Chapitre 59. Au nom du père

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Précédemment

La voix de Balin devint soudain très faible :

« Ayrèn... »

Il ouvrit ses yeux et les garda mi-clos, rivés sur ses genoux. C'était la première fois qu'il l'appelait par son prénom. Il était si bouleversé, si triste de dévoiler la vérité à l'Humaine, qu'il avait ressenti le besoin de partager cette intimité avec elle. La désigner par son prénom ne lui apporta toutefois qu'un bien maigre réconfort.

« Ayrèn... » répéta-t-il tout bas. « Comme les Elfes, vous êtes une enfant d'Ilúvatar. Les Nains, en revanche, ont été conçus par Aulë, que nous appelons plus volontiers Mahal. Nous ne sommes pas les enfants du même Valar. Nos différences sont si profondes, si fondamentales, que nos unions demeurent vaines à tout jamais... »

Elle se retint avec ses mains et demanda :

« Qu'est-ce que ça signifie ? »

Sa question était idiote, mais elle s'accrochait encore au maigre espoir d'avoir mal compris où Balin voulait en venir.

Il leva ses yeux larmoyants vers elle. Une larme se perdit dans son imposante barbe.

Il avait l'air sincèrement triste et désolé pour elle quand il révéla enfin :

« Vous m'avez très bien compris, Ayrèn. Vous et Thorin n'êtes pas de la même espèce. Vous ne pourrez jamais avoir d'enfants. »

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Quelques heures plus tard, dans la chambre de Thrór

Fin d'après-midi

Encore convalescente, Ayrèn était allongée dans le grand lit de soieries de Thrór. Elle ne s'était levée qu'une fois pour soulager sa vessie ; elle passait le plus clair de son temps à plat dos sous les draps, toussant de temps à autre, grignotant du bout des lèvres quelques biscuits confectionnés par Bombur.

Mais le cœur n'y était pas.

Elle ruminait depuis des heures la terrible révélation que lui avait faite le vieux Nain. Le choc de la nouvelle commençait à peine à lui passer, et elle avait failli pleurer plusieurs fois. Mais ce n'était pas tant la tristesse de ne pas être mère qui la tourmentait, car elle avait déjà renoncé jadis à la maternité pour mettre un terme à la malédiction de sa lignée. L'envie d'avoir un enfant de Thorin ne lui était venue que très récemment, en faire le deuil était pénible quoique promptement concevable.

Elle était bien davantage troublée par le déshonneur que cette situation pourrait représenter pour Thorin. Sans héritier, il passerait pour un impuissant aux yeux du peuple. La seule idée qu'il pût subir cette humiliation la démolissait de l'intérieur.

'Valars tout-puissants... Je n'ai pas le droit d'infliger ça à Iyaroak... Je n'ai pas le droit non plus de faire ça aux Nains d'Erebor...' pensa-t-elle avec une intense tristesse. 'Et pourtant, je ne me sens pas prête à renoncer à lui. Je suis indigne de son affection...'

Elle méditait sombrement sur ces tristes sujets quand le bruit d'une altercation courte et brusque, de chopes renversées, de violentes et ardentes menaces ébranla l'aile royale d'Erebor. Puis de nouveau, ce fut le calme.

La porte s'ouvrit à la volée. Thorin pénétra dans la chambre et claqua la porte derrière lui. 'Clac !'. Les miroirs vibrèrent avec un tintement cristallin.

Dracà-cwellere, la Tueuse de dragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant