Je me réveille pour une raison inconnue, puisque l'alarme n'a même pas encore retenti, et après quelques secondes à émerger, je me rends compte que, durant son sommeil, mon camarade a resserré son bras autour de moi et a appuyé son front contre l'arrière de ma tête. Il est pire qu'une bouillotte, mais, au moins, il ne ronfle pas, c'est toujours ça. Je reste immobile, sentant de l'air chaud s'échouer contre mon épaule au rythme de sa respiration, puis essaie de bouger le plus délicatement possible pour aller regarder l'heure. Mais malgré mes efforts, je réveille tout de même l'autre adolescent. Il marmonne quelque chose d'incompréhensible tandis que je m'excuse et, foutu pour foutu, j'attrape mon téléphone. Six heures trois.
C'est voulant attraper ses lunettes, avec le bras qui se trouve autour de moi, que Iagan s'aperçoit de notre position et y remédie d'un coup sautant hors du lit.
"Merde ! Désolé je m'en suis pas rendu compte !"
Je lui précise qu'il s'était endormi dans cette position hier soir. Il se gratte frénétiquement l'arrière de la tête puis nous nous asseyons tous les deux contre la tête de lit gardant les couettes sur nous. Il met ses lunettes et nous restons silencieux un long moment dans l'obscurité.
"L'anti-cernes, t'en mets depuis longtemps ? " Je me tourne vers lui.
La curiosité sur cette question que je me pose depuis hier a pris le dessus. Mon colocataire réfléchit une seconde et m'indique triturant les couvertures par en dessous qu'il a commencé vers la fin de l'année scolaire dernière. Ne voyant aucun mal à avoir des cernes, je lui demande pourquoi il cherche à les cacher, laissant entendre que je ne l'oblige pas à me le dire s'il n'en a pas envie.
"Quand ça a commencé à beaucoup se voir, les autres ont commencé à faire de plus en plus de remarques comme quoi j'avais l'air crevé, ils m'ont conseillé de plus dormir et des trucs comme ça, parle t-il des membres de sa bande. J'en avais marre donc je me suis dit que ce serait juste temporaire, mais j'ai l'impression que ça a empiré après ça. Et maintenant ce serait bizarre que j'arrive avec une tête de panda du jour au lendemain."
Il garde les yeux rivés vers les couettes et vient brièvement se gratter l'arrière de la tête alors que je me dis que, cette "tête de panda", c'est celle que j'ai failli embrasser hier soir. Je chasse aussitôt ce souvenir et poursuis :
"C'est que t'as des problèmes pour dormir ? "
- Un peu. Je me réveille souvent les nuits ou alors je suis presque tout le temps en "demi-sommeil". Toi, par contre, t'as l'air impossible à réveiller quand tu dors." Commente t-il se tournant enfin dans ma direction avec le début d'un sourire amusé.
Ce qui explique probablement que je ne me suis rendu compte de rien malgré déjà nos quelques nuits dans le même lit.
"Tu te réveilles souvent et t'as pas vu que tu t'étais collé à moi ? J'affiche un air légèrement moqueur, lui rappelant que c'est pourtant lui qui craignait que je lui fasse quelque chose dans notre sommeil.
- Oui bon ça va ! J'ai vraiment pas fait gaffe ! " Réplique t-il esquissant le début d'un coup de coude.
Je me protège le flanc ricanant puis veux tenter de le rassurer, lui disant que ces cernes seront sans doute temporaires et que son groupe laisserait sûrement tomber les remarques après un moment. Mais je me souviens finalement de leur ténacité avec moi.
"Ouais, non. Oublie ce que j'ai dit en fait. Tes potes sont que des abrutis hypocrites et homophobes en plus, je rectifie.
- Pour l'homophobie, ils le sont pas tous." Affirme Iagan.
Je prends un air plus que sceptique. Il concède que certains du groupe semblent réellement l'être, mais que d'autres m'attaquent sur ça comme ils pourraient m'attaquer sur n'importe quoi d'autre, ils n'ont rien de particulier contre de manière générale. Il y a aussi ceux qui parlent et agissent en accord avec ce qui est implicitement attendu d'eux. Comme le fait Margot, me donne t-il comme exemple.
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Derrière Les Façades
RomanceTheoden, lycéen insouciant, inébranlable en apparence et qui ne cache pas son attirance pour les garçons, reçoit un jour un message d'un anonyme en plein doute sur sa sexualité. Acceptant de tenter de l'aider, il ne se doutera pas que la relation ch...