Chapitre 10

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Je lui donne la coupe de champagne, il se méfie... Et il fait bien ! Je plisse les yeux, le regarde avec un air de défi et prends la parole de façon très charmeuse.

- Chers tous, vous vous demandez sans doute comment j'ai eu l'immense privilège de rencontrer le grand Frédéric Lanval ? Celui qui est la figure de proue du cinéma français actuel, celui qui dans son art excelle en nous proposant des performances d'acteur inégalées, et cela tout en jouissant d'une renommée internationale !

Je vois bien que Frédéric serre plus fort sa coupe de champagne et finalement commence à la porter à ses lèvres en étant maintenant certain de percevoir clairement mon petit jeu de dupe. Il veut sans doute trouver une contenance en attendant le coup fatal que je vais lui donner, et qui ne saurait tarder.

- Nous nous sommes rencontrés par hasard en début de semaine et nous avons passé une soirée ensemble des plus épiques. J'ai été stupéfaite de sa manière d'être à l'aise dans toutes les situations... malheureusement, ce gentleman a fini par perdre toute notion de bienséance en public !

Il vient de s'étouffer avec sa première gorgée et il me lance un regard noir puis je continue :

- Sans doute cherchait-il à montrer sa personnalité sauvage et imprévisible, comme ce soir !

Il baisse le visage vers le sol et j'affiche une mine satisfaite, personne ne bronche, mais contre toute attente il relève la tête et s'approche doucement de moi sans me quitter des yeux.

- Sauvage et imprévisible ? Je ne mérite ni ces reproches ni ces compliments, mais je les accepte. Néanmoins, il y a certains points à développer pour comprendre ce qui s'est réellement passé.

Je le toise en rétrécissant mes paupières, il étire un malicieux sourire avant d'ajouter :

- D'abord, ce n'était pas une soirée, mais une nuit. Une nuit toute entière que j'ai passé en votre charmante compagnie...

Je déglutis en entendant les chuchotements de l'assemblée, mais il ne s'arrête pas là, il s'avance toujours d'un pas lent vers moi.

- J'ai effectivement fait la connaissance de cette jeune personne dans un diner de famille des plus conventionnel. Néanmoins, j'ai été surpris quand elle m'a attiré à l'écart pour me proposer une chose délicieuse...

Il porte encore une fois son verre à sa bouche et conclu :

- Et je n'ai pas pu y résister.

Ses yeux brillent à ce jeu qui commence à glisser dans une pente dangereuse, mais je ne laisse pas les ragots s'éterniser. Ma mère, Vanessa et mes amis se tendent comme des strings.

- Oui une chose délicieuse qui vous a rendu plus que fébrile, avouez-le !

- Mais vous aussi n'est-ce pas ? Vous avez adoré partager ce moment dans le noir avec moi... un moment sauvage et imprévisible !

Comme je vois le visage de Daniel qui blanchit à vue d'œil, je réponds rapidement pour lever tout doute :

- Je vous ai proposé un whiskey hors d'âge de mon père que vous avez bu vitesse grand V dans notre cave...

- Avec votre aide, Mademoiselle Bérénice Richard ! Et je dois dire que vous avez une sacrée descente.

Je me tourne vers les auditeurs, ma voix monte dans les tours.

- Monsieur Lanval m'a raccompagné chez moi, il était tellement saoul qu'il a voulu jouer au Monopoly...

- Allons Bérénice, vous ne vous souvenez plus de rien et vous le savez... je vais vous rafraichir la mémoire. J'ai été imprévisible en jouant à ce jeu de société en pleine nuit au pied de votre canapé, c'est exact...

Il est tout proche de moi maintenant et ajoute :

- Sauvage également quand...

Il laisse sa phrase en suspens tout en s'avançant vers mon oreille, son souffle me fait frissonner, je vais finir par le tuer ! Pourtant, un doux frémissement parcourt mon échine... Puis il me murmure afin que personne d'autre que moi ne puisse l'entendre :

- ... vous étiez sous moi dans une position très lancinante, très soumise... Je vous bloquais les poignets sur votre moquette et vous sembliez particulièrement aimer cela...

Je me détache de lui et ma main part sans que je puisse la retenir pour atterrir rapidement sur sa joue. La gifle que je viens de lui donner a claqué dans le silence. En un instant, son regard change, mais étrangement ce n'est pas la colère qui l'envahit, mais bien une forme de regret. Nous sommes encore une fois allés trop loin et quand nous nous tournons vers Daniel, il est complètement déstabilisé, je m'en veux de lui avoir fait subir ça. J'aurais dû penser à tout ce qu'il a fait pour moi, au lieu de ça, Frédéric Lanval m'a encore rendue hors de moi.

Je respire et m'approche de Daniel en prenant la parole.

- Pardonnez mon attitude qui a dépassé les bornes. Mais il n'est pas trop tard pour remercier chaleureusement mon merveilleux galeriste Daniel Ader, qui a réalisé l'exploit de cette magnifique exposition et sans qui rien n'aurait pu être possible. Il est mon mentor depuis tant d'années et j'ai trop rarement l'occasion de lui dire à quel point je suis fière d'être à ses côtés.

Puis je me tourne vers lui et le prends dans mes bras. Il est statique, mais bien vite se détend quand il remonte ses mains dans mon dos. Tout le monde applaudit encore une fois et je me détache de lui en lui faisant un bisou sur la joue et sans jeter le moindre regard en direction de Lanval.

- Maintenant, profitons de la soirée, c'est un moment de fête !

Daniel leur fait signe d'aller vers le magnifique buffet qu'il a commandé pour moi et se tourne une dernière fois vers Frédéric, mais ne dit rien et s'échappe vers des clients. Je reste un peu en retrait et n'ose pas regarder l'acteur qui pourtant ne cesse de le faire. Bien vite, plusieurs personnes l'abordent et il est si occupé que je me sens enfin libre.

Vanessa se précipite sur moi.

- La vache ! Vous êtes de grands malades !

- OK, c'est bon, Vanessa, on s'est calmé, tout va bien.

- Pauvre Daniel, avec tout ce qu'il fait pour toi, heureusement que tu as pris la parole pour excuser ta conduite.

- Mais merde, je n'étais pas seule, Lanval m'a cherchée !

Mais je ne l'ai pas vu arriver dans mon dos.

- En effet, je suis désolé Bérénice.

Je me retourne un peu agacé. Vanessa ne cesse pas de faire des allers-retours entre lui et moi. Comme je ne réponds rien, il me tend la main.

- On fait la paix, je me chargerai au cours de la soirée de lever tous les doutes nous concernant.

Son sourire est délirant tout à coup, mon Dieu, ce type est un appât redoutable pour mes sens. Je respire et lui dis :

- Oui, on fait la paix.

Nous nous fixons un moment en restant main dans la main puis Vanessa prend la parole en raclant sa gorge.

- Bé, tu me présentes.

Nous nous quittons enfin.

- Oui bien entendu, Monsieur Lanval voici ma meilleure amie, Vanessa.

Il met une main dans une de ses poches de veste et lui avance l'autre, mais elle l'attire d'un geste en disant :

- On se fait la bise ?

Sans lui laisser le temps de répondre, elle se jette sur sa joue droite. Je lève les yeux au ciel et m'éloigne...

MB MORGANE - Incontrôlables [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant