45. Boule de pue géante

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Sarah et Fiona se dévisagent d'un air perplexe, cela dit Adam parvient à les convaincre de se soumettre à la demande du délégué. Il entraîne la geekette à l'étage, Genn sur leurs talons, tandis que mon amie me chuchote :

— Je vais t'attendre dans la voiture... Je... Je préviens mon père.

Elle s'éloigne de nous : me voilà à présent seule en compagnie d'Ilyès et Mattéo. Ce dernier prend la parole dès qu'elle a claqué la portière :

— Nat, il faut que tu saches...

— J'ai pas envie de savoir, je le coupe, agacée. Pourquoi tu reviens me parler ? T'espères faire quoi, à part remuer le couteau dans la plaie ? Quoique t'aies à me dire, je suis sûre que ça peut attendre... !

Pendant que je débite d'une traite ce flot d'agressivité, il s'est rapproché de moi, le bouclé sur ses talons. Il m'attrape les épaules avec douceur et se contente de dire d'un ton presque affectueux :

— Sois pas injuste, Lalie.

Ces paroles me font l'effet d'une gifle. Dès lors, le masque apaisé que je m'efforçais d'afficher vole en éclats. Cette fois, je ne ressens ni apathie, ni chagrin, mais bien de la colère ; une colère noire impossible à contenir.

Je le repousse de toutes mes forces quand il arrive à ma hauteur.

Je suis injuste ? je m'insurge. Tu t'fous de moi ?

Il ne cherche pas à se défendre ni même à répliquer, me laissant le pousser sans réagir. Quand je relève la tête vers lui, la peine évidente que je lis à travers son regard ne me réconforte en rien.

— Oui, reprend-il d'un ton calme, t'es injuste si tu crois avoir le droit d'exprimer ce que tu ressens et que t'acceptes pas que je fasse pareil. C'est important pour moi de mettre les choses au clair ! Je dois le dire même si ça te fait mal... Nathalie, les sentiments que tu éprouves pour moi, ils... Ils sont pas réciproques.

Il marque une courte pause afin de reprendre son souffle puis enchaîne :

— Je suis désolé si mon attitude envers toi a pu te laisser espérer le contraire... Seulement voilà : je te considère comme une amie... Une amie à laquelle je tiens vraiment... C'est pourquoi je veux être honnête. Nat, il faut que je t'a-

— Tais-toi !

J'ai conscience que ma réaction est des plus puériles, sauf que je ne peux contrôler mon geste : je me surprends à boucher mes oreilles à l'aide de mes mains.

— Tais-toi, tais-toi, tais-toi ! Je veux pas t'entendre !

Est-ce que tu réalises que chacun de tes mots transperce un peu plus mon coeur ?

— Nat, arrête tes conneries ! insiste-t-il en attrapant mes poignets pour me forcer à l'écouter. C'est important !

— Mattéo..., tente d'intervenir Ilyès, en vain.

— Je sais très bien ! je m'écrie à plein poumons. Je sais très bien ce que tu penses de moi, alors économise ta salive ! Moi qui croyais que tu t'intéressais à moi, sauf qu'à tes yeux je suis toujours cette pauvre fille paumée et timide dont tu parlais à Marjorie dans le bus, pas vrai ?

Le délégué me relâche sous le coup de la surprise, yeux écarquillés.

— Que... Comment tu sais ça ? C'est elle qui t'en a parlé ?

— J'étais là ! je sanglote malgré moi. Je t'ai entendu, ce jour-là ! C'est de ma faute, au final ; j'ai été bête de croire que je te plaisais. En vrai, si t'as fait tout ça, c'était juste parce que je te faisais pitié. Alors pas la peine de prétendre que je suis ton amie ou je sais pas quoi histoire de te donner bonne conscience !

Banale !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant