37. Natortue

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La rencontre tant redoutée entre Aurore et mes amis se produit le samedi suivant, après que nous nous soyons donnés rendez-vous à la Grand'Place de Lille afin d'aller voir le marché de Noël.

Marjorie ayant atterri la veille à Los Angeles, le seul soutien que je puisse espérer d'elle lors de la longue journée qui s'annonce se limite à des WhatsApp... Enfin, à condition de tenir compte du décalage horaire.

Ni la magie des fêtes de fin d'année, ni l'excitation des vacances ne parviennent à me sortir de ma mauvaise humeur. Comprenez bien : j'adore le principe des marchés de Noël... mais sur le papier. De loin. A la télé, par exemple.

Quand je m'y rends dans la vraie vie, cela représente la plupart du temps un véritable calvaire ! Mettez-vous un peu à ma place : du haut de mon mètre cinquante-deux, je me retrouve généralement piégée au milieu d'un nombre incalculable d'épaules et de postérieurs.

Bousculée, piétinée sans ménagement, je dois jouer des coudes ou me dresser sur la pointe des pieds afin d'entr'apercevoir le contenu des étals.

Bref, les marchés de Noël, lorsqu'on fait ma taille, c'est déjà l'horreur. Donc ajoutez à cela l'appréhension qui me taraude depuis une semaine à l'idée que mes amis rencontrent mademoiselle Irréprochable, appréhension s'étant transformée en pure angoisse jusqu'à faire émerger un immonde herpès au coin de ma lèvre inférieure, et vous aurez une petite idée de mon état d'esprit.

— Allez, fais pas cette tête, Lalie ! tente de me réconforter ma cousine. Je sais que t'es contrariée à cause de ton bouton de fièvre, mais je parie que personne le remarquera.

— Pas la peine de mentir, je bougonne. T'as vu sa tronche ? On voit que ça !

— Donc tu comptes garder ton écharpe sur ton nez pendant la journée entière ? Ça va être pratique pour manger !

— Je mangerai pas, je rétorque en haussant les épaules. De toute façon, j'ai suffisamment de graisse en réserve parmi tous mes bourrelets, je devrais tenir.

Mon interlocutrice lève les yeux au ciel en entendant ça.

— Décidément, quelle charmante compagnie tu fais depuis que je suis rentrée ! Je me demande sincèrement comment tes amis arrivent à te supporter ?

Je la foudroie du regard, déjà prête à lui rétorquer une remarque acide, sauf que la voix de Sarah me coupe dans mon élan :

— Ohé ! Nathalie, Aurore ! On est là !

Celle-ci se trouve en compagnie des garçons, quelques mètres devant nous, agitant son bras à notre attention. Tandis que nous nous approchons d'eux, mademoiselle Irréprochable se penche vers moi afin de s'extasier :

— C'est lui, Mattéo ? Waouh, il est mignon ! Je comprends que t'aies craqué...

Ouais, bah t'avise pas de me le piquer.

Une fois les présentations faites, Sarah ne peut s'empêcher de s'exclamer, toute excitée :

— Je suis trop contente de te rencontrer enfin ! Nat a pas arrêté de me parler de toi...

— Uniquement en bien, j'espère ? Ecoute, j'aimerais te retourner cette affirmation, seulement il se trouve que Lalie m'a quasiment jamais parlé de vous. A croire qu'elle voulait pas vous partager !

Sa remarque déclenche leur hilarité à tous, excepté Adam, lequel semble particulièrement tendu, ce matin. Il faut dire que lui et moi ne nous sommes pas encore réconciliés...

De toute manière, les autres semblent se ficher éperdument de notre mauvaise humeur puisqu'ils se lancent à la découverte des différents stands sans nous accorder un regard.

Banale !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant