Chapitre 63. Ce que l'orgueil avait forgé

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Précédemment

Ayrèn l'embrassa sur la joue pour lui dire au revoir, et Bilbo disparut au fond d'un couloir. L'Humaine resta quelques minutes dans l'atelier de joaillerie, étourdie et inquiète. Le vide que son ami avait laissé derrière lui la retenait dans cette pièce. Quand elle eut retrouvé son aplomb, elle reprit enfin le chemin du grand Hall. En y arrivant, elle vit que tous les Nains dormaient autour du feu, où fumaillaient un restant de braises affamées. Elle nourrit le foyer avec le débris d'un madrier, puis se trouva une place pour dormir, entre Kíli et Dwalin.

Elle s'enroula dans une toile et s'endormit lentement, bercée par la respiration régulière de Kíli et les ronflement rocailleux de Dwalin. Juste avant de perdre conscience du monde éveillé, ses pensées se tournèrent vers ceux qui mourraient demain, si le plan de Bilbo échouait.

Puis ses songes l'engloutirent, et elle passa la nuit à rêver.

Des rêves tendres et colorés des vertes collines de la Comté.

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Au-devant du rempart

Le lendemain matin

La nuit passa lentement. Le lendemain, l'aube vint chasser l'ombre de la nuit, le vent tourna à l'Ouest, et l'air, qui descendait dans la vallée en soupirant parmi les rochers, était chargé de craintes. Le givre recouvrait les berges des rivières et du Long Lac. Les quelques corbeaux revenus nicher dans la Montagne s'étaient tous envolés, à moins qu'ils ne fussent devenus muets. Une aube blafarde passait par le rempart, où tous les Nains de la Compagnie et Ayrèn s'étaient réunis. Lourdement équipés, frissonnant au soleil d'hiver, avec sa pureté de gemme froide, ils étaient rassemblés autour de Thorin, Roi Sous la Montagne. Paré de sa couronne d'or et de basalte et de sa lourde épée à fourreau d'argent, incrusté de joyaux, Thorin inspirait crainte et majesté dans la fourrure somptueuse de son manteau armorial.

Son armet sous le bras, Ayrèn se pencha par-dessus le rempart, pour observer ce qui se trouvait au-delà.

De l'autre côté de la Vallée, les remparts de Dale étaient cachés derrière une brume bleue matinale. Les toits des maisons encore debout crevaient la brume comme des îlots, donnant l'impression d'une ville engloutie par une mer vaporeuse.

Plus près, au pied du rempart d'Erebor, mille Elfes en cuirasse dorée, parfaitement alignés en ordre de combat, se dressaient devant la Montagne avec une rigidité de statue. Ils étaient immobiles, et leurs casques, d'élégants heaumes dorés au profil de faucon, dissimulaient leurs visages. Vers le flanc droit de la formation, une poignée de pêcheurs Humains s'agglutinaient les uns contre les autres ; ils étaient très simplement vêtus, sans armure, équipés d'épées et de hallebardes rouillées. Ils avaient beau n'être qu'une trentaine, ils remuaient et parlaient sans cesse entre eux, à tel point que l'on ne voyait qu'eux sur le champ de bataille, et qu'il eût été facile d'oublier la présence des mille statues d'or alignées en rang à côté d'eux.

Ayrèn fronça les sourcils. Parmi tous ces soldats, elle ne voyait ni Thranduil, ni Bard, ni même Bilbo. Le Hobbit n'était toujours pas revenu de son escapade nocturne. Elle tremblait à l'idée que les choses aient mal tournées pour lui, mais elle ne pouvait pas se permettre de laisser ses craintes altérer son sang-froid.

Elle respira un grand coup d'air froid et, retrouvant sa pleine concentration, elle observa avec une minutie experte, d'un œil exercé à l'art de la guerre, la disposition et l'armement des Elfes sylvains. Des lanciers se trouvaient en première et deuxième lignes, pour percer quiconque se mettrait en travers de leur chemin ; une profusion d'épéistes composait les rangs intermédiaires ; les cinq dernières lignes, les plus meurtrières, rassemblaient les meilleurs archers du Royaume des Forêts. La formation était classique, prévisible, mais les Elfes étaient aussi disciplinés que redoutables. La Compagnie n'avait aucune chance de sortir vainqueur d'un affrontement avec eux.

Dracà-cwellere, la Tueuse de dragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant