Froideur extrême

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DRAGO

Je trouve Cassie, un livre à la main, assise en face de Rogue. Elle a l'air d'aller mieux. Vraiment mieux. Comme quoi, une nuit de sommeil l'a beaucoup aidé.

- Bonjour, je dis prudemment.

Mon parrain n'a pas la moindre once d'animosité dans le regard, et Cassiopée non plus. Lui semble infiniment apaisé, elle se comporte comme il le faut, c'est à dire comme si elle allait mieux. Et j'ai envie de croire que c'est le cas.

- Salut, elle répond en refermant son livre. Du café ?

Du bras, elle montre une carafe visiblement encore chaude, si j'en crois la fumée blanchâtre qui s'en échappe. Je secoue légèrement la tête. Je n'aime le café que parce qu'elle l'aime. Le goût de cette boisson me rappelle le sien.

- Comment tu te sens ? j'ose demander, toujours sans m'avancer plus loin dans la pièce.

- Bien.

Sa réponse est extrêmement froide, et claque dans la pièce comme un fouet. Ou je la ressens ainsi, à cause de la culpabilité. Et, soudainement, je ne savais plus quoi dire. Que je suis désolé ? Elle le sait déjà parfaitement. Que je regrette ? Aussi. Alors quoi ?

- Tu pourras bientôt retourner en cours ? je fins par dire.

Elle tourne la tête vers Severus, qui travaille en ne nous prêtant aucune attention. En apparence en tous cas.

- Pas aujourd'hui. Mais, dans la semaine je pense. On verra avec la médicomage quand elle viendra.

- Elle va revenir ? Mais, je croyais que ça allait ? je m'affole aussitôt, quoi que moi aussi en apparence, je n'en montre presque rien, enfin, le moins possible.

- Elle viendra demain, s'assurer que je me remets correctement de cet... épisode...

Épisode... Cela n'a rien d'un "épisode". Ce n'était pas un accident, elle a été sciemment torturée. De ma main. Ma propre main.

- Que veux-tu faire aujourd'hui ?

Elle hausse les sourcils, mais hausse les épaules.

- Je crois que je vais rester ici, me reposer un peu.

Je suis partagé être l'envie folle et furieuse de rester au près d'elle, et celle de partir, parce qu'elle n'a pas besoin de son bourreau. Mais, je ne peux pas la laisser. Tant qu'elle ne me le demandera pas, je resterais.

- J'ai ramené un jeu de carte, je lance alors avec un maigre sourire.

•     •     •

Heureusement, elle ne m'avait pas demandé de partir. Alors, même avec cette ambiance froide et bizarre, j'étais resté. Je lui avais fait la conversation, un peu, mais j'avais peur de dire quelque chose de travers, alors le silence avait été de rigueur. Aucun éclat de rire. Aucune pique. Aucune provocation. Rien. C'est comme si elle n'était pas elle même. En réalité, elle portait seulement son masque froid, le même qu'avant tout ce qui s'est passé au Manoir. J'avais oublié tout cela. J'avais oublié à quel point elle me déteste, ou du moins, elle ne m'aime plus. C'est ce qu'elle avait dit. Elle l'avait dit. "Je ne ressens plus rien"... Et, ces mots me reviennent en tête maintenant que la situation est redevenue (presque) normale.

Après quelques parties de carte, en début d'après-midi, je la vois somnoler, le visage tourné vers l'extérieur. Le rebord de la fenêtre a été notre abri de la journée, nous ne l'avons quitté que pour aller aux toilettes. Rogue était parti travailler un peu. Il avait du prendre pas mal de retard, en deux semaines.

Au gré des cendresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant