Chapitre 2- Élisa

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Quand j'entre dans mon appartement, mes yeux sont rouges et pleins de larmes, je sanglote encore.
Je referme violement la porte derrière moi et je vois Tom, mon meilleur ami et colocataire qui sursaute. Il est avachi sur le canapé, avec les pieds sur l'un des coussins alors qu'il sait que j'ai horreur de ça. Il a une manette de jeu dans une main et l'autre dans un paquet de chips. Il va mettre des miettes partout! En temps normal, je l'aurai fait se lever, je lui aurai crié dessus pour lui dire de se laver les mains, de ranger ses cochonneries et de passer l'aspirateur pour nettoyer les miettes de chips qu'il met par terre et sur le canapé. Mais aujourd'hui, je n'en ai pas la force.
Il me regarde mais je tourne la tête, je ne veux pas qu'il me voit pleurer.
Je pose les courses sur la table de la cuisine et je me précipite jusqu'à ma chambre dont je claque également la porte.

Je m'assois sur mon lit et je lance mes chaussures à travers la pièce.

-Putain! Merde!

Mes baskets heurtent un cadre ou plutôt le cadre, celui pour lequel je me serais relevée cette nuit, je l'aurais jeté sur le sol pour le réduire en miettes.
À l'intérieur, notre photo, lui et moi pendant les vacances que nous avons passés cet été. Un beau paysage de montagne complète cette image, aussi fausse soit-elle. Son sourire hypocrite et son bras autour de moi me font encore plus mal que le petit morceau de verre qui vient de me couper.
Le cadre s'est brisé et encore une fois c'est moi qui ramasse les morceaux...
J'entends la porte s'ouvrir et je vois Tom qui se précipite jusqu'à moi, l'air inquiet.

-Qu'est-ce qu'il s'est passé?

Je m'allonge sur mon lit et je cache mon visage dans mon oreiller.

-Rien.

Il s'assoit à côté de moi.

-Si tout allait bien, ce cadre ne serait pas cassé et tu ne pleurerais pas, dit-il d'un ton peu convaincu par ma précédente réponse.

-Je n'ai pas envie d'en parler.

-Pourquoi?

-Ça fait trop mal.

-Quoi? Tu t'es coupée?

Il me tire par le poignet pour essayer de m'asseoir à côté de lui et ma motivation est si peu présente qu'il y arrive.

-Quelqu'un t'a fait du mal?

Il prend mon visage entre ses mains et relève mon menton de son doigt pour me regarder dans les yeux.

-Oui... enfin non...

-C'est oui où c'est non?

-Pas physiquement.

-Et cette coupure?

Il me montre la coupure que je me suis faite en ramassant des morceaux de verre.

-C'est le cadre.

-Et pourquoi il est cassé?

-J'ai pas fais exprès.

-Tu vas essayer de me faire croire qu'il est tombé tout seul?

Non, je peux très bien l'avoir fait tomber sans le faire exprès puisque c'est le cas.

-Non, je... je lançais mes chaussures et...

-Pourquoi tu les as balancés?

-C'est... c'est lui.

Je montre du doigt une photo ou l'on voit Mathieu faire du surf. C'était celui que j'aimais le plus et maintenant il est celui que je déteste le plus. 

-Qu'est-ce que ce connard t'as fait?!

Mes larmes qui coulaient moins depuis quelques minutes ont repris leur cadence infernale et se déchaînent sur mes joues, comme un torrent.
Je me jette dans les bras de Tom qui me fait un câlin. Il n'a jamais apprécié Mathieu, il s'en méfiait et pour une fois, j'aurais dû l'écouter mais comme d'habitude je n'en ai fais qu'à ma tête.

-Il me trompe, je sanglote presque inaudiblement.

-Oh, le con! La prochaine fois que je le vois, je lui refais le portrait à cet enculé!

Les minutes passent, mais la douleur est toujours aussi forte. Je me demande ce que j'ai fais ou ce que je n'ai pas fais pour mériter ça, j'aurais peut-être pue faire quelque chose qui lui aurait fait passer l'envie de coucher avec une autre.

-Comment tu l'as appris?

-J'ai vue... eh... des vêtements par terre et... j'ai... je suis allée à sa chambre... et j'ai vue les draps s'agiter... et j'ai entendu.

Il me serre plus fort contre lui en signe de compassion.

-Oh ma pauvre. C'est ignoble.

-C'est peut-être ma faute.

-Non! Ce n'est pas de ta faute! Tu n'y est pour rien!

-Mais...

-Non! Arrête de culpabiliser.

Tom a raison, Mathieu est un con égocentrique qui ne mérite pas tout ces pleurs, cette culpabilité, cette tristesse... Il n'en a rien à faire de moi, en ce moment il dot être avec elle en train de... non, il ne faut pas que je pense à ça, je me fais du mal pour rien. Mais c'est plus fort que moi, je n'arrive pas à contrôler mes émotions et mes pensées. 

-T'as faim?

-Oui, je ramasse les morceaux de verres et j'arrive.

Je me lève et me baisse pour atteindre les éclats de verre mais Tom me rattrape par le poignet.

-Je vais le faire, tu t'es déjà coupée. Va désinfecter ta main et retrouve moi dans la cuisine. Tu as acheté tout un tas de bonnes choses, nous allons les manger tous les deux. Je sais que ce ne seras pas aussi bien que ce que tu avais prévu, mais on peut toujours essayer.

-D'accord.

Je me désinfecte la main et je vais dans la cuisine comme il me l'a demandé.

-Alors, qu'est-ce que tu avais prévu de cuisiner.

-Je voulais faire des toasts avec le saumon fumé et les rillettes. Des crevettes au lait de coco et au curry avec du riz. Et en dessert, une tarte aux fraises.

-Super, on va se régaler. On commence par quoi.

-Faire la tarte pour le temps de cuisson de la pâte et la prise au froid de la crème pâtissière.

-Ok chef, dit-il en faisant le salut militaire.

-Sors les ingrédients et range ce dont on a pas besoin dans le frigo.

Il vide les cabas sur la table et commence à ranger, à sa manière.

-Où est-ce que tu as mis les œufs?

-Dans le frigo.

-Pourquoi tu les as rangés? On en a besoin pour faire la pâte.

-Parce que je n'ai jamais fais de gâteau.

C'est vrai que depuis que je connais Tom, je ne l'ai jamais vu cuisiner. Et ça fait douze ans que je le connais. Je sais qu'il fait ça pour ne pas me laisser seule, pour que je ne pense pas à Mathieu mais j'y pense quand même. Il sera plus un boulet qu'une aide mais j'apprécie l'effort qu'il fait et le soutien qu'il m'apporte. C'est l'une de ses qualités, il ne laisse jamais ses amis seuls, il les soutient. Je suis reconnaissante de ce qu'il fait pour moi.

-Regarde dans la bibliothèque, il y a des livres de cuisine.

Je lui indique les livres du doigt, il ne lit jamais, peut-être qu'il ne sait pas où ils sont rangés.

Il cherche maladroitement parmi les ouvrages, en pose à droite à gauche et manque de tomber en marchant sur ceux qu'il vient de mettre par terre.

-Attends, ne met pas plus de bordel que ça.

J'attrape le livre sur une étagère et le lui tends.

-Ah, je ne l'avais pas vu.

-Maintenant tu ranges tout ce bazar et tu viens m'aider.

-Oui, chef.

Je souris en entendant ce surnom, nous finissons de préparer ce repas et je me surprend à rire en compagnie de ce guignole qui me sert de meilleur ami.

Colocation ou plus?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant