Lorsque je retourne en cours le lundi matin, je ne peux m'empêcher de songer à ce rêve particulièrement étrange. Mal à l'aise, je me tortille sur ma chaise : chaque mot ou regard échangé avec Adam provoque chez moi un rougissement. C'est officiel, mon voisin de classe doit croire que j'appartiens à une race alien non identifiée.
Quoiqu'il en soit, il a abandonné toute idée d'établir un quelconque dialogue entre nous. Depuis l'épisode du manuel, Adam ne m'adresse la parole qu'en cas d'absolue nécessité, et quand il le fait c'est de manière froide, distante, ou teintée d'un mépris non dissimulé. Je sens qu'à ses côtés, l'année scolaire va être particulièrement longue.
Les yeux braqués sur l'horloge, je remets nerveusement mes lunettes en place en me disant que chaque seconde me rapproche du Club Presse ainsi que d'un moment privilégié en compagnie de Mattéo. Car oui, si parmi vous certains espéraient que je débarque avec des lentilles au chapitre dix-sept, vous vous mettiez le doigt dans l'oeil (vous apprécierez ce jeu de mot : lentille, doigt dans l'oeil... Bref...).
En effet, comme d'habitude lorsqu'il s'agit de ma vie, rien n'est jamais simple : plutôt que d'être juste myope, il a fallu que je sois également astigmate. Autrement dit, j'ai dû attendre trois jours avant que les opticiens ne reçoivent ma boîte de lentilles, que je vais chercher ce soir à la sortie des cours. Bon, sur le coup, j'admets avoir été soulagée, car cela m'a laissé du temps pour me préparer psychologiquement à l'idée de devoir me triturer les yeux dans l'espoir d'être un peu plus jolie.
C'est d'ailleurs la première fois qu'un week-end m'a paru si interminable : Mattéo étant hors ligne, je n'ai pas réussi à discuter avec lui sur Facebook. J'aurais pu lui laisser un message le remerciant de m'avoir défendue, comme l'a suggéré Sarah... Mais lorsque j'approchais mes doigts du clavier, le souvenir du sourire si affectueux qu'il a adressé à Marjorie me revenait en mémoire, anéantissant la moindre parcelle de courage pouvant résider en moi — or, il se trouve que je suis assez démunie, à ce niveau-là.
J'ai voulu mener l'enquête pour savoir s'ils étaient, oui ou non, en couple, en épiant le profil du délégué... Sauf que ma dernière tentative de stalking s'est, je vous le rappelle, soldée par un échec cuisant. J'ai donc préféré rester prudente, cette fois-ci, me contentant de vivre une histoire d'amour par procuration en créant des Sims à l'effigie de Mattéo et moi-même (oui, vous avez le droit de vous moquer de ma pitoyable petite vie).
Malgré mon impatience, c'est, quand sonne l'heure de midi, avec une boule d'angoisse au creu de mon ventre que je m'apprête à franchir la porte du CDI. Je repense à ce que Mattéo a dit sur moi, dans le bus.
Elle est un peu paumée et timide...
Pas très sexy, cette description. Le doute se met alors à affluer en moi. S'est-il donc montré sympa uniquement par pitié ? Me perçoit-il comme un pauvre chien errant affamé, à qui il donnerait de l'attention à manger afin de combler le vide affectif ?
Ces dernières réflexions suffisent à me raviser, quitte à affronter le courroux de Sarah. Je me retourne pour faire demi-tour, et percute de plein fouet un buste masculin. Je n'ai même pas besoin de lever les yeux pour savoir à qui il appartient, car je reconnaîtrais ce parfum entre mille. Je serais volontiers restée quelques secondes supplémentaires contre ce torse qui, bien que pas énormément musclé, est assez ferme à mon goût... Sauf que la réalité se rappelle à moi quand j'entends la voix de Mattéo demander :
— Nathalie ?
Je m'écarte aussitôt d'un pas et constate, horrifiée, que ce n'est pas à propos du torse du délégué que je viens de fantasmer, mais de celui d'Ilyès. Ce dernier a l'air d'ailleurs aussi embarrassé que moi par ce contact inopiné. Comment, diantre, ai-je pu confondre leurs deux odeurs ? Cette interrogation me laisse quelques peu troublée, sauf que je n'ai pas le temps d'y réfléchir davantage car Mattéo éclate de rire devant les airs effarés de son ami et moi.
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Banale !
Novela JuvenilDepuis toujours, Nathalie a la sensation d'appartenir à la catégorie des "personnages secondaires". Lycéenne timide, sans saveur, aux parents et à la vie terriblement ordinaires, elle n'a rien d'une héroïne ! Plutôt que de se résigner, elle décide...