État second

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DRAGO

J'ai l'impression de complètement planer dans un océane de négativité, c'est atroce. Pourquoi la mort ne veut-elle pas m'achever une bonne fois pour toutes, et me laisser partir loin de tout cela ?

La solution est si proche. J'ai encore conscience d'être au bord du gouffre, et qu'il me suffirait de franchir le pas. Un pied. Puis l'autre. Relâcher mon emprise. Et arrêter de souffrir. Surtout ça... Je n'arrive pas à supporter le monstre que je suis. Je n'en suis plus capable.

Et pourtant, dans cet océan de noirceur, dans ce flou, le visage de celle qui me déteste m'apparaît. Cela dure peut-être un quart de seconde, mais tout de même. On aurait dit un ange. C'est ce qu'elle est, en réalité. C'est un ange. Elle est une lueur, la plus belle chose au monde, la plus belle chose qui me soit arrivé. Moi je ne suis qu'un démon, complètement obscure. Nous sommes des opposés, évidemment que cela n'aurait jamais pu marcher. Elle m'avait prévenu. Elle l'avait dit bordel. Elle savait que la souffrance nous toucherait forcément. Et j'ai été stupide de ne pas l'écouter. Elle m'a apporté tellement de bonheur avant qu'il ne disparaisse, et tout est entièrement de ma faute.

Soudain des sortes de sons me parviennent aux oreilles. Je croyais être seul, je croyais avoir rêvé le visage de cet ange, mais j'entends soudain sa voix. Peut-être que cela aussi, c'est un songe. Un merveilleux songe. Et si elle est avec moi, alors je ne veux jamais quitter cet océan. Tant qu'elle est là, je peux tout supporter.

Les mots me percutent enfin, et commencent à prendre un sens. Quelque chose que je comprends, que j'assimile.

- Drago...

Ça, c'est mon prénom. Même si je n'ai pas envie d'être lui, pas envie de l'accepter, je ne peux la nier. Je suis Drago.

- Je suis là...

La voix de Cassie est là, et bien là. Elle m'enveloppe de me donner enfin du répit, enfin une pause dans la douleur interminable.

- Je ne pars plus...

Me dire qu'elle restera toujours me donne un sentiment de bien-être indescriptible. Je n'ai jamais ressenti une telle joie.

- Je suis désolée... Je pensais que te garder éloigner t'aiderait à aller mieux, à passer à autre chose... Je suis désolée Drago...

Sa voix prends une teinte plus triste, je le ressens. Mais je me fiche pas mal de toute se qui s'est passé avant. C'est à peine si je m'en souviens. Mon passé ne constitue d'une ombre abstraite et lointaine. Tout ce que je sais, c'est que je la veux elle. Et elle est là. Je sens sa voix qui m'englobe. A moins que ça ne soit ses mains, posées sur mon corps, dont je n'ai même pas réellement conscience.

- Tu sais, toute cette histoire de torture et de magie noire... on s'en fout en fait, reprend la voix.

Les termes de magie noire ne m'évoque rien, mais la torture, oui. Celle que j'ai infligé. Celle que j'ai déjà vécu.

- Non, ne pleure pas !

Je n'avais pas non plus conscience de faire cela.

Puis finalement, son visage apparaît encore une fois. Elle ressemble réellement à un ange. Ça y est, je dois être mort. Pourquoi a-t-on si peur de la mort, quand un personne aussi magnifique nous attend de l'autre côté ? Elle a de beaux cheveux bruns dans lesquelles j'ai envie d'enfoncer mes doigts. Sa jolie bouche rose que je veux frôler avec mes lèvres. Ses magnifiques yeux verts que je veux voir briller. Sa peau caramélisée que je rêve de toucher encore et encore. Mais ce n'est pas elle. La vision devient plus nette, et cela me glace le sang. Le halo de lumière blanche disparaît, pour laisser place à un noirceur inquiétante. Sa peau se grise, lui donnant un air malade. Ses cheveux perdent en brillance, et deviennent ternes. Ses lèvres roses sont en réalité rouge et fendues. Et son visage... il est complètement tuméfié. Afin de m'assurer de la réalité de ce que je vois, je tente de toucher ses bleus.

Au gré des cendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant