78. Indice de cheloutisme aigu

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J'ai un petit-ami.

C'est la première pensée qui me vient à l'esprit en me réveillant ce lundi matin. Je sens, à chaque coin de mes joues, qu'un énorme sourire a envahi mon visage, un sourire dont je ne parviens pas à me défaire depuis vendredi soir, après avoir dit au revoir à Antoine sur le pas de ma porte.

J'ai un petit-ami.

La phrase tourne encore en boucle dans mon esprit tandis que je me brosse les dents, ayant du mal à reconnaître le reflet de cette adolescente radieuse qui me dévisage de l'autre côté du miroir.

Ma douche matinale ne parvient pas à me faire descendre de mon nuage ; au contraire, même, c'est en chantonnant que je me remémore les événements de vendredi. J'amène mes doigts à mes lèvres en repensant au goût de celles d'Antoine ; bien différent du baiser que m'a volé Raphaël quelques mois auparavant, celui-ci était beaucoup plus doux, agréable, et terriblement délicieux...

Même si je rougis en repensant à mon mouvement de recul lorsqu'il a cherché à introduire sa langue dans ma bouche.

— Désolé... C'est encore un peu trop tôt, c'est ça ? s'est-il excusé, un peu confus.

Écarlate, je me suis contentée d'acquiescer, sans oser lui avouer qu'en vérité, j'avais surtout peur de passer pour une idiote lorsqu'il réaliserait que je ne sais absolument pas embrasser.

— Okay, pas de souci, a-t-il souri doucement en me caressant les lèvres de son pouce. Du moment que je peux faire ça...

Antoine s'est penché vers moi pour déposer un nouveau baiser, et je l'ai laissé faire, sentant mes muscles se décontracter petit à petit.

— J'adore ta bouche, m'a-t-il soufflé à l'oreille.

J'y repense malgré moi en me dévisageant dans le miroir, une fois sortie de la douche. Jusqu'à présent, je n'avais jamais réellement prêté attention à ma bouche. Pour moi, elle n'a rien de bien exceptionnel ; et une bouche, en soit, ce n'est pas particulièrement joli, si ?

Je passais mon temps à me concentrer sur mes yeux marron caca, trop petits, sur mes boutons d'acné, sur mon nez trop gros, sur mes joues trop rondes... Je n'aurais pas imaginé un seul instant qu'un garçon puisse trouver quoique ce soit d'attrayant dans mon visage, et encore moins ma bouche. Et pourtant...

C'est résolue par cette pensée que je décide d'utiliser pour la première fois le rouge à lèvres que Sarah m'a offert lors de mon anniversaire, espérant ainsi faire ressortir cette bouche qu'Antoine aime tant.

Décision qui me vaut des regards appuyés de la part de mon frère et de ma mère lorsque je descends les rejoindre dans la cuisine, où ils prennent leur petit-déjeuner.

— Moi j'dis, Lalie est cheloue, depuis ce week-end, déclare Vincent tout de go lorsque j'entre dans la pièce.

— Pourquoi je serais cheloue ? je démens sans parvenir à me défaire de mon sourire.

— T'as même pas bronché alors que je mange tes Coco Pops ! observe-t-il, suspicieux, tout en pointant du doigt en direction de son bol.

Appuyée contre la table de la cuisine, je hausse les épaules tout en scrollant distraitement sur mon smartphone.

— Bah, c'est juste des céréales, je déclare avec nonchalance.

— D'habitude, t'en fais une affaire d'Etat quand je tape dedans ! s'offusque-t-il. Et puis, y'a pas que ça... T'as été joyeuse tout le week-end. Toi, la reine de la boude ! La râleuse professionnelle ! Moi j'dis c'est un indice de cheloutisme aigu ! Avoue maman que j'ai raison !

Banale !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant