Colocation ou plus?

Chapitre 54- Élisa

VENDREDI

Lorsque la porte se referme derrière la mère de Tom, je sens comme une gène, une tension s'installer entre mon coloc et moi. L'atmosphère devient lourde, c'est comme si les murs de la pièce se rapprochaient de nous. Je me sens oppressée, presque compressée par le manque d'air dans la pièce. Dans ce silence qui devient peu à peu constant je suffoque. Pourquoi ne dit-il rien? Pourquoi suis-je soudainement mal à l'aise? Je déteste cette sensation... Je me lance:

-Qu'est ce que ta mère voulait?

-Me voir. Elle passait dans le coin, elle est passée à l'improviste...

-Elle n'est pas partie à cause de moi?

-Non, tu sais très bien qu'elle t'adore.

Je hoche la tête en guise de réponse, le silence s'installe de nouveau. Je ne vois qu'un solution: fuir Tom, fuir cette pièce étouffante pour me réfugier dans ma chambre. J'attrape mon sac à main, posé à la va vite sur la table basse et me précipite dans le couloir.

-Éli, attend, me supplie la voix de Tom.

Je m'arrête brusquement, à vrai dire, je n'ai pas l'habitude de l'entendre me parler sur un ton si doux, presque affolé. Je reviens vers lui, le cœur battant à tout rompre.

-Je...j'ai préparé le dîner.

Oh, ce n'est que ça, je croyais que c'était quelque chose de plus important, ou de plus grave que ça. Je m'inquiète vraiment pour un rien.

-Je vais poser mon sac et je reviens.

Sur ce, je repose la bandoulière sur mon épaule et m'engouffre à nouveau dans ce petit couloir. Je dépose mon sac sur mon fauteuil et me rend dans la salle de bain. Mon cœur bat tellement vite, j'ai chaud alors que la température n'est pas si élevée que ça. Je passe ma main sous le robinet et me tamponne la nuque. Je souris presque bêtement face au miroir, me passe la main dans les cheveux, un petit coup de mascara et de rouge à lèvres. Mais qu'est ce que je fais? On dirait que que je sors pour aller à un rendez vous... Mes hormones me rendent folles... Me trouvant ridicule j'estompe ce rouge à lèvres trop voyant avec du coton. Depuis quand est-ce que je me préoccupe autant de détails aussi insignifiants? Un bref coup d'œil en direction de la pendule me permet de m'apercevoir que je n'ai pas le temps de me poser ce genre de questions: cela fait plus de dix minutes que je suis censée poser mon sac. Je jette un dernier coup d'œil en direction de mon reflet et me décide enfin à regagner la cuisine. Tom m'attend près de l'îlot, le regard dans le vide. Lorsqu'il me remarque, il relève immédiatement la tête dans ma direction, presque en sursaut.

-Tu t'es perdue en chemin? Est ce qu'il faut que je t'offre un GPS? 

-Pour que tu te moque moi à longueur de journées? Non, je préfère encore faire le petit poucet.

-Je ne demande qu'à voir ça.

J'ignore sa réponse et observe la table qu'il a dressé, il a sorti la belle vaisselle. Y a t-il quelque chose à fêter? Est-ce que j'ai manqué quelque chose? Qu'à t-on fait de mon colocataire? Qui est cet homme qui se trouve en face de moi? 

-Alors Ratatouille, dis-je en m'installant sur l'un des tabourets, que nous as-tu préparé?

-Ratatouille?

-C'est le petit rat bleu des studios Disney.

Il arque un sourcil pour indiquer son incompréhension. Pourquoi ne connaît-il pas ce genre de films? Et voilà une chose de plus que j'aurais à lui faire découvrir. Et qui sait? Peut-être qu'il aimera autant que Friends.

-Il a une toute petite...

-Queue? m'interrompt-il en riant.

Son sourire narquois souligne très bien le sous-entendu qu'il vient de faire. Tout me pousse à croire qu'il ne parle pas de la queue arrière du rat mais plutôt de celle qui se trouve devant. Les hommes sont tous les mêmes... Pourquoi tourne t-il la conversation vers le sex alors que nous nous apprêtons à nous mettre à table?