55. Objectif de quête : escorter Rateaulie

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Les dires d'Adam me sont confirmées dès le vendredi matin, dans le bus me conduisant au lycée, lorsque j'entends de parfaits inconnus se foutre ostensiblement de ma poire :

— Hé, t'as vu la vidéo de Rateaulie ?

— Non, c'est quoi ça, encore ?

— Une meuf qui s'est pris un râteau par un mec de sa classe et qui l'attaque pendant son cours d'EPS !

— Non, sérieux ? Tu déconnes !

J'ajuste la capuche de mon sweat-shirt afin de dissimuler mon visage, tout en me faisant violence pour ne pas regarder dans la direction des trois garçons assis sur les sièges de la rangée parallèle à la mienne. Leurs rires moqueurs ne tardent pas à me taper sur le système, aussi je me surprends à augmenter le volume de ma musique d'un geste presque machinal.

Le paysage de la ville défile pendant plusieurs minutes à la fenêtre, jusqu'à ce que quelqu'un me sorte de ma torpeur en tapotant mon épaule.

Ce contact imprévu me fait sursauter malgré moi. Serrant déjà les poings en m'attendant à devoir affronter un des trois relous, je suis surprise d'apercevoir à la place Ilyès qui, debout, se tient à la barre en me scrutant d'un air étonné.

— Qu'est-ce que tu fous là, Nathalie ?

Malgré moi, mon regard glisse de côté puis croise celui des trois relous, lesquels ricanent face à mon teint écarlate.

— Tu vois, j'te l'avais dit ! C'est bien elle !

— C'est quoi cette dégaine ? Elle pensait être discrète sapée comme ça ?

Manifestement, ma tenue "commando" destinée à passer inaperçue est un échec cuisant. Je pensais pourtant qu'en enfilant un sweat-shirt, un pantalon et des Converses, le tout uniformément noir ainsi qu'agrémenté de grosses lunettes de soleil empruntées à ma mère, personne ne me reconnaîtrait... Alors qu'au contraire, cela semble attirer encore plus l'attention !

Heureusement, un simple regard de travers du bouclé suffit à faire cesser leurs moqueries. Puis il se retourne vers moi avant de reprendre comme si de rien n'était :

— Tu viens en bus, d'habitude ? Je t'ai jamais vue...

— J-Je... Disons que ça fait partie de ma punition, je bredouille, confuse.

Bien qu'il n'ait montré aucun signe d'hostilité à mon égard sur WhatsApp ces derniers jours, la tension que je ressens à ce moment-là entre nous deux est sans équivoque.

J'ignore s'il m'a vraiment pardonnée ou s'il a juste fait semblant afin de complaire à Mattéo. Or, soyons honnête : la mine sérieuse qu'il arbore, cumulée à son air grave, me fait plutôt pencher pour la deuxième option.

C'est donc avec des gestes précipités, nerveux, que j'ôte mon sac à dos du siège se trouvant à côté du mien afin de lui laisser une place.

— M-Mes parents m'emmènent d'habitude, je poursuis une fois qu'il s'est assis. Mais là, ils m'ont sermonnée à propos de la maturité, de la responsabilisation, et, bref... Ils en sont arrivés à la conclusion que je devais me débrouiller davantage toute seule.

— Ouais, ils ont sans doute raison. Ça te fera pas de mal, de grandir un peu.

J'encaisse malgré moi cette pique sarcastique que j'estime, après réflexion, méritée. Nous restons ainsi un moment, sans échanger un mot de plus, jusqu'à ce que ce silence aussi pesant que lourd de reproches ait raison de moi et que je gémisse d'une voix presque suppliante :

— J-Je suis désolée, Ilyès... !

Il me dévisage d'un air surpris.

— Euh, désolée pour quoi ?

Banale !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant