chapitre 16 : les civils

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Depuis la réunion de Vétérans Anonymes, Shayne avait un peu changé. Pas en bien, par contre. La dernière fois qu'il avait fermé un œil ça devait remonter à... Il n'en avait vraiment aucune idée. Il se persuadait lui même que tout allait bien justement pour ne jamais devoir à retourner là bas. Ces deux heures avaient été encore pire que les 3 mois de torture intense au Yémen. C'était pour dire. Alors en ajoutant du whisky à ses multiples cafés noirs serrés, Shayne travaillait des journées de 48 heures sans même cligner des yeux. Au diable les ascenseurs entre les différents secteurs et divisions de la base militaire, il prenait les escaliers, rien que pour se réveiller. Il avait le cerveau en ébullition à cause de ce régime où la nourriture n'était rien d'autre qu'un lointain souvenir. 

Mais plutôt ça que de retourner aux VA.

***

Alors qu'il était près de minuit, quand il voyait qu'il avait remit à zéro son compteur de dossiers en retard, Shayne se laissa écrouler dans son siège. Peu importait s'il manquait de le faire casser sous son poids. Une odeur de frites graisseuses froides lui monta au nez et il ne remarqua que maintenant que ça faisait déjà trois heures que le livreur lui avait fourni à manger. Le Lieutenant-Colonel enleva sa veste, sa cravate, déboutonna sa chemise et se laissa respirer. Sans prêter attention aux graphiques qui s'affichaient sur son ordinateur ou les autres conneries envoyés depuis au dessus de lui, il tendit la main vers sa "nourriture" froide. Il fallait qu'il enfonce autre chose dans son estomac que du whisky au café, enfin du café au whisky. Mais il n'avait même pas mit une frite dans sa bouche qu'on frappa à sa porte.

- putain de merde... Quoi ? 

La porte s'ouvrit et un Colonel fit son entrée, le faisant lever sous le coup.

- Lieutenant-Colonel Carter, rendez vous d'urgence dans la salle de conférence. Maintenant.

Sur ce, l'officier partit aussi vite qu'il était arrivé, laissant Shayne avec une frite dans la main. Il marmonna quelques jurons avant d'avaler vite fait un minimum de nourriture, s'essuya sa barbe pour ne pas avoir un morceau de salade servant de boule de noël, et le suivit. 

***

La grande salle de conférence s'emplissait d'absolument tout les militaires du campus. Tant pis s'il n'y avait pas assez de sièges dans cet endroit qui faisait la taille d'un terrain de football, caporaux et Colonels se serrèrent les uns contre les autres pour faire face aux grands généraux qui s'alignaient sur l'estrade. La lumière des projecteurs était en train de scintiller sur leurs multiples médailles et honneurs épinglés sur leurs uniformes bleus foncés, repassées et propres, contrairement à celui de Shayne. Le jeune officier se pencha légèrement sur sa gauche, où était en train de se tenir un militaire du même grade et lui demanda en chuchotant.

- Qu'est ce qui se passe ?

- Des réformes urgentes du gouvernement, apparemment... J'en sais pas plus...

- Je me demande quelle autre connerie ils vont encore nous pondre...

En marmonna un autre en passant une main boudeuse dans sa petite barbe bien rasée. Face à tous ces hommes bien présentables, Shayne entendit la voix hurlante de son officier instructeur de West Point lui hurler à même l'oreille... Rien qu'une mini tâche de dentifrice de travers sur un t-shirt valait une horrible punition, à l'époque où il n'était encore qu'un larbin ! Au stade où il était, il méritait carrément l'appellation de clochard... 

Bref. 

Shayne reposa son attention sur l'estrade et plus particulièrement sur le plus gradé des généraux. L'homme était reconnaissable depuis le fond de la salle où il se tenait ! L'un des détachés du conseil du président du Texas, une institution de l'armée de terre qui avait été le premier officier à avoir troqué son étendard Américain pour le Bonnie Blue Flag. 

Sa présence ne voulait dire qu'une seule chose...

Les ordres du Président allaient fatalement concerner la protection de la capitale.

L'homme leva la main pour faire taire tout le monde et il n'aurait fallu qu'une demi seconde pour que la pièce devienne aussi silencieuse qu'une église. Il s'avança sur l'estrade pour se mettre devant le petit présentoir et il posa ses main sur le bois pour se mettre plus en avant.

- Messieurs, mesdames... Je sais qu'il se fait tard, où devrais je dire tôt, mais je viens annoncer de sombres nouvelles qui ne peuvent attendre plus longtemps. 

Shayne se redressa du mieux qu'il pouvait pour ne manquer rien de la fameuse annonce qui commençait si solennellement tandis que l'officier très haut gradé continua.

- A cause d'un massif départ de déserteurs en Italie, d'un premier envoi de troupes et de missions jusque là quasi désastreuses nous avons le regret d'annoncer qu'il est à présent temps d'en lister des civils.

Tout le monde s'écria sous la surprise et en effet, il y avait de quoi. Shayne, lui, il n'avait juste même pas la réaction de crier sa désapprobation, tant il était choqué. C'était quoi ça ? Des civils ? Il parlait des mêmes civils qui durant déjà plusieurs générations s'empiffraient de burgers et tiraient sur des cerfs en prétendant qu'ils savaient manier une arme ? Non, non, non, ça ne pouvait pas être possible.

- Je sais ce que vous pensez mais nous sommes juste trop en sous effectifs... Au moment même où je vous parle, il y a des négociations en cours avec le Mexique. Mais je ne vous cache pas que ce n'est pas gagné, à cause de notre... Histoire commune.

Par histoire commune voulait il insinuer les milliers de personnes qu'ils avaient massacré il y a de ça des centaines d'années ? Une période qui avait vu l'apport de leur étoile solitaire au drapeau des Etats Unis ? Ou peut être parlait il des officiers sortant de West Point avec leurs jolis sabres et leurs beaux chevaux pour prendre en esclavage les Mexicains... Oui, en effet, ce n'était pas vraiment surprenant qu'ils n'allaient pas bouger pour les aider. Surtout que le Texas était le pays qui les séparait de la guerre avec les Américains, donc autant qu'ils restent bien là à se prendre les coups...

- Cependant la marge est bien plus réduite qu'avant, seulement les hommes de 20 à 40 ans pour l'instant seront convoqués et des entraînement spécialisés seront mis en place. Des centres d'entraînements supplémentaires sont en train de se construire et ceux qui peuvent être dispensés d'ici s'y verront envoyés pour leur servir d'instructeurs.

- Mais c'est génial ça ! On va éduquer une bande de petites couilles molles pour crever sur un terrain trop dangereux pour eux !

Siffla le Lieutenant-Colonel aux côtés de Shayne en levant les bras au plafond.

-... Ordre du président. Voilà, pour le restant des détails, vous serez notifié par vos officiers supérieurs dans les jours à venir. Encore une fois, je sais que c'est dur à avaler mais nous sommes dans une alerte maximale. La loi l'exige.

Shayne s'apprêta à s'en aller, comme bon nombre d'autres maintenant que ce petit speech bien catastrophique était terminé quand il entendit un petit groupes de jeunes gradés à ses côtés marmonner.

- Si ces 200 putains de traîtres ne s'étaient pas barrés, on en serait pas là...

- Ouais, c'est sur leurs consciences que tomberont ces pauvres civils morts au combat.

S'en était trop. Du haut de son grade de Lieutenant-Colonel, il réprimanda les petits Lieutenants aux langues acérées.

- Alors c'est à nous de tout faire en sorte que les civils ne crèvent pas au front. Arrêtez d'accuser, même si ce n'est pas complètement à tort, ça ne sert à rien ! Agissez au lieu de parler.

Ils accordèrent tous en balbutiant, gênés avant de détaler comme des petits chiots. Bien que satisfait sur l'autorité qu'il pouvait encore montrer, Shayne ne pouvait s'empêcher de voir les conséquences que ça allait porter sur d'autres plans...

Pas de doutes. Cette annonce, c'était une cible sur toutes les familles de ces déserteurs en question.

One Last Mission T05 ~The Wars We Fight For| ✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant