11. Échec critique

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Je m'étais imaginée plein de scénarios concernant mon tête-à-tête avec Mattéo. Dans chacun d'eux, je parvenais à entamer une conversation super intéressante, et nous finissions par rire aux éclats tels les meilleurs amis du monde. Sauf qu'encore une fois, la réalité me rappelle qu'elle est une petite saloperie sadique. Car, alors que nous marchons en direction du bureau de la CPE, je me vois incapable de prononcer un seul mot, laissant un silence gêné s'immiscer entre nous.

Je maudis intérieurement ma faiblesse. C'est bien beau de promettre de s'améliorer, mais comment on fait, concrètement ? Je ne peux pas changer drastiquement du jour au lendemain. Ma timidité ne va pas s'envoler aussi facilement ! J'ai pourtant plein de questions à lui poser ! C'est comme si ma langue s'était volatilisée. Quoique je fasse, je repense à cette Marjorie, à sa façon d'enlacer Mattéo, au baiser qu'elle a déposé sur sa joue... Ce qui me bloque complètement dans toutes mes lamentables tentatives d'entamer une discussion.

C'est finalement le délégué qui rompt le silence :

— Dis donc, t'étais plus bavarde hier soir, sur Facebook, me taquine-t-il.

Même sur le ton de la plaisanterie, cette remarque me pique au vif. Je me mets à me triturer les doigts.

— Désolée..., je marmonne en baissant la tête, mal à l'aise.

J'avale ma salive et rassemble assez de courage pour ajouter :

— C'est juste... plus facile à l'écrit, pour moi.

— Oh... je vois. C'est pas grave, je sais que je suis un garçon plutôt intimidant, dans mon genre ! plaisante-t-il en se recoiffant dans une imitation de frimeur exagérée.

Cette vision m'arrache un petit rire nerveux, allégeant quelque peu le poids qui pesait dans ma poitrine.

— Au moins, j'ai réussi à te faire rire, dit-il d'un air satisfait.

Nous arrivons devant le bureau de la vie scolaire. Le délégué pose sa main sur mon épaule en signe d'encouragement, puis semble se rappeler ma réaction d'hier, à l'infirmerie, et l'enlève aussitôt. Nous entrons après avoir frappé à la porte. C'est Anthony, le surveillant de la veille, qui nous accueille :

— Tiens, Mattéo Belcore ! Qu'est-ce qui t'amène ?

— J'accompagne une élève de ma classe. On vient voir Mme Moreau.

Notre interlocuteur me dévisage sans pour autant sembler me reconnaître, ce qui, au fond, ne m'étonne pas. C'est souvent comme ça, avec les profs ou le reste du personnel de l'école : tout le monde oublie qui je suis.

— Bah, elle est occupée, là, vous avez qu'à attendre ici, fait-il en nous indiquant les chaises disposées contre le mur, à côté de la porte du bureau de la CPE. Elle aura fini dans cinq minutes, je pense.

Le genou de Mattéo frôle le mien quand nous nous asseyons, déclenchant un marathon cardiaque à l'intérieur de ma poitrine.

Du calme, Nat, du calme, c'est pas le moment de perdre tes moyens.

Je me dis que j'aurais peut-être dû mettre une chaise d'écart entre nous. Mais il aurait trouvé ça bizarre, non ?

— Je suis désolé, pour ce qu'il s'est passé tout à l'heure, avec Marjorie, finit par dire Mattéo, après quelques minutes de silence.

J'évite de le regarder et continue de fixer droit devant moi tout en répondant :

— B-Ben... Elle avait pas complètement tort...

— On s'en fout, qu'elle ait raison ou pas ! me coupe-t-il. Elle avait pas à faire ça. Sauf qu'elle s'excusera pas, donc je le fais à sa place.

Banale !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant