Précédemment
Alors, le batelier fut surpris et quelque peu effrayé ; et il se demanda si, après tout, Ayrèn n'était pas un de ces esprits de la Montagne qui hantaient les contreforts d'Erebor, et que l'on entendait hurler au crépuscule des nuits venteuses, quand il faisait très froid. Il n'avait pas pensé que ces esprits fussent réels, il était convaincu que les bruits charriés par le vent depuis la Montagne n'étaient que des sifflements d'air qui faisaient crier au loup les plus superstitieux d'entre tous. Il n'y croyait pas, et pourtant, cette femme parvint à le faire douter de ses certitudes.
Bard se trompait, bien évidemment, Ayrèn n'était rien de tout cela. Elle n'était qu'une Humaine maudite pour ses péchés, la lointaine petite fille d'un Seigneur du Rohan depuis longtemps oublié.
Un vent froid souffla, il attisa une petite braise dans les yeux d'Ayrèn. Elle inclina la tête pour saluer le batelier, et le soleil se refléta sur ses prunelles dorées. Elle n'avait plus l'air Humaine, elle n'était rien de ce que Bard connaissait.
Un effroi indéchiffrable lui prit les entrailles.
Aveuglé, il plissa les paupières et lâcha :
« Mais qui êtes-vous donc ? »
Le sourire d'Ayrèn s'élargit. Une de ses canines déborda sur sa lèvre inférieure, rendant son expression encore plus irréelle.
« Je suis Dracà-cwellere, » répondit-elle d'un air mystérieux.
Et elle s'en fut. En quelques pas, elle fut avalée par la foule, et Bard la perdit de vue.
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Sur les docks de Lacville
Ayrèn traversa lentement les docks, jouant de ses coudes et de ses hanches pour se frayer un passage parmi la foule. Plus en avant, derrière un mur de gardes qui maintenait les habitants de Lacville à bonne distance, les Nains et Bilbo s'étaient rassemblés au bord de l'eau.
Ayrèn se faufila entre les gardes pour rejoindre la zone d'embarquement, sans se préoccuper de les bousculer un peu au passage ; ils la reconnurent tout de suite et la laissèrent passer sans poser de question.
« Ah, te voilà ! » dit Thorin quand elle passa devant lui. « Qu'est-ce que le batelier te voulait ?
— Rien d'important, » répondit-elle sans s'arrêter de marcher.
« Vraiment ? »
Elle lui parla par-dessus l'épaule :
« Il voulait que je te convainque d'abandonner notre Quête.
— Ah ! Il t'a dérangé pour ça ? Il ne manque pas de culot !
— En effet. »
Sans un regard pour lui et la Compagnie qui terminait de s'équiper, Ayrèn s'avança jusqu'au bord du quai, en face du bateau de pêche qui y était amarré. Contrairement aux autres embarcations qui faisaient ancre dans le port, il n'y avait ni filets ni flotteurs, mais plusieurs coffres et caisses en bois se trouvaient à bord. Ils étaient remplis de provisions et de matériel, et de toutes sortes d'outils précieux. Le Maître n'avait fait montre d'aucune avarice pour équiper la Compagnie, générosité qu'on ne lui connaissait que s'il pouvait en tirer profit. Ayrèn accueillit malgré tout cette profusion d'objets et de nourriture d'un soupir de soulagement. Quelque fût l'indécence de tous ces présents, c'était un grand réconfort de savoir qu'ils ne manqueraient de rien pour la suite de leur aventure.
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Dracà-cwellere, la Tueuse de dragons
FantasyUne épéiste humaine frappée d'anathème. Un conflit ancestral entre un clan de chasseurs de dragons et le peuple des Nains. Une quête extraordinaire pour la Montagne Solitaire. Un choix entre la vie qu'elle laisse derrière elle et l'aventure de toute...