Il est un peu plus de vingt-et-une heures trente, la nuit est tombée depuis longtemps et ma mère s'arrête sur le bord de la route, là où sont déjà garés plusieurs véhicules.
"Tu m'appelles quand tu veux pour que je vienne te chercher, me sourit-elle.
- D'accord."
Je descends, la regarde faire demi-tour puis me retourne vers l'immense propriété derrière moi. Une grille haute en fer noir, un grand portail ouvert et un chemin de graviers clairs menant à une habitation sur au moins trois niveaux. La façade en pierre est impeccable et, malgré l'obscurité atténuée par la lumière des lampadaires et celle provenant de la maison, il n'est pas difficile de voir que l'extérieur est dans le même état. Je jette un coup d'œil au pilier en pierre à la gauche du portail et vois le numéro vingt-huit affiché sur une plaque métallique travaillée. Plus haut, une caméra surveille toutes les entrées et sorties. Je fixe celle-ci une seconde avant de me reconcentrer sur la maison, dont la foule à l'intérieur est visible à travers les grandes fenêtres.
J'aurais dû demander à ma mère de m'attendre, puisque je ne compte pas rester ici plus de quelques minutes, mais je n'y ai pas pensé. Ça m'embêterai de la rappeler donc je pense que je rentrerai à pied une fois que j'aurai ma veste entre les mains.
J'arrête de rester planté là, range mon téléphone dans l'une des poches de mon jogging et avance enfin vers la fête, les mains dans la poche ventrale de mon sweat noir. Je suis quelques mètres derrière un groupe d'amies retardataires. Elles ont sorti les meilleures tenues de leur garde-robe et sautillent impatientes sur toute la vingtaine de mètres à parcourir jusqu'à la porte d'entrée. J'entre quelques secondes après elles et me prends en pleine figure la chaleur générée par les personnes présentes.
L'espace de vie est immense et j'aperçois par-dessus les têtes des invités un large escalier sur le côté. Les murs sont blancs, le carrelage gris foncé et toute la décoration semble tourner autour de ces teintes et d'un style un peu industriel. Les canapés et fauteuils blancs ont été rassemblés dans un coin à ma droite, où sont déjà assis des élèves entourés, et la baie vitrée est laissée ouverte pour ceux qui voudraient prendre l'air. Il doit y avoir peut-être plus d'une centaine de personnes et elles se contentent pour l'instant de discuter, un gobelet à la main, de rire et de profiter de la musique au volume étonnement raisonnable. Les comportements semblent étrangement calmes et corrects pour la façon dont j'entendais parler de cette soirée.
J'avance parmi les adolescents, espérant que je vais vite pouvoir trouver le binoclard là-dedans, et le cherche du regard. Je finis par arriver jusqu'à la cuisine semi-ouverte et m'arrête d'un coup devant les placards ainsi que le réfrigérateur qui ont été enchaînés et cadenassés. Après réflexion, je me dis que c'est certainement pour éviter que des idiots fassent n'importe quoi avec la vaisselle ou la nourriture. Je repère peu après les boissons, posées sur une longue table près de l'entrée de la pièce. Des bouteilles d'alcool, des jus de fruits pour les couper et plusieurs piles de gobelets en carton à disposition.
Je jette un dernier regard circulaire afin d'être sûr de ne pas avoir manqué Iagan et me sers avec un soupir déjà lassé d'être ici. Ce sera ma compensation pour m'être donné la peine de venir. Je goûte, mais grimace dès la première gorgée. Il y a vraiment des gens qui aiment ce goût-là ? Je bois la moitié de mon mélange d'un trait, afin de m'en débarrasser, et ajoute beaucoup plus de jus de fruit avant de poursuivre mes recherches arpentant le rez-de-chaussée.
Je ne suis même pas sûr d'avoir repéré quelqu'un de ma classe, ai fini mon verre sur le chemin et reviens maintenant vers la table. Je m'apprête à repartir pour voir à l'étage après avoir reremplis mon gobelet, ayant cette fois mis du premier coup beaucoup plus de jus de fruits que d'alcool, quand une personne derrière moi me tapote l'épaule. Je me retourne immédiatement, mais vois que ce n'est pas la personne pour qui je suis venu.
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Derrière Les Façades
RomanceTheoden, lycéen insouciant, inébranlable en apparence et qui ne cache pas son attirance pour les garçons, reçoit un jour un message d'un anonyme en plein doute sur sa sexualité. Acceptant de tenter de l'aider, il ne se doutera pas que la relation ch...