Si on met de côté le regard de travers que me lance Marjorie en voyant mon plateau, le repas se passe plutôt bien. A vrai dire, j'ai un peu de mal à réaliser que je me retrouve là, à partager un McDo en compagnie de Miléna Delval ainsi que de son petit-ami. Une telle situation m'aurait semblée improbable il y a quelques jours.
Bon, en vérité, Mattéo et moi restons en retrait, laissant nos trois aînés discuter entre eux. J'ignorais d'ailleurs que celui-ci pouvait être intimidé. Dans notre classe, il est toujours ce garçon rieur, sociable, extraverti. Là, il est réservé, laconique, pensif... Je ne peux pas vraiment l'en blâmer : ayant souvent traîné en compagnie d'Aurore et sa bande d'amis, je connais parfaitement ce genre de situation.
D'une manière générale, je suis toujours renfermée sur moi-même quand je fréquente des gens que je ne connais pas beaucoup. J'ai tendance à avoir ce que j'appelle une phase d'observation ; c'est-à-dire que je reste en retrait, écoutant les conversations sans trop y participer. C'est ma manière de me familiariser avec de nouvelles personnes.
Aujourd'hui, en revanche, j'ai du mal à me concentrer sur ce que racontent les autres. Assise juste à côté du délégué, l'odeur de son parfum emplit mes narines, et je dois me faire violence pour ne pas trop le regarder, de peur de ne plus réussir à détacher mes yeux de lui.
Mon téléphone se met soudain à vibrer, me tirant de ma rêverie.
Marjorie :
On peut savoir ce que tu fiches Miss Lentilles ? Pourquoi tu parles pas à mon frère ?J'ai bien envie de lui répliquer de s'occuper de Morgan plutôt que de se mêler de mes affaires ! Et puis, je pense à Sarah... Si elle était là, elle serait certainement d'accord avec Marjorie sur ce point. Je prends discrètement une inspiration afin de me donner du courage, puis me tourne vers Mattéo avant de demander :
— Alors il est bon ton BigMac ? Tu aimes les BigMac ? Moi je trouve que les frites de McDo sont trop salées en temps normal, du coup je préfère Quick, eux au moins ils nous donnent le sel à part.
Je suis moi-même surprise devant la quantité de mots insipides que je viens de balancer, sans parler du débit particulièrement rapide auquel je l'ai fait. Le délégué semble l'être également, car il me dévisage en haussant les sourcils, perplexe.
— Euh... Désolée pour cette diarrhée verbale sauvage, je bredouille en baissant à nouveau la tête sur mon assiette.
— Diarrhée verbale ? reprend-il en rigolant. Expression sympathique. Tu sais, y'a pas de quoi stresser parce que tu t'adresses à moi, hein, je suis un type tout ce qu'il y a de plus normal. Je vais pas te manger.
Il marque une pause pour regarder mon plateau avant de reprendre :
— Un peu comme toi et ton hamburger, quoi. C'est pas à cause de Marjorie au moins ?
— Eh bien...
Je me racle la gorge, n'osant pas lui dire la vérité. En réalité, si je n'ai pas entamé mon BigMac, c'est parce que je ne sais pas comment m'y prendre. Aussi étrange que cela puisse paraître, en temps normal, je me contente de commander des frites ainsi que des nuggets de poulet, pour la simple et bonne raison que je ne sais pas manger un hamburger sans me salir ni me couvrir de ridicule.
J'aurais mieux fait d'écouter l'autre girafe à frange et de commander une salade, mais que voulez-vous ? Mattéo me dévisageait de ses beaux yeux bleus, si insistant, si prévenant au sujet de ma santé... Je ne pouvais pas le décevoir !
— Qu'est-ce qu'il y a, encore ? intervient la concernée en entendant son prénom.
— Tu voulais que Nathalie prenne une salade et maintenant elle culpabilise à l'idée de manger son burger.
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Banale !
أدب المراهقينDepuis toujours, Nathalie a la sensation d'appartenir à la catégorie des "personnages secondaires". Lycéenne timide, sans saveur, aux parents et à la vie terriblement ordinaires, elle n'a rien d'une héroïne ! Plutôt que de se résigner, elle décide...