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Dernier jour de la semaine. J'arrive avec mes écouteurs dans les oreilles, pose mon sac et m'assois contre le mur près de notre première salle de la journée. Je reste concentré sur la musique les yeux vers le plafond, entends le couloir se remplir progressivement et en reviens à ce qu'il y a autour de moi lorsque je crois entendre la voix du binoclard par-dessus la chanson. C'est effectivement lui qui vient d'arriver avec sa bande et, bien évidemment, sa frisée qui reste près de lui. Je regarde rapidement l'heure, vois qu'il reste plusieurs minutes avant la sonnerie, donc me lève laissant mon sac à dos là où il est. Je ne compte pas mettre longtemps de toute façon.

J'avance dans la direction du binoclard, le prends par le bras et l'emmène plus loin. Les autres nous regardent nous éloigner sans comprendre, mais ne réagissent pas pour le moment. Je m'arrête à plusieurs mètres où je suis sûr qu'aucun élève ne pourra entendre.

"Ma veste. T'en as fait quoi ? " Je lance lui lâchant le bras.

Ce vêtement commence à énormément me manquer. C'est stupide, mais je ne me sens pas tout à fait moi sachant qu'il n'est même pas à la maison.

"Elle est chez moi." M'indique mon camarade.

Il est heureusement possible que je la récupère alors. Je ne laisse pas paraître mon soulagement, lui ordonne de me la ramener lundi et commence à faire demi-tour la seconde d'après, ne voulant pas céder à l'envie de lui parler plus longtemps.

"Non."

Je m'arrête et me retourne commençant à serrer mon téléphone dans la main.

"Je te la rendrais pas lundi."

Il plaisante ?

"Je te la rends que si tu viens à ma fête de demain soir.

- Pour me la rendre avant ou après ta baise avec l'autre pot-de-colle ? " J'assène sans réfléchir.

Son expression change subitement, passant de son regard qui me fixait sans défaillir, à se mordre la lèvre inférieure, le visage baissé. Et je m'en veux de le voir comme ça sans en admettre la raison.

"C'est bon, je m'en fous. Garde-la." Je m'éloigne définitivement cette fois.

Je retourne auprès de mon sac et relance la chanson depuis le début augmentant légèrement le volume. Discrètement, j'observe mon camarade revenir vers les membres de sa bande le regard vide, mais avec son expression habituelle qu'il garde intacte. Ils l'interrogent probablement sur ce que je lui voulais, mais ça m'étonnerait qu'il leur dise la vérité.

La frisée lui sourit contente qu'il soit de retour et se blottit contre son flanc lui parlant. Alors que ces quelques dernières semaines il la laissait faire et lui rendait parfois même ses étreintes, il la décolle pour la première fois gentiment et de façon assez subtile pour que ça n'attire pas trop l'attention.

La vipère n'a pas l'air de comprendre la raison de ce geste et se tourne dans ma direction. Je fais mine d'être concentré sur mon écran au moment où je comprends qu'elle me fixe, lançant juste de brefs coups d'œil bref pour surveiller combien de temps elle va m'observer. Comme si c'était de ma faute si son précieux Iagan la repousse. Sauf que c'est ce qu'elle semble croire, car elle me détaille un long moment. Lorsqu'elle détourne enfin le regard le dirigeant vers le sol, elle croise les bras, comme pour ne plus les laisser aller toucher qui que ce soit, et s'éloigne d'un petit pas de notre camarade commun. Ce dernier, qui semblait s'être perdu dans ses pensées entre temps, revient à la réalité alors qu'un membre de la bande s'adresse à lui.

Je reviens du self ayant mangé même si je n'avais pas très faim et me poste dans le couloir vide près de notre prochaine salle. Je mets mon sac entre mes pieds et fixe dans le vague devant moi, presque hanté par le changement d'expression de Iagan ce matin. Cependant, ce que je lui aie dit juste avant me fait me questionner sur la raison pour laquelle je lui en voulais en premier lieu, avant que d'apprendre qu'il était Nagai en rajoute une couche. De la jalousie, comme le sous-entendait Lorelei ? Mes réflexions prennent un chemin que je n'apprécie pas du tout, donc je les envoie au loin. Au même moment, mon attention est attirée par des bruits de pas rapides qui approchent. Je me tourne vers la personne par curiosité et ai à peine le temps de me demander ce que la frisée fait là, qu'elle m'agrippe par le sweat au niveau de la poitrine

Derrière Les FaçadesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant