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Nous en sommes au troisième jour de notre séjour, mercredi donc. Mon colocataire arrête l'alarme de son téléphone et met plusieurs secondes à trouver le courage pour sortir de dessous les deux couettes. De mon côté, je me prends déjà des vêtements propres et commence par aller me toiletter et m'habiller. Jetant un œil au lit sur le chemin, je suis forcé de constater que Iagan n'a pas bougé d'un seul centimètre durant la nuit. Au moindre mouvement, il aurait pu tomber tellement qu'il était sur le bord. Il a peur à ce point que je lui saute dessus ?

Je ressors de la salle d'eau et, comme hier, mon colocataire souhaite passer aux toilettes avant que nous n'allions manger. Lors de son retour de la pièce, ces cernes ont, identiquement à la veille, disparus derrière ses lunettes. Il fait obligatoirement quelque chose sur ses yeux pour que ce soit possible. Il passe à côté de moi comme si de rien n'était, et c'est là que je vois une bosse formée par un objet dans la poche droite de son jogging de nuit. J'agis alors d'un coup sans réfléchir. À cause de la surprise, l'adolescent a à peine le temps de réagir et je parviens à attraper le petit tube.

"Non ! Rends ! "

Il me l'arrache des mains et tend le bras derrière lui sans aucune intention de me laisser voir une seconde de plus.

"De l'anti-cernes ? Je l'interroge n'étant pas sûr d'avoir pu lire assez vite.

- Ça te regarde pas ! "

Ça expliquerait tout pourtant.

"Ça va, pas la peine de t'énerver. Tu fais ce que tu veux avec ta tronche." Je lâche.

Sur ces mots un peu secs, je l'abandonne dans la chambre. Dans la salle de repas, Lorelei est déjà à la table qui est un peu devenue la notre avec un festin matinal devant elle et un verre de jus de fruits plein à ras bord. Je me sers un petit quelque chose aussi et m'assois avec elle. Dans le train, je souhaitais que ce séjour se termine au plus vite, mais c'est moins le cas maintenant en grande partie grâce à elle. Iagan arrive quelques minutes plus tard, il regarde les élèves partout autour de lui puis se dirige se mordant la lèvre inférieure vers son groupe qui l'appelle. Je ne fais pas plus attention à lui et poursuis ma conversion avec la gothique.

Nous avons quitté la station de métro il y a environ un quart d'heure et arrivons à pied devant le théâtre que nous allons visiter ce matin. La visite s'inscrit dans le programme de littérature, car nous commencerons la partie sur le théâtre quand nous rentrerons et l'une des pièces étudiées a été écrite par un dramaturge originaire d'ici, dont toutes les pièces ont été jouées pour la première fois dans le bâtiment devant nous. Haut et imposant, à l'air prestigieux et mélangeant dans de bonnes proportions les briques et la pierre. Cette dernière encadre les ouvertures et décore la façade grâce à des ornements sculptés en bas-relief. C'est assez facile de deviner qu'il s'agit d'un théâtre même sans son nom inscrit au-dessus de la grande entrée. Nous entrons tous et attendons la personne qui sera notre guide.

Après quelques instants, Roald, un homme dans le milieu de la vingtaine et souriant, se présente à nous. Il explique dans la langue d'ici à Sarah que sa collègue qui parle notre langage a eu un problème, il s'excuse sincèrement et demande si cela convient que la visite soit faite en anglais. Même si certains se plaignent dans leur coin, cette solution semble convenir à une majorité.

À mesure que la classe suit notre guide dans le bâtiment, Lorelei et moi restons non loin l'un de l'autre parlant de ce qui nous est appris entre chaque explication. Roald est dynamique, il n'hésite pas à inclure des commentaires avec humour et fait participer ceux qui le veulent bien. La visite du théâtre semblera beaucoup moins interminable que ce que je craignais et la gothique, elle, n'en perd pas une miette. Elle admire partout autour d'elle. Les sièges rouges, les moulures dans le bois sur les bords des balcons, les projecteurs accrochés au plafond pour les lumières, chaque détail dans les coulisses et les mécanismes de trappes présents sous la scène lorsque ces derniers nous sont montrés.

Derrière Les FaçadesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant