Chapitre 22. Ainsi sonna le glas des Gobelins

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Précédemment

Quand les Gobelins eurent terminé de fouiller les Nains et l'Humaine et d'entreposer tout ce qu'ils avaient trouvé au pied du trône, la voix gutturale du grand Gobelin invectiva la Compagnie :

« Qu'est-ce qui vous amène ici, gredins ? Parlez ! »

Les Nains levèrent tous le menton au même moment, l'air altier ; leurs mâchoires étaient crispées, et leurs lèvres scellées. Ayrèn plissa le nez avec dédain. Toute trace d'inquiétude avait disparu de sa figure ; mais, à l'intérieur, l'inquiétude lui tordait les viscères.

Face au silence des intrus en son royaume, l'affreux goliath inspecta minutieusement leurs visages fermés. Son regard fut happé par les yeux solaires de l'Humaine, dont la tête blonde dépassait de loin celles des Nains et des Gobelins. Il l'examina longtemps ainsi, sans ciller. Ayrèn déglutit sa salive ensanglantée et le regarda droit dans les yeux avec une colère froide.

Le visage monstrueux du Roi Gobelin s'illumina d'un engouement indescriptible, comme s'il venait de résoudre une énigme.

Ses lèvres se tordirent d'un sourire carnassier :

« Je connais ces yeux... »

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Ville des Gobelins - Plateforme royale

« Amenez-la moi ! » ordonna le roi Gobelin.

Les Gobelins tirèrent Ayrèn par les bras, qui faillit tomber à genoux devant le trône. En se redressant, elle haussa les yeux vers le colosse, qui s'était rassis entre temps sur son trône grotesque. Bouffie d'orgueil, elle leva fièrement le menton et tendit exagérément ses aplombs pour avoir l'air plus menaçante. Elle refusait de perdre la face devant ce monstre qui prétendait avoir reconnu ses yeux. Pour retrouver son calme, car il lui en restait bien peu, elle se concentra sur sa respiration ; le sang battait si fort à ses tempes que tout son crâne lui faisait mal.

Le Roi Gobelin s'appuya sur les accoudoirs de son trône et se pencha en avant pour mieux l'observer. Ses yeux globuleux, démesurément gros, saillaient comme des œufs pochés hors de leurs orbites. Il était si près qu'Ayrèn pouvait sentir la tiédeur de son souffle faisandé sur sa peau. Elle fut prise de nausées. Le goût acide de sa bile vint se mêler à celui de son sang, qui se trouvait encore en abondance dans sa bouche. Ayrèn trouvait cette proximité répugnante, mais elle parvint à rester impassible (1).

« Oui, oui... Ah, ces yeux, quelles merveilles ! » chuchota le grand Gobelin, en se penchant davantage. « Mais je ne suis pas surpris. Les Nains ont toujours su s'entourer des plus beaux trésors... »

Sa voix était rude et les tournures polies semblaient mal à l'aise dans sa bouche. Il eut un sourire sordide qui découvrait ses gencives grisâtres et il s'humecta les lèvres, sans jamais lâcher des yeux le regard doré de Dracà-cwellere.

« La dernière fois que j'ai vu ces yeux, c'était il y a presque mille ans. Je n'étais qu'un tout jeune Gobelin à l'époque, mais je n'ai pas oublié cet éclat doré, ni l'Homme à qui il appartenait... Un chasseur de dragons. Les Nains l'avaient jeté dans nos tunnels, après l'avoir écorché vif. Ses hurlements de douleur résonnaient si délicieusement entre les parois de nos grottes que j'en étais parcouru de frissons. Ah, ah ! Quel superbe souvenir ! »

Il claqua sa langue contre son palais.

« Vous avez exactement le même regard que lui : doré, implacable... et arrogant. »

Dracà-cwellere, la Tueuse de dragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant