout d'une bonne demi-heure, je tombe à genou et me mets à pleurer.

- Je te déteste Frédéric Lanval !

Je déverrouille mon téléphone et entame une recherche sur google. Je le vois sous toutes les coutures, et une sourde colère commence à remonter dans ma gorge. Je crie avec violence avant de saisir de la peinture et de la projeter sur la toile. J'ai envie de le frapper, de le gifler et je ne m'aperçois pas que je vandalise le fond en lin à coup de doigts. Au bout de quelques minutes, je prends des pinceaux et imagine ce que je pourrais lui faire s'il était en face de moi. Ce n'est que quelques heures plus tard, que ma colère retombe, tout comme moi au sol. Je suis épuisée et intégralement couverte de peinture. Je ne remarque pas tout de suite l'œuvre que je viens de réaliser. La nuit est presque là et je n'en perçois que les couleurs claires aussi je me lève pour allumer le néon, et en la contemplant, je suis sidérée...

C'est un portrait, un étrange portrait totalement inspiré par lui, les tons sont francs, l'harmonie est avec évidence dictée par la rage, la force. Les teintes se mélangent, des bleus lapis-lazuli, des rouges sang, je n'ai jamais peint une chose pareille. C'est terriblement déstabilisant, tellement puissant et à la fois jamais vu. Je suis restée presque une heure à regarder ce curieux portrait de loin, car j'ai eu peur de m'approcher, j'ai eu peur qu'il se jette sur moi, comme le célèbre portrait de Dorian Gray !

Puis, sonnée, je suis rentrée chez moi tardivement et me suis mise au lit sans manger.

MB MORGANE - Incontrôlables [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant