Chapitre 20

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Je suis moi-même étonnée par mon attitude. Je ne veux sans doute pas polémiquer avec Daniel, c'est déjà assez compliqué comme ça avec l'autre machin. En passant devant la grande glace de la chambre, je me regarde. Bon, ça pourrait être pire... Daniel ne pipe mot, il me suit en déplorant tout de même la taille de la robe. Lorsque nous arrivons à la piscine, c'est la débandade, mais je ne vois pas Frédéric. Ce n'est pas plus mal ! Les gens sortent un par un de l'eau et ne semblent pas être gênés le moins du monde de la situation. Finalement, Twiggy s'avance dégoulinante vers moi.

- Elle te va top la robe !

- Heu, merci, Twing... pardon, Twiggy, tu me sauves la mise.

Elle me donne une tape sur l'épaule comme si j'étais un vieux pote de biture et retourne barboter. Je me tourne vers Daniel, mais il vient de se faire appeler par les amis de Lanval afin, à mon sens, de conclure une vente. Je souffle et me dirige vers le bar, je tire sur la robe qui ne cesse de remonter sur mes cuisses.

- Un autre Mojito super chargé, s'il vous plait.

Le barman me sert donc du rhum avec un peu d'autre chose, mais alors un tout petit peu. J'ai un furieux besoin de cigarettes, je sens que mon état de nerf y est pour beaucoup.

- Vous n'auriez pas des cigarettes ?

- Non désolé, mademoiselle.

Il me donne mon cocktail et je me tourne vers les invités qui font un raffut de tous les diables. Entre la musique et les brouhahas, je n'ai qu'une envie, c'est de prendre le large. Une clope... une toute petite clope... Personne ne fume et je décide de me pencher pour voir le jardin en contre bas. Tout est illuminé, je m'avance vers les escaliers pour aller visiter les lieux. La maison a trois étages sous elle et le jardin est impressionnant. Tous les yachts de la baie de Cannes sont devant nous, les îles de Lérins en face... Je progresse doucement avec les chaussures que j'ai et entends un petit bruit sur le côté. La curiosité est la plus forte et je m'aventure un peu dans le noir. Soudain, deux yeux me font sursauter. Un chat tout blanc au regard magnifique me fixe, il parait aussi surpris que moi. Je pose mon verre vide depuis quelques pas. Houlala, je sens que j'ai encore trop bu. Je m'avance vers le félin qui recule, tout en essayant de me souvenir de tout ce que j'ai ingurgité ce soir. Je suis dans les fourrés et ne me rends plus du tout compte de ce que je fais.

- Petit, viens. Tu es trop beau.

Cet idiot bondit derrière un buisson !

- Viens là, sale chat !

Je marche à sa suite sur un petit muret dans le noir complet et j'avoue être vraiment saoule maintenant.

Je cri plus fort :

- Mais, viens là, le chat ! Je suis sûre que tu es comme ton maître : sauvage et incontrôlable ! Mais t'inquiètes, je vais bien finir par te mater !

- Bérénice !

Sa voix me fait retourner d'un coup et je manque de tomber de mon morceau de béton.

- Merde, Frédéric, j'ai failli me casser la tronche ! Laisse-moi tranquille, va voir tes invités, moi je m'occupe du chat ! Il est insupportable comme toi !

- Ne bouge pas !

- Si je veux l'attraper, il va falloir que je bouge. En plus regarde, il est parti à trois mètres ! Quelle peste !

Lanval est déjà en train de marcher doucement sur le muret dans ma direction.

- Tu vas te mettre à califourchon sur le mur et tu attends que j'arrive. D'accord ?

- Mais non, de quoi je me mêle ! Je veux le chat et toi de l'air ! Oui, tu m'étouffes, tu m'agaces, et puis cette Twingo. Elle est bien gentille avec toi, hein ? C'est ça ?

Je fais des pas sur le côté, m'éloignant de lui.

- Fais ce que je te dis, s'il te plait. Ne bouge pas et assieds-toi.

- Non ! Et pourquoi je ferais ça !

- Si je te dis pourquoi, tu risques de paniquer.

J'ai la tête qui tourne de plus en plus et je vacille.

- Bérénice, regarde-moi !

- Tu fais chier Lanval ! J'ai pas envie de te regarder ! Toi et ta gueule d'ange !

Il s'avance et arrive dans un geste à me saisir fermement la main.

- Ne me touche pas !

Je remue pour me défaire de lui.

- Arrête de bouger ! Le mur est à 15 mètres d'aplomb ! On va finir par se tuer tous les deux !

Un éclair de panique traverse mon crâne, je tourne lentement mon visage vers le précipice et resserre finalement mes mains sur lui.

J'entends dans ma tête : « 15 mètres, 15 mètres, 15 mètres » et comme pour me prouver qu'il ne me raconte pas de bobards les nuages s'ouvrent et la lune projette sa lumière blanche tout en bas. Je commence à trembler, je ne sais plus quoi faire. En plus de mon état d'ivresse, j'ai le vertige et des flashs qui me perturbent.

Je suis comme happée par le vide.

- Bé, regarde-moi. On va s'assoir en même temps d'accord ?

Je hoche la tête tout en tremblant toujours autant. Il me sourit pour me rassurer, puis il m'accompagne lentement. Nous arrivons finalement à nous assoir à califourchon. Je mords ma lèvre inférieure pour ne pas pleurer, mais c'est trop tard. Il s'avance d'un coup de reins et me prend dans ses bras pour m'apaiser.

- C'est bon, c'est fini...

- Non, je veux partir de là. Je veux rentrer chez moi...

Je suis contre lui et il faut avouer que je m'y sens bien. J'oublierais presque le vide qui est sous nos pieds. Le temps parait long, j'entends son cœur qui bat très vite et sa respiration qui ne décélère pas, sans doute la peur. Il me serre plus fort encore quand il pose sa tête sur moi. Il a une odeur incroyable, un mélange de parfum et d'autres choses. Des choses douces, sensuelles et tellement viriles. Rentrer chez moi ? Quelle drôle d'idée tout à coup ! En fait, je pourrais facilement rester ici avec lui, tant je me sens en sécurité. C'en est presque étrange... Je suis blotti contre lui, mes jambes sur les siennes et je n'ai plus vraiment envie de passer à autre chose.

Mais...

- On va y aller doucement. On est obligé de reculer le long du mur, tu vas faire les mêmes gestes que moi.

En un instant, je redescends sur terre et la crainte se lit dans mes yeux pleins de larmes. Je me fixe à lui et commence à avancer avec l'aide de mes mains en prenant garde à ne pas regarder en bas.

Petit à petit, nous arrivons à quitter le mur sans encombre. Il m'aide à me relever et hésite à me prendre dans ses bras une nouvelle fois. Nous restons un certain temps à nous jauger, le malaise est bien présent, mais il choisit finalement l'humour pour détendre l'atmosphère.

- Quand j'ai fait construire ce mur, je ne pensais pas qu'un jour j'allais me promener dessus.

Stoïque, livide, je ne réponds rien. Je suis trop saoule, stressée et honteuse... Alors je baisse les yeux comme une enfant grondée.

Il s'avance vers moi, me prend la main et me reconduit vers la piscine où Daniel qui est en train de me chercher nous aperçoit. Il comprend rapidement à la couleur de mon visage qu'il y a eu un problème et il se précipite.

- Bé ! Qu'est-ce qui s'est passé encore ?

C'est Frédéric qui intervient à ma place, je le regarde en l'implorant. Pourvu qu'il ne dise rien... pitié !

- Rien de spécial, Daniel, Bérénice a visité mon jardin et s'est perdue dans les allées.

Daniel plonge ses yeux dans les miens pour savoir s'il dit juste.

- OK, tu as encore trop bu ?

- Oui.

- On va rentrer, il vaut mieux.

Il tend la main à notre hôte et le remercie. Je ne le regarde pas une seule fois, même quand il nous fait un signe au seuil de sa porte.

MB MORGANE - Incontrôlables [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant