Précédemment
Leurs corps se relâchèrent peu à peu, leurs souffles feutrés couraient sur leurs visages. Ils se regardaient avec intensité, droit dans les yeux. Un mince sourire se dessinait sur les lèvres du Nain, auquel Ayrèn répondit en frottant son nez contre le sien.
« Tunak soy, Iyaroak... » murmura-t-elle en reculant son visage.
Il soupira de bien-être :
« Ezekû tenn, Athanû men. »
Ils s'étreignirent en se blottissant l'un contre l'autre. Allongés là, ils auraient presque pu croire qu'ils étaient seuls au monde, sans peine ni tourment, sans peur ni haine. Passé et avenir se mélangeaient, rien n'était vrai, rien n'était impossible. Il n'y avait plus qu'eux. On aurait même pu croire que les Valars les avaient bénis, ce soir-là, car le sommeil les frappa avant qu'ils ne soient rattrapés par la réalité.
Cette nuit, ils dormiraient heureux, sourds à l'horreur qui les hélait du futur.
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Campement de Dale
Très tôt
La Compagnie ne dormit que quelques heures et se leva avant l'aube, réveillée par les croassements des corbeaux qui tournoyaient autour du clocher délabré de Dale. Ils voltigèrent un temps au-dessus des sacs de provision, mais Bombur les en éloigna en leur jetant des pierres. Alors les oiseaux noirs s'éloignèrent en direction de la Grande Porte d'Erebor, invisible à cette heure matinale, cachée derrière la brume et les ombres de la Montagne.
Dans le camp, tout était silencieux, tout fonctionnait au ralenti, embrumé, depuis le ton bas et grave des conversations jusqu'aux hennissements timides des poneys qui peinaient à se réveiller.
La Compagnie sortait lentement de sa torpeur. Pendant que certains s'attelaient à fermer les paquetages, Bombur préparait du thé sucré pour les réchauffer. De leur côté, Ayrèn et Thorin eurent grand mal à sortir de la chaleur qu'ils partageaient sous leur couverture, et ils furent les derniers à se lever.
Au milieu de l'agitation traînante de ce matin blafard, l'inquiétude de Bilbo était désormais visible de tous. Il s'était réveillé hagard ; ses cernes profonds affectaient le moindre de ses sourires. Personne ne mettait en doute son courage, mais, au moment venu, plus d'un craignait qu'il ne change d'avis et refuse d'endosser son rôle de Cambrioleur.
Ce fut sur cette crainte qu'ils chargèrent les poneys et repartirent à la recherche du Passage caché, progressant prudemment dans l'aube grisâtre de la Montagne.
Contrairement à l'air tiède de la veille, il faisait très froid ce matin-là. Un vent bas et ronflant descendait du Nord, glacé et humide, chargé de petits cristaux de brume qui opacifiaient l'atmosphère. Les Nains s'inquiétaient que ce vent ne charrie aussi des nuages, mais Balin leur assura qu'il ne s'agissait là que d'une ondée passagère. Par contre, ajouta-t-il, il était probable que le froid s'attarde plusieurs jours sur ces contrées, malgré la malédiction qui y régnait. L'épaississement de l'air laissait même supposer qu'il neigerait de nouveau dans les jours à venir.
Ils quittèrent Dale par une étroite venelle qui serpentait entre les ruines de l'Ouest de la ville, puis ils firent cap sur le versant Ouest de Ravenhill. Sa tour de garde était masquée par un épais brouillard cotonneux, et seuls quelques morceaux de ruine et le faîte d'un avant-poste aux bardeaux arrachés pointaient hors de la masse blanche.
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Dracà-cwellere, la Tueuse de dragons
FantasyUne épéiste humaine frappée d'anathème. Un conflit ancestral entre un clan de chasseurs de dragons et le peuple des Nains. Une quête extraordinaire pour la Montagne Solitaire. Un choix entre la vie qu'elle laisse derrière elle et l'aventure de toute...