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Le binoclard a regardé le film après être rentré chez lui et, dès qu'il m'a vu ce matin, il est venu me dire qu'il avait adoré et que mes sous-titres étaient géniaux. Il est même volontaire pour tester tous les futurs que je ferais.

Il est maintenant un peu plus de onze heures et demie, Iagan et moi prenons nos commandes au comptoir puis allons le plus à l'écart possible du monde. Nous nous installons face à face à une petite table, laissons nos sacs de cours et de sport à nos pieds et commençons nos menus. Nous poursuivons encore un peu la conversation que nous avions sur le chemin puis il me demande si j'ai toutes mes explications prêtes quant à notre relation. J'acquiesce et commence après avoir vérifié que personne ne pourrait entendre :

"Si t'es toujours d'accord quand je t'aurais expliqué, en fait, on est pas en couple, mais on est pas que amis ni sexfriends non plus. On se situe un peu entre les trois.

- Donc, pour la prochaine fois, ce sera grave si je me rendors comme pendant la fête ou ce sera bon puisqu'on est pas sexfriend ? Préfère t-il tout de même vérifier.

- Y'a que les boulets pour s'endormir comme ça." Je me fiche de lui.

La seule chose qui me sauve d'un coup de coude, c'est notre installation.

"Mais ce sera bon, t'inquiète. Et puis de toute façon on aurait pas pu faire ça, sauf si toi tu l'avais prévue la partie de jambes en l'air ? " J'aborde un sourire pervers.

Cette fois, je me le prends ce coup substitué par un coup de pied dans mon genou pour avoir mentionné un aspect dont il me dit essayer de ne jamais trop penser. Je lui souhaite la bienvenue dans le côté sombre des relations entre hommes avant de revenir à mes explications :

"Pour les sorties, je te l'ai déjà dit et toi tu veux pas qu'on soit trop proches en public, mais même si tu changes d'avis, ce sera à ton rythme. 

- D'accord. Et si l'un vient chez l'autre ? C'est toujours du "entre potes" ou plus ? Je demande juste sans parler de faire quoique ce soit." Lève t-il les yeux au ciel devant mon sourire pervers qui commence à réapparaître.

Je ricane devant son désespoir et accepte que ce soit plus dans ces cas-là. Il s'informe ensuite par rapport aux photos dénudées que j'envoyais. Je lui indique que j'ai déjà arrêté ça et que j'ai modifié mon profil sur l'application, sans cacher que je continuerai tout de même à parler aux utilisateurs. Je pense principalement à Wolf, parce que c'est le seul qui a accepté l'arrêt de ces images sans broncher, et peut-être à des futurs inconnus avec qui les discussions passeront bien.

"Si y'a vraiment plus de nudes, ça me va. Ça va pas trop te manquer ? Se moque t-il.

- T'inquiète, je compense en matant Sharky.

- T'es dégueu'." Rit mon camarade.

Mes nouvelles tendances zoophiles sur une peluche mises de côté, Iagan avoue qu'il ne voit pour l'instant pas beaucoup la différence entre notre relation et un véritable couple qui serait simplement discret. Je repose mon hamburger sur le plateau et fixe l'adolescent cherchant la meilleure façon de le formuler.

"Parce que ce sera que les bons côtés et que l'un de nous peut décider de tout arrêter quand il veut."

Le binoclard avale et fronce légèrement les sourcils.

- Tout arrêter comme ça ? Sans donner d'explication ?

- Sans avoir besoin de donner d'explication et l'autre aura pas le droit d'en demander, je confirme et ajoute. Si l'un de nous trouve que ça s'éloigne trop des bons côtés, il peut quitter l'autre.

- Et les "bons côtés", c'est quoi ? C'est quand on sera tous les deux, qu'on parlera, qu'on s'embrassera et tout ça ? "

Grossièrement, oui.

"Et les mauvais ce sera les disputes et les choses comme ça ? "

J'acquiesce à nouveau ne cherchant volontairement pas à préciser et compléter sa liste. Je me déteste à cet instant. Il se met à se mordiller la lèvre et à fixer son plateau sans ne rien dire de plus.

"Ça te va toujours ? T'as le droit de plus vouloir."

Il hoche la tête assurant qu'il est d'accord avec ces conditions, mais je vois bien que son regard en dit autrement même s'il essaie de ne pas le faire paraître. Je change de sujet me forçant à faire comme si je ne remarquais rien et nous reprenons notre repas. 

Après avoir pris tout notre temps, nous revenons au lycée quelques dizaines de minutes avant la sonnerie. Iagan semble avoir mis de côté les détails de notre relation au fur et à mesure et nous nous asseyons côte à côte contre le mur du gymnase, à l'écart de deux de nos camarades déjà présentes, continuant de discuter.

Le coup de sifflet me sauve de la première session de trois minutes pour cette avant-dernière séance de demi-fond et je reviens vers Lorelei reprenant mon souffle. Elle me donne mes résultats sans plus aucune froideur comparé à la semaine précédente, mais me laisse aussitôt après le chronomètre pour aller se mettre en place sans un mot de plus. Il n'y a pas qu'Ylan qui peut dire qu'il fait tout foirer avec les autres... La professeur donne le départ un moment plus tard donc je me concentre sur ce que j'ai à faire. Iagan me rejoint peu après et nous observons tous les deux nos partenaires respectifs dans le silence.

Un nouveau coup de sifflet et la gothique se dirige vers nous levant ses cheveux pour aérer sa nuque.

"T'as pu voir ce que j'ai fait ou ton amoureux te déconcentrait ? " Interroge t-elle arrivant à notre niveau.

Le binoclard se tourne aussitôt vers moi. Je me défends rapidement promettant que je n'ai rien dit et demande à Lorelei ce qui lui fait dire ça.

"On fait chier Iagan avec ses suçons et toi, comme par hasard, t'en as aussi ? " Prend t-elle son air amusé et supérieur.

Ça ne servirait à rien de nier et d'essayer de faire croire que c'est une pure coïncidence, elle sait déjà que ce serait faux. Je pense qu'elle nous aurait bien réclamé des détails, mais le partenaire du garçon aux cheveux quasiment noirs arrive à son tour pour ses résultats. Le reste de la séance voit une amélioration dans la communication entre Lorelei et moi, mais quelque chose reste définitivement absent. Et puis je me rends compte que c'était temporaire, car tout retombe après le dernier coup de sifflet du cours. Elle me propose le visage fermé d'aller ranger le chronomètre à ma place et attend à peine ma réponse pour le prendre et l'emmener.

Dans le vestiaire, Iagan se fait encore taquiner pour ses suçons et les quelques restes de traces de morsures que les autres ont remarqués, mais je ne pense même plus à rire intérieurement ou à lui envoyer des sourires moqueurs discrets. Je remets mes chaussures initiales, mon sweat et ma veste, récupère mes sacs puis me dirige vers la sortie de l'établissement. La grille juste passée, la main du binoclard se pose sur mon épaule.

"Tu te sens mal à cause de Lorelei ? "

Je donne une réponse négative et indique que je suis juste fatigué à cause du demi-fond. Mon camarade me rappelle qu'il n'y a plus que l'évaluation la semaine prochaine avant que nous changions de sport. Pour qu'il n'insiste pas à propos de la gothique, je lui demande son numéro de téléphone que je ne connais toujours pas. Ce sera mieux que de continuer à parler avec lui sur l'application. Il me le donne sans hésiter.

"Ça te dirait de venir chez moi ?

- Là tout de suite ?

- Ce week-end, je précise de façon discrète."

Pour dormir ensemble aussi donc. L'idée semble plaire, mais mon interlocuteur s'inquiète pour ma mère. J'assure que je lui en parlerai ce soir et que je ne pense pas qu'elle refusera.

"Non, pas pour ça. Je sais qu'elle le sait pour toi et que ça lui pose pas de problème, mais j'ai pas envie qu'elle sache tout de suite pour nous deux. Ça te va si c'est plutôt chez moi ? Mes parents sont censés rentrer pour ce week-end, mais il seront pas là la semaine prochaine."

J'accepte puis nous nous saluons avant de prendre chacun le chemin de chez soi.

Derrière Les FaçadesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant