Année 2941 du Troisième Âge
Dans les contrées verdoyantes et vallonnées de la Comté se trouvait un trou.
Pas un trou de mulot, pas plus qu'un trou de lièvre. Pas un trou de terre, sale, froid et plein de vers. Non. Un trou fort bien aménagé, de vingt mètres de long et un mètre soixante-quinze de hauteur. Un trou de Hobbit : Cul-de-sac. C'était un endroit des plus accueillants, rempli de nourriture, de meubles confortables et de bibelots insolites. Quand il faisait beau au-dehors (et il faisait souvent beau dans la Comté), les rayons du soleil traversaient les couloirs et répandaient dans chaque pièce une lumière reposante.
Un vrai trou de Hobbit, d'un Hobbit qui se respectait.
Mais qu'est-ce qu'un Hobbit ? Il s'agit d'une personne de petite taille, dépassant rarement la taille d'un mètre vingt. Il parle le langage des Hommes du Gondor et des Dúnedain, qui désignent volontiers les Hobbits par le terme de Semi-Homme. Les oreilles du Hobbit sont légèrement pointues, et ses pieds sont particulièrement velus et solides, si bien qu'il n'a pas besoin de souliers pour se déplacer, même lorsqu'il fait froid ou que le terrain est accidenté. Il porte ses cheveux, le plus souvent bruns et bouclés, par-dessus un visage pâle, rond et ouvert. Ses vêtements colorés, d'ordinaire verts ou jaunes et bariolés de motifs élégants, sont un reflet fidèle de sa nature joyeuse. Le Hobbit est aussi connu pour avoir une légère tendance à bedonner, car un de ses passe-temps favoris est de manger ; l'emploi du temps d'un Hobbit s'articule de façon très ordonnée autour de ses six repas quotidiens. La boustifaille est en effet sa passion avouable et avouée, et il se fait un honneur de la cultiver chaque jour.
D'une nature pacifiste et aimable, les situations périlleuses et les querelles inspirent au Hobbit une profonde aversion. Il dispose à ce titre d'un talent rare : il peut se déplacer avec la discrétion d'une ombre et se faire oublier des grandes gens, lorsque le danger se fait sentir...
Or donc, dans ce trou qu'était Cul-de-sac, vivait le Hobbit nommé Bilbo Sacquet.
Un peu plus bas, sur le chemin qui menait à Cul-de-sac, se trouvait un autre trou. Un trou parmi tant d'autres dans les vallons de la Comté, quoique, à y regarder de plus près, il était finalement très différent des autres.
En effet, s'il était tout aussi bien aménagé et douillet que Cul-de-sac, tout aussi lumineux et accueillant, ce trou-ci était toutefois de bien plus haut plafond : environ deux mètres quarante !
Car cette fois, il ne s'agissait pas du trou d'un Hobbit... mais de celui d'une femme du peuple des Hommes prénommée Ayrèn.
Et ce trou-là s'appelait Cul-de-bouteille.
Ayrèn était une Humaine bien bâtie, avec des hanches généreuses et des épaules solides. Sa peau claire et sa longue chevelure blonde lui donnaient toutefois un air un peu blême. Son visage n'avait d'ailleurs rien de bien remarquable mais, à mieux y prêter attention, on y devinait des traits anguleux, qui lui donnaient le profil d'un oiseau prédateur. Avare de sourire, les Hobbits qui le surprenaient y avisaient un mélange inhabituel de douceur et de férocité. Mesurant près d'un mètre quatre-vingt, elle était grande et robuste pour une Humaine mais, malgré cela, tout dans son allure et ses mouvements trahissait sa souplesse et son attention.
Quoique le plus saisissant chez Ayrèn, cette chose surprenante qui faisait presque oublier tout le reste de sa personne, c'étaient ses yeux dorés et effilés, ombragés par d'épais sourcils blonds. Deux gemmes d'ambre et de lumière dans lesquels brillaient une ardeur, un éveil, une intelligence tels qu'un seul de ses regards paraissait transpercer les corps jusqu'au cœur de l'âme.
C'était donc cette femme du peuple des Hommes qui avait élu domicile à Cul-de-bouteille, il y a dix ans de cela.
Il serait possible de passer plusieurs heures sur le pourquoi du comment d'un tel nom pour un trou, mais tentons de résumer cette anecdote en quelques mots : l'Humaine et le Hobbit, de proches amis, avaient cru bon de donner des noms similaires à leur trou respectif. Mais quelques temps plus tard, il leur était apparu que « trou de Cul-de-sac » et « trou de Cul-de-bouteille » sonnaient quand même beaucoup moins bien à l'oreille que cela en avait eu l'air au début. En règle générale, les Hobbits de bonne éducation évitaient d'associer les mots « trou » et « cul » aussi près l'un de l'autre dans une même phrase. Mais ces noms avaient d'ores et déjà été inscrits au registre foncier de la Comté, s'il bien qu'il était trop tard pour en changer.
C'est en tout cas ce qu'on rapportait dans la Comté. D'autres vous conteraient une autre histoire. Mais ceci était déjà de l'ordre de la légende lointaine, du « on dit » comme on dit. Dans la Comté, on se contentait de profiter du moment présent. On n'y tenait pas d'archives comme dans les capitales des Hommes.
Ce que l'Humaine et le Hobbit ignoraient encore en cet après-midi ensoleillé de l'année 2941 du Troisième Âge, c'est que leur amitié allait bientôt les entraîner au sein d'une formidable et dangereuse aventure...
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Dracà-cwellere, la Tueuse de dragons
FantasyUne épéiste humaine frappée d'anathème. Un conflit ancestral entre un clan de chasseurs de dragons et le peuple des Nains. Une quête extraordinaire pour la Montagne Solitaire. Un choix entre la vie qu'elle laisse derrière elle et l'aventure de toute...