Chapitre 53- Tom

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VENDREDI

Depuis le début de la semaine, je colle Élisa comme un vieux chewing gum  sous une chaussure. Cependant j'espère ne pas être aussi dégoutant et repoussant à ses yeux. Presque une semaine s'est écoulée depuis l'incident avec Mathieu, nous n'en avons pas reparlé,  ça nous rappellerait de trop mauvais souvenirs. Je ne veux pas évoquer ce sujet avec elle, ce connard ne mérite pas qu'on repense à lui, que ce soit en bien ou en mal. Tout ce que je désire, c'est que ma meilleure amie soit heureuse, qu'elle oublie tous les soucis qui pèsent sur elle. Elle est forte, plus forte que moi mais elle ne mérite pas tout ce qui lui tombe dessus, je ne veux pas qu'elle continue d'encaisser les coups durs. Je  ne veux plus qu'elle souffre à cause d'un mec, plus jamais. Je veux la protéger, je veux qu'elle soit heureuse, elle en a tellement bavé, surtout ces derniers mois. J'aurais due être plus présent pour elle, un allier plutôt qu'un ennemi, on s'est fâchés pour des conneries alors que ni l'un ni l'autre n'en avions besoin. Maintenant que j'ai pleinement pris conscience de mes erreurs, j'essaie de changer. Bien évidemment ce n'est pas facile, mais je fais de mon mieux. Je joue au garde du corps, au bouffon du roi, je fais tout pour qu'elle aille au mieux sans pour autant l'étouffer. 

Ce soir, elle doit rentrer plus tard que d'habitude alors j'en profite pour lui préparer une petite surprise. Je vais essayer de préparer le repas sans faire brûler l'appartement. Des pâtes avec une sauce bolognaise c'est le maximum que je sois capable de faire, ce n'est pas de la grande gastronomie mais ça peut le faire. Je suis la recette à la lettre, je prend mon temps pour ne rien oublier, pour une fois que je cuisine, je vais essayer de faire les choses bien. Mais très vite je me rend compte que la cuisine ce n'est pas fait pour moi. J'ai les yeux qui pleurent après avoir épluché un oignon, il y a autant se sauce tomate dans la casserole que sur le plan de travail et je crois que les pates sont trop cuites. Je me dépêche donc de nettoyer avant que ma coloc n'arrive et ne pète un câble à cause de tout ce bazar. Note à moi même: ne pas envisager de reconversion professionnelle dans le domaine de la restauration. 

Alors que je finis de passer la serpillère, j'entend le bruit de la serrure. Mon cœur s'affole instantanément. Je me tourne dans la direction de la porte d'entrée tout en veillant à planquer le balais dans mon dos. Mais ce n'est pas la personne que j'espérais voir entrer qui se tient devant moi. Ma mère est là, elle est venue sans prévenir et s'introduit ici comme si elle était chez elle, ce qui n'est pas totalement faux puisqu'elle me donne de quoi payer mon loyer.  Mais tout de même, elle aurait pue me téléphoner, j'aurais très bien pu ne pas être là, j'aurais pu être à une soirée, dans un bar, au cinéma, chez un ami, ou ici mais occupé à faire des choses dont je ne voudrais pas que ma mère soit témoin.

-Bonjour m'man, je ne savais pas que tu allais passer, tu aurais pu me prévenir...

-Bonjour chéri. Oui, j'aurais pu mais tu m'aurais certainement empêché de venir. On ne se voit presque jamais toi et moi...

Mais ce soir, je voulais être seul avec Éli, la présence de ma mère va tout gâcher. J'aime beaucoup ma mère, mais je déteste son côté intrusif. De plus, je n'ai pas cuisiné assez pour 3 personnes, nous n'avons pas de lit supplémentaire... Sa visite n'était vraiment pas au programme. 

Je range le balais serpillère dans le placard alors qu'elle enlève son manteau, prête à s'installer sans que je ne l'ai encouragé à le faire.

-Mais dis moi, ça sent bon ici. Qu'est-ce que ma charmante Élisabeth a préparé cette fois-ci?

-C'est moi qui ai cuisiné maman. 

-Toi? Laisse moi rire, tu sais à peine chauffer une knacki au micro-ondes! dit-elle d'un ton moqueur.

Sur ce point là, elle n'a pas tort. La cuisine ce n'est vraiment pas mon domaine de prédilection. Et l'heure qui vient de s'écouler me le prouve un peu plus.

-Je te jure que c'est moi.

-Quel évènement y a t-il à fêter pour que mon fils daigne enfin mettre les mains à la pâte? Oh, dit-elle avec une main devant la bouche, tu attend quelqu'un? Tu as un rendez-vous galant? De qui s'agit-il? Est-ce que tu vas remettre ça avec Camille?

Ma mère dans toute sa splendeur! Elle adore les ragots, dans le village ou elle habite elle est au courant de tout et se mêle de toutes les histoires, y compris celles qui ne la concernent pas. Elle adore Camille, alors bien évidemment quand je lui ai annoncé par téléphone que j'avais rompu avec elle, elle n'a pas voulue le croire. Elle semble persuadé que ce n'est qu'une passade, que ça ne peut pas durer, c'est comme si elle nous voyait ensembles pour la vie. Mais c 'est définitivement fini entre Cam et moi. Aujourd'hui, la seule femme avec qui je veux être c'est Éli, je n'ai d'yeux que pour elle,  j'aimerais qu'elle me voit comme je la voie. Elle est tellement, belle, passionnée, drôle, attachante, talentueuse. Je me demande encore comment j'ai fais pour rester insensible à son charme pendant toutes ces années. Je l'aime, je l'aime comme un fou, je l'aime à en crever, je l'aime du plus profond de mon âme. Si seulement c'était réciproque... Si elle me laissait une chance je ferais d'elle une reine,  je lui donnerais tout, je vendrais mon âme au diable si il le fallait. Comme ma mère l'a très bien compris ce dîner est plus ou moins un rendez-vous galant, du moins ce n'en ai pas un mais j'espérais peut-être naïvement qu'il le devienne.

-Non, enfin pas vraiment. Et puis, c'est quoi cette question? Ça ne te regarde pas. Avec Camille c'est fini, définitivement, je te l'ai déjà dit!

-Je m'intéresse à toi, c'est tout. Je ne pensais pas que tu le prendrais si mal. Tu sais, ça me désole que tu ne sois plus avec Camille, mais si tu es heureux c'est le principal.

-Maman, ne fais pas cette tête, s'il te plaît. J'ai peut-être surréagi et je m'en excuse. Je ne veux pas te faire de peine. Mais ta visite n'était pas prévue, et je suis un peu sur les nerfs ce soir.

-Ça ne fait rien, je repasserai un autre jour, dit elle en enfilant son manteau.

C'est alors que ma mère viens m'embrasser pour me dire au revoir que la porte s'ouvre. Élisa est là, ma mère semble sentir la tension que je ressens en  sa présence, elle me sourit, comme si elle avait compris ce qui se passait. C'est comme si elle sentait que mon cœur bat anormalement pour la femme qui vient d'entrer dans cette pièce qui soudain devient trop petite pour contenir l'oxygène dont j'ai besoin. Je n'ai pas besoin de lui dire pour qui j'ai préparé ce diner, elle le devine en une fraction de seconde, et mon sourire niais n'arrange pas la situation.

-Oh bonjour Madeleine. Tom ne m'avait pas dit que vous deviez venir. Si j'avais sue, je me serais dépêchée de rentrer.

-Bonjour mon chou, n'en veux pas trop à mon fils, c'est normal qu'il ne t'ai rien dit, je suis passée à l'improviste. J'allais justement m'en aller.

-Restez donc dîner avec nous.

-Non merci, une autre fois peut-être, je dois vraiment m'en aller, dit-elle en me faisant discrètement un clin d'œil.

Elle embrasse ma coloc dans une bise bruyante et s'en va. Un silence s'installe peu à peu dans la pièce, je ne sais pas trop comment je devrais agir. Elle sait ce que je ressens et je n'ai clairement pas envie de la mettre mal à l'aise, au contraire...




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