Chapitre 54

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Mon cri résonne dans l'immensité noire. Je jette l'arme et hésite un temps à moi-même sauter par-dessus bord. j'ai le cœur au bord des lèvres quand je scrute la surface de l'eau à la recherche d'un signe de vie.

Rien...

Pas le moindre homme, le moindre corps ! J'ai tiré ! J'ai tiré sur eux. J'ai tiré sur lui, je l'ai tué ! La tête me tourne et j'ai la nausée. Les vagues battantes, je crie encore son prénom, ma voix vacille, monte dans les tours. Mais toujours rien, personne ne répond.

Je dois me rapprocher !

Je dévale les escaliers des ponts. Arrivée devant la mer déchainée, je perds tout espoir de le retrouver. Alors, comme un flash, je me remémore tous les merveilleux moments que nous avons vécus ensemble. Notre rencontre, la cave, la Colombe d'Or, la Thaïlande, lorsqu'il m'a sauvé la vie chez Daniel, son corps sublime quand il me faisait l'amour comme personne, et je commence à glisser doucement vers le sol en oubliant où je me trouve. Mes jambes ne me tiennent plus, mon cœur se brise en un million d'étoiles...

Je veux mourir, je l'aime et je ne lui ai jamais dit. Aussi, tout en sanglotant, je crie une dernière fois :

-Je t'aime ! Ne m'abandonne pas !

Je reçois les embruns sur ma peau, et je me moque de mourir maintenant. Je ne sais pas si mon visage est recouvert de pleurs ou d'eau de mer, et de m'imaginer sombrer avec ce navire n'est plus un problème finalement, car je ne peux pas vivre sans lui. Je viens de perdre pour toujours l'homme de ma vie, le seul homme qui comblait tous les vides de mon existence. À cette douloureuse évidence, je me relève bien décidée à enjamber le garde-corps... Mon coeur est mort, je peux mourir en allant le retrouver dans les vagues méditerranéennes, nous serons bercés dans des flots éternels.

- Bérénice, il m'en faut plus pour t'abandonner...

Je me retourne d'un coup, et n'en crois pas mes yeux. Une grande silhouette est sur le même pont que moi, c'est un mirage ou un miracle ? Je me relève et n'ose pas parler quand il s'approche de moi doucement en boitant.

- Richard, la prochaine fois, attend qu'on soit marié pour me tirer dessus... ce sera plus rentable pour toi !

Alors je me jette dans ses bras et nous tombons tous les deux au sol. Il est trempé et je ne sais toujours pas comment il a pu s'en sortir. Je me laisse embrasser, et je profite de lui comme jamais.

J'ai eu si peur...

À contrecœur, il rompt le silence et ce moment presque fou.

- Viens, il faut remettre en route le bateau. L'équipage doit être en bas.

Je le suis en ne le quittant pas des yeux, comme s'il pouvait se volatiliser, comme si j'étais dans un rêve.

- La balle t'a touchée ?

- Oui, mais elle est ressortie de ma jambe.

- Comment as-tu pu venir si vite ?

- Je sais nager Richard, et à la différence de toi, je n'ai pas peur de quelques vaguelettes. Par contre, mon frère n'a jamais été un bon nageur. Je ne pouvais pas le laisser mourir ainsi pour autant.

- Où est-il ?

- Sur la plage arrière du yacht, c'est par là que je l'ai aidé.

Nous descendons au plus bas et effectivement nous voyons bâillonnés le commandant, un skipper et une femme. En les détachant, ils nous remercient et rapidement nous relançons tous les systèmes électriques. En un instant, le bateau s'illumine, l'homme remonte avec son assistant pour le redémarrer et lorsque j'entends le ronronnement des machines, je ne peux m'empêcher de respirer enfin.

Quand nous retrouvons Marc sur la plage, il est toujours allongé et regarde, statique, le ciel, comme s'il était drogué ou possédé. La première chose que j'ai envie de faire, c'est de le frapper dans les côtes et d'un pas nerveux, je m'avance vers lui et me prépare, mais Frédéric me hèle.

- Ne fait pas ça... Ça ne sert à rien. Sa crise est passée, il est en état de choc.

Je me tourne vers mon amant et regarde le sang couler de sa jambe. Il s'assoit sur une banquette avec une certaine difficulté. Maintenant que nous naviguons pour revenir vers Monaco, la mer ne parait plus aussi soutenue.

Frédéric s'adresse à la jeune femme.

- Mademoiselle, pouvez-vous demander une ambulance pour que je sois pris en charge à mon arrivée ? Appelez la police, et expliquez-leur ce qui s'est passé.

Elle nous quitte et je m'assois à genou devant lui.

- Montre-moi ce que je t'ai fait...

- Mais, comment ça Richard ? Tu es perfectionniste au point de vérifier comment tu as pu si bien me louper ?

- Ne dis pas n'importe quoi ! Enlève ton pantalon...

-Hmmm, c'est une proposition ?

- Non, mais je rêve ! Tu ne t'arrêtes jamais ?

- Pas quand tu es là Richard !

Je lui souris et il me prend la tête en coupe.

- N'attends pas de me perdre pour me le redire...

- De quoi ?

- Que tu m'aimes...

Je deviens rouge et me noie dans ses yeux bleus.

- Je...

- Oui, dis-le.

Il s'approche de mes lèvres et écrase un baiser avant de parler encore une fois.

- Dis-le, Bérénice Richard. L'amour c'est comme le whiskey, au début ça te brule, mais après tu y prends gout...

Focalisée sur lui, sur ce que je viens de vivre, sur la peur de l'avoir perdu et de toutes ces émotions qui m'assaillent, j'ouvre lentement la bouche.

- Oui, n'est pas peur de me l'avouer. Je ne suis pas un queutard, je suis fidèle et fou de toi. Je donnerais tout, juste pour que tu le dises encore une fois.

Doucement, ma voix se délie dans un :

- Je t'aime...

Alors il projette sa tête en arrière et rit de bonheur.

- Mon Dieu, que c'est bon de l'entendre, enfin... Bérénice, tu es la femme de ma vie et je t'aime aussi fort qu'on puisse aimer.

Rassuré, il respire et finalement se lève lentement.

Surprise, je le dévisage.

- Où vas-tu ?

- Me changer, il parait que je suis encore tombé, tout habillé, dans l'eau à cause de toi...

Je cille à sa remarque et ne peux m'empêcher de trouver mon futur mari aussi délirant que possible...

MB MORGANE - Incontrôlables [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant