18. Pacte démoniaque

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— Alors comme ça Miss Binocle veut nous rejoindre ? demande la harpie, jetant nonchalamment son sac à côté d'une chaise avant de s'y asseoir.

— Sois pas désagréable, Marje, intervient Mattéo en la rejoignant, suivi par moi. Tu vas encore faire fuir une de nos potentielles recrues.

— Désolée Matti-chou, mais j'estime que si je me retrouve collée à cause d'une personne, j'ai le droit d'être désagréable avec elle.

Mattéo a grimacé en l'entendant l'appeler par ce surnom, seulement Marjorie n'a rien remarqué, car elle est trop occupée à me fixer d'un air menaçant.

— T'es encore bloquée là-dessus ? soupire le délégué, las. Je t'ai déjà dit que Nat avait fait de son mieux, c'est la CPE qu'a rien voulu entendre...

— Tu dois te sentir bien conne, non, à pas être crue même si tu dis la vérité ? ironise-elle sans me lâcher du regard.

J'aimerais comprendre le secret de cette fille pour toujours viser si juste. Chaque mot qu'elle prononce semble finement aiguisé, affûté telle la lame d'un couteau qu'elle se fait un plaisir de planter dans le coeur de ses interlocuteurs. Honteuse, je baisse la tête afin de dissimuler mon rougissement.

— Putain, ça suffit, Marjorie ! s'énerve Mattéo.

— Reste en dehors de ça, lui assène-t-elle entre ses dents. Ça concerne uniquement Miss Binocle et moi. C'est elle qui est allée balancer que je l'avais intimidée, après tout. Maintenant, il faut assumer.

Elle claque sa main sur la table puis s'avance vers moi.

— Regarde-moi, articule-t-elle lentement.

Je m'exécute courageusement, tentant de refouler les larmes qui commencent à monter au bord de mes yeux.

— Tu fais partie de ces meufs qui comptent sur les mecs pour les défendre ? demande la harpie, méprisante. Mattéo sera pas toujours là, donc va falloir que t'apprennes à le faire toi-même, ma cocotte.

J'avale ma salive afin de casser la boule de chagrin qui s'est formée au creux de ma gorge. Mon regard croise celui du délégué, lequel a un air à la fois penaud et désolé, mais m'adresse un sourire d'encouragement. Ça me booste à fond : je prends une grande inspiration, rassemble tout mon courage, puis parviens à articuler quelque chose sans trop bafouiller :

— C-C'est pas moi qui ai dit à la CPE que t'étais venue m'intimider.

— Oh, vraiment ? réplique-t-elle en haussant les sourcils.

— Elle...

Je m'étrangle sur un sanglot mais réussis à me reprendre :

— Elle était déjà au courant... Avant que j'aille la voir.

— Donc qui est allé balancer, si c'est pas toi ?

— Je... Je sais pas ! je balbutie d'une voix faiblarde.

— Ça t'arrange, hein ! ironise Marjorie. Tu veux mon avis ? T'es qu'une sale menteuse qui cherche de l'attention !

— Bon sang, réfléchis, Marje ! se fâche Mattéo. Tu penses bien que la CPE irait pas dire ce genre de trucs à Nathalie...

Ils se lancent ensuite tous deux dans une argumentation houleuse, lorsque les propos échangés avec Sarah à la cantine me reviennent en mémoire. Je prends un air déterminé afin d'être convaincante :

— Je pense que c'est Tricia.

J'ai dit ça de manière beaucoup plus ferme que d'habitude, ce qui les a interrompus au milieu de leur discussion. Marjorie croise les bras, semblant réfléchir à une telle possibilité quelques minutes. Mattéo, lui, se passe la main sur le visage, dépité par mes paroles. J'ai l'impression d'avoir fait une bourde, et me dis que j'aurais peut-être dû taire mes suppositions de pseudo-enquêtrice...

Banale !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant