Quand j'ai terminé d'expulser mes tripes dans la cuvette des toilettes, je suis en sueur comme après avoir couru un marathon : j'ai à peine la force de me traîner jusqu'au lavabo afin de me rincer la gorge, me nettoyer la bouche ou me mouiller le visage.
Je finis par m'asseoir sur le carrelage froid de la pièce, le dos contre la baignoire, puis demeure ainsi telle une épave, sans bouger.
Toute énergie semble avoir définitivement quitté mon corps ; je ne ressens rien d'autre qu'un grand vide couplé du même froid glacial qui s'est emparé de moi sur le balcon. Je suis en train de me noyer et personne ne viendra me sauver.
Tel un débris spatial, je navigue sans but en une course orbitale infinie à laquelle on ne peut plus m'arracher. Mon être n'est qu'un trou noir ambulant prêt à dévorer tout ce qu'il touche.
Pour la première fois de mon existence, je prends conscience de la vanité de ce monde. Tout me semble si vide, si dénué de sens. La réalité n'est que chaos ; la vie, elle, une souffrance perpétuelle. L'espoir n'existe pas.
Une grande lassitude m'a envahie ; là, sur le moment, je n'ai qu'une seule envie : fermer les paupières et ne jamais les rouvrir. A quoi bon continuer de respirer lorsque l'univers n'est qu'un vaste néant interminable ?
Trois coups frappés à la porte de la salle de bain me ramènent à ce corps que je déteste.
— Ça va, Nathalie ? Je peux venir ?
Sans attendre la réponse, c'est un Adam en chaussettes qui pénètre la pièce, un paquet de chips sous le bras, une assiette contenant une part de gâteau dans chaque main, Genn sur ses talons.
Après avoir refermé derrière lui avec précaution, il vient s'installer à côté de moi sur le sol, où il étale son butin.
Le chien s'allonge entre nous deux, la tête sur mes jambes. J'ignore si c'est volontaire, cela dit je dois admettre que sa présence réchauffe un peu mon coeur meurtri. Je lui témoigne ma gratitude en grattouillant le sommet de son crâne, ce qui fait battre sa queue.
— J'ai apporté de quoi te remplir l'estomac, tu dois avoir la dalle, non ? De toute façon, faut éponger vu ce que t'as bu. Ah et Sarah a appelé son père, il est en route.
Le chevelu a dit ça d'un ton neutre, comme si mon attitude n'avait strictement rien d'anormal.
— Pourquoi tu viens t'occuper de moi ? Fiona part bientôt, tu devrais être auprès d'elle. Moi, je sers à rien... Personne ne m'aime et ne m'aimera jamais...
— Wow, tu nous fais un alcool triste ou je rêve ?
— Un... quoi ?
— Un alcool triste. T'as des idées noires et tu te sens déprimée, je me trompe ?
Comme si cela requérait un effort surhumain, j'acquiesce avec lenteur puis soupire après un temps :
— Ma vie est nulle...
Adam ne répond pas tout de suite ; il se contente de me tendre une chips que j'engloutis à contrecoeur. Nous restons ainsi, à grignoter en silence pendant plusieurs minutes, jusqu'à ce qu'il reprenne la parole :
— Désolé que Mattéo t'ait rejetée...
— Te fous pas de moi. Tu savais très bien ce qui allait se passer, pas vrai ?
Le chevelu détourne le regard.
— Ouais, admet-il après s'être raclé la gorge. Je savais qu'il te repousserait.
— C'est pour ça tu m'as encouragée à lui confesser mes sentiments ? Tu voulais te foutre de moi ? T'as d'la chance que je me sente vidée de mon énergie, là, sinon je t'en collerais une...
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Banale !
Teen FictionDepuis toujours, Nathalie a la sensation d'appartenir à la catégorie des "personnages secondaires". Lycéenne timide, sans saveur, aux parents et à la vie terriblement ordinaires, elle n'a rien d'une héroïne ! Plutôt que de se résigner, elle décide...