2. Complainte d'un faire-valoir

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Comprenez bien, je n'ai pas toujours été cette fille solitaire et sans amis. A vrai dire, ce n'est pas ainsi que j'avais imaginé ma première année au lycée. Quand je rêvais de mon futur, je me voyais toujours plus jolie, une fois en seconde. Je ne sais pas vraiment pourquoi... je m'imaginais peut-être qu'un miracle allait se produire pendant les vacances d'été... Que, en m'éveillant un matin, je ne serais plus cette fille rondouillarde, binoclarde, et tocarde (oui, j'aime les adjectifs en "arde", ça fait très péjoratif, vous ne trouvez pas ?). 

Bien évidemment, un tel miracle ne s'est jamais produit : je suis restée, chaque matin, l'exacte réplique de celle que j'étais en allant me coucher la veille. Un tel rêve peut vous sembler improbable, voire irréaliste, mais voilà, c'est tout moi, je passe mon temps à idéaliser ma vie. Autant vous dire que la réalité me déçoit souvent.

Surtout, ce que je n'avais absolument pas prévu, c'est la désertion de ma cousine. Oh, rassurez-vous, bien que nous appartenions à la même famille, Aurore — c'est son prénom — ne me ressemble en rien. Nous sommes tout ce qu'il y a de plus différentes. Elle est tout ce que je ne suis pas. Nées la même année, Aurore m'a précédée de quelques mois, et c'est là tout le problème ! C'est comme si elle avait raflé toutes les bonnes choses que la vie a à offrir dès son premier cri ! La beauté ? Elle l'a prise. Le charisme ? Aussi. L'assurance ? Devinez ! Et bien entendu, l'originalité.

 Si, comme dans les contes, des bonnes fées se sont penchées sur nos berceaux, on peut dire sans hésiter qu'elles ont absolument tout donné à Aurore, au point de se retrouver à sec une fois mon tour venu. De toute façon, rien que nos prénoms parlent d'eux-mêmes : si vous ouvrez un dictionnaire (ou que, comme moi, vous cherchez sur Google) : "Aurore" signifie "lueur qui précède le lever du soleil". Alors que moi... "Nathalie", existe-t-il un prénom plus insignifiant au monde ?

Le truc, c'est qu'Aurore n'est pas juste jolie. Ce serait trop simple ! Non, elle a quelque chose en plus, une aura particulière qui attire tous les regards vers elle, qui fait que tout s'illumine quand elle est là. Pourtant, malgré nos différences, Aurore et moi sommes très proches. Nous étions ensemble à l'école, donc comme elle avait beaucoup d'amis, par extension, j'en avais aussi. Ce n'était pas vraiment mes amis, puisque tout ce qui les intéressait, c'était de rester près d'elle ; mais je m'en contentais. Ça m'était égal de rester dans son ombre, car je savais qu'elle serait toujours là. Ou du moins, je le pensais.

Mais voilà. Comme d'habitude quand il s'agit de ma vie, rien ne se déroule jamais comme prévu. Car si Aurore est aussi géniale, c'est aussi grâce à sa mère, tata Daphné. Tandis que mes parents sont deux êtres tout ce qu'il y a de plus ordinaires, avec des physiques dans la moyenne ainsi que des métiers très classiques, la mère d'Aurore, elle, n'est rien de moins qu'une photographe, une artiste passionnée, spontanée, aux histoires d'amour toujours très compliquées. 

C'est donc à cause de cette passion et de cette spontanéité qu'elle a décidé, du jour au lendemain, de déménager pour vivre avec son nouveau petit-ami. Le problème ? Il habite à Londres. Oui, Londres. En Angleterre. Rien que ça ! D'un côté, ça ne m'a pas tant surprise que ça. Des êtres aussi exceptionnels qu'Aurore et tata Daphné, comment pouvaient-elles vivre ailleurs que dans une grande ville comme Londres ? Elles n'appartiennent certainement pas aux provinces françaises, non. Leur place est là-bas.

J'aurais dû le voir venir. J'aurais dû le savoir. Alors pourquoi, pourquoi, ai-je été aussi déçue ? Pourquoi ai-je été aussi dévastée ? Comment Aurore a-t-elle pu m'abandonner ainsi ? Moi, la petite Nathalie si fragile, si timide, si mal dans sa peau... N'a-t-elle pas vu que, plus qu'à n'importe quel autre moment de ma vie, j'avais besoin d'elle ? Comment suis-je censée survivre au lycée, sans elle ? 

Malgré tout, je ne peux m'empêcher de lui en vouloir et, bien qu'elle m'écrive souvent sur Messenger, je ne réponds presque jamais.Cela fait deux mois qu'elle est partie, et je ne lui ai quasiment pas parlé depuis. Le peu de nouvelles que j'ai, c'est par l'intermédiaire de mes parents, mais je dois dire que je m'en fiche complètement. Elle a choisi d'aller vivre là-bas, de m'abandonner, donc c'est terminé, je ne veux plus lui parler.

Soudain, un gros coup sur la porte me fait sursauter et sortir de mes réflexions. Ah, oui. C'est vrai. La réalité est restée telle quelle : je suis toujours enfermée dans les toilettes, à essuyer mes larmes de rage et de frustration comme la créature pitoyable que je suis.

— Oh ! Y'a quelqu'un là-dedans ? Les chiottes sont bloquées ou quoi ?

Mince, manquait plus que ça ! Une pisseuse venue me déloger de mon seul refuge !

— Ou... Oui, je parviens à bredouiller d'une voix beaucoup trop faiblarde à mon goût.

— Oui quoi ? T'es coincée ? Faut que j'appelle un surveillant ?

— N... Non !

— Si t'es pas coincée, tu fous quoi ? T'es là-dedans depuis le début de la récré!

"Je fais des crêpes ! A ton avis, crétine ? On fait quoi dans ce genre d'endroit d'habitude !" voilà ce que j'ai envie de répliquer. Au lieu de ça, je ne parviens qu'à marmonner une phrase complètement incompréhensible — y compris pour moi. De toute façon, la fille de l'autre côté ne semble même pas avoir essayé d'écouter, car elle enchaîne avec un débit incroyable:

— Bon putain t'as bientôt fini de poser ta pêche meuf ? Je vais me faire dessus si ça continue!

Hmm, à la réflexion, c'est vrai que je suis dans les toilettes du bâtiment B. Les seules du rez-de-chaussée. C'est d'ailleurs pour cette raison que je ne vais jamais ici d'habitude, sauf que là, dans la panique et devant l'irruption imminente d'une crise de larmes incontrôlable, je me suis enfermée dans les premières que j'ai trouvées. Pas très malin de ma part.

— J-Je... Je sors !

Je me passe rapidement de l'eau sur le visage. Comme il n'y a pas de miroir, il m'est impossible de vérifier si l'on voit que j'ai pleuré ou non.

— Allez, magne ! trépigne la fille de l'autre côté.

Je rassemble mes affaires avant d'ouvrir la porte pour me trouver nez à nez avec... Non moins que Miléna Delval en personne. Vous savez, dans chaque lycée il y a cette meuf super belle, au physique parfait, que tous les mecs kiffent grave ? Et bien, à Charles de Secondat, cette fille, c'est Miléna. A cause de sa réputation de pétasse au sale tempérament, ainsi que des rumeurs affirmant qu'elle a harcelé des élèves de seconde en début d'année, j'ai toujours tout fait pour ne pas l'approcher de trop près. Or, voilà que maintenant je me trouve en travers de son chemin...


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Salutations ! J'espère que vous appréciez ce début d'histoire dans la tête de Nathalie. Elle cumule beaucoup de défauts, mais elle s'améliorera avec le temps, promis ! 😁

A votre avis, que va-t-il se passer avec Miléna ? 😰

J'aime bien mettre des musiques thématiques pour mes chapitres, j'essaye de faire une playlist "feelgood" ! Donc voilà, vous pouvez les écouter (ou pas). Je les mettrai à la fin. 

La musique pour ce chapitre est : "TLC — Unpretty", qui exprime des pensées que nous avons tous(tes) eu un moment donné, je pense ! 

Des bisous ! 😘

Banale !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant