chapitre 78 : un espoir nommé Parker

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EMILY

Ses toussotements devinrent de plus en plus violents, mais surtout plus complexes à cacher. Il faisait froid, la neige immaculait autant les environs que les cimes des sapins qu'ils traversèrent et pourtant... Pourtant, Emily n'avait jamais été aussi brûlante. Elle déglutis violemment et alors que Parker prenait de l'avance sur elle, elle s'appuya contre le tronc rêche de l'un des pins. Pliée en deux, elle tenta de retrouver son souffle... Malheureusement, elle ne parvint à sortir qu'un son rauque et profond... De quoi attirer l'attention de son compagnon qui revint difficilement sur ses pas. De ses grandes jambes, il la rattrapa. Il retira un instant son casque, dévoilant ses cheveux blonds miel noircis par la sueur. 

Enfin, pas autant qu'elle.

- Em' ? Qu'est-ce qu'il y a ?

- Ce n'est rien, je... J'essaye de reprendre mon souffle, voilà tout.

Il tendit la main vers elle afin de l'aider, mais elle le repoussa sèchement. Les yeux bruns de son compagnon s'assombrirent et son air de chien battu lui fendit le cœur. Au point où elle se mordilla l'intérieur de sa joue. Il voulait l'aider. Mais elle ne pouvait plus être aidé. 

Elle avait beau cacher ses tremblements, le sang qui tâchait les manches de son uniforme blanc ne mentait pas. Elle avait des jours. Merde, peut-être que quelques heures. Parker se redressa et enfonça ses mains gantées dans les creux de ses hanches.

- ça fait des jours, Emily. Tu veux bien me dire ce qui se passe, maintenant ? Putain ! Tu m'inquiète vraiment là !

- Parker, on a pas le temps, les autres comptent sur nous.

Elle tenta de se redresser, mais Parker la retint par le poignet. Il n'y avait pas un contact qu'Emily essayait de renier que celui-ci... Les doigts froids de sa main dégantée sur sa peau brûlante et suintante avait l'effet d'un électrochoc. Au point où elle se retira violemment de son emprise.

- Je te fais peur ? Je t'ai fait quelque chose de mal ?

- Quoi ? Non ! Non, Parker !

- Alors quoi ? Putain, tu n'arrêtes pas de m'éviter ! Alors c'est quoi ? Qu'est-ce qu'il t'arrives ?

- Mais putain, Parker, j'essaye de te protéger ! Arrête de me toucher !

Elle avait crié si fort que sa voix ricocha sur les troncs des arbres. Elle finalisa sa plainte dans une violente quinte de toux, au point où elle se retrouva très vite agenouillée dans la neige. Ses rotules heurtèrent la roche de la montagne en dessous et elle grogna en aplatissant les touffes immaculées de ses paumes. Parker vint se figer en face d'elle et lui essuya ses cheveux trempés de son front.

- C'est depuis le champ, pas vrai ?

Merde. 

Emily tenta de se redresser, mais elle finit par se laisser écrouler au sol. Le froid lui fit un bien fou. Mais elle savait aussi qu'il n'y avait rien de tel pour calmer la fièvre tenaillante qui lui étranglait ses organes.

- Il s'est passé quoi Emily ?

Elle expira lourdement, la gorge toujours embrasée, et de fins flocons vinrent tâcher le pourpre du bout de sa langue.

- Il s'est passé quoi, Em' ?!

Parker semblait se briser. Naïf petit garçon qu'il était. Ou peut-être qu'il savait ? Oui. Il savait déjà. Il ne voulait simplement pas l'admettre. Il n'y avait pas une personne plus vivace que son compagnon. Ce n'était pas lui, à qui il fallait parler de mort.

- Parker ? Parker je veux que tu m'écoutes, d'accord ? Mais que tu m'écoutes bien.

Emily se redressa du mieux qu'elle le put sur ses avants-bras et s'essuya brièvement la neige de son visage rougi.

- N'oublie pas ta promesse.

- J'emmerde ça ! Merde Em' !

- Non. Non, vraiment. 

Elle tendit sa main vers sa joue, mais se retint de l'effleurer. 

- Il faut aider les autres. Il faut sortir Grace de ce foutu bastion. Il faut qu'on se sauve. Parce qu'on est venus ici pour ça, pas vrai ? On... On a fui les autres, notre pays, nos familles... Il faut que ça serve. Il faut qu'on... Que nos... Que nos sacrifices servent à quelque chose.

Parker porta ses mains à sa ceinture, en retira une vaste corde qui était raccroché à son sac et porta un mousqueton à celui de sa compagne, qui poursuivit.

- Ne le fais pas que pour moi, Park'. Fais-le pour les autres.

Sa main se figea sur son pantalon. Il redressa un regard glacial vers le sien, plus encore que la montagne française... Et pour la première fois depuis qu'elle le connaissait, il grogna si sourdement qu'une nuée d'oiseaux s'envola des cimes des sapins pour disparaître dans le banc gris du ciel.

- J'ai déjà assez fait pour les autres. Tout ce que je fais maintenant, c'est pour toi. Il n'y a plus rien d'autre qui importe. Alors tu vas lever tes délicieuses petites fesses et on va descendre. Ensemble. D'accord Emily ? Je te sauverai.

- Parker... Il n'y a plus rien à sauver.

- Crois-moi, ma belle. Si ces dernières années m'ont appris quelque chose... C'est qu'il y a toujours quelque chose à sauver. Même dans le chaos le plus obscur, on survivra. C'est juste un truc qu'on fait.

Il redressa son menton du bout de son index et pressa ses lèvres contre les siennes, malgré tout.

- Marque mes mots. C'es toi et moi... Pour la vie. Et elle sera éternelle.

Elle aurait voulu le contredire, lui faire part de ses souffrances. Lui faire part de son état, de l'envie horripilante de se balancer du haut d'une falaise... Car percuter le sol et se faire recouvrir d'une avalanche serait nettement mieux que continuer à sentir son sang bouillir dans ses veines, au point de la faire fondre. Mais dans les yeux de Parker luisait un espoir si déterminé qu'il en était devenu plus contagieux encore que la foutue maladie qu'elle avait contracté dans le champ. Un flot d'énergie traversa son sourire croquant et elle accepta la main qu'il lui tendit.

C'était plus difficile encore de se relever que de s'être laissé tomber dans la neige. Ses jambes lui obéissaient à peine. Sa vitalité était proche de zéro. Mais pour l'espoir de Parker, elle fit un effort. Pour les autres, aussi. Pour ceux qui attendaient qu'ils dévient l'attention des gardiens du bastion et qu'ils puissent rentrer et sauver les leurs.

Qu'ils puissent rentrer de cette guerre et revivre la vie qu'ils avaient abandonnés pour la cause.

La cause.

Une fois relevée, Parker souffla un petit instant et indiqua une clairière, au-delà des arbres, qui descendaient vers les ravins par lesquels ils étaient monté.

- On doit y aller, maintenant. 

- Comment on va faire pour appâter leurs attentions ?

Demanda Emily en lorgnant du coin de l'œil le bastion fortifié qui s'étendait au loin. Parker regarda un instant autour de lui et finit par abaisser son sac de son dos. Il en sortit une fusée d'urgence et un sourire vint corner le creux de ses lèvres empourprés par l'émotion.

- Je crois que j'ai une idée.

One Last Mission T05 ~The Wars We Fight For| ✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant