Chapitre 38. La maison du batelier

143 19 12
                                    

Précédemment

C'était un jeune garçon tout juste pubère et une parfaite copie de Bard, à cela près qu'il arborait encore quelques rondeurs juvéniles. Ses cheveux noirs, épais et ondulés, encadraient son visage comme un buisson ; ses yeux, noirs également, avaient la même forme allongée que ceux de son père. À cet instant, ils reflétaient un trouble qui n'annonçait rien de bon pour la Compagnie.

« Calme-toi, Bain... » dit Bard en s'agenouillant devant son fils. « Reprends depuis le début. Qu'est-ce qui ne va pas ? »

Quittant Bilbo des yeux, l'enfant dit d'une voix angoissée :

« C'est notre maison !

— Notre maison ? » répéta Bard d'un air soucieux. « Qu'est-ce qu'elle a, notre maison ?

— Des gens ! Des gens la surveillent ! »

__________________________________

Un peu plus tard...

« Vous êtes sûr qu'ils ne se feront pas repérer ? » s'enquit Ayrèn.

« Certain, » murmura Bard. « Maintenant, suivez-moi. La maison est au bout de ce quai. Restez aussi naturelle que possible, les espions sont partout. »

Le batelier et son fils conduisirent Ayrèn, seule, le long d'un quai étroit. Au bout de celui-ci se trouvait une maison biscornue, à laquelle il manquait des bardeaux. La porte d'entrée se situait au premier étage, auquel on accédait par un escalier de planches gondolées. Une rambarde d'aspect peu avenant courait le long des marches jusqu'à une terrasse inclinée, où une porte à demi-dégondée était maintenue fermée par un sac de sable. Les trois Humains gravirent les marches ; les planches grincèrent sur leur passage.

Une fois en haut, Bard se pencha au-dessus de la balustrade. Il jeta une gaufrette racornie à deux pêcheurs qui mouillaient leurs hameçons en contrebas, depuis une petite barque. L'un d'eux lâcha soudainement sa canne à pêche pour attraper le biscuit du bout de ses doigts gelés ; il leva le menton et darda un regard ahuri au batelier.

L'air pantois du pêcheur arracha un rictus amer à Bard.

« Dites au Maître que j'ai fini ma journée. Vous pouvez rentrer chez vous. J'ai autre chose à faire que me coltiner ses barbouzes toute la journée. »

Puis il se détourna des deux espions qui prétendaient pêcher, et pénétra dans la maison avec Ayrèn et Bain sur ses talons.

Ils entrèrent dans un grand séjour orné d'une cheminée d'argile où crépitait un feu de bûches mouillées. La pièce faisait office de cuisine, mais aussi de salle à manger, de salon et de chambre ; un grand lit se trouvait tout au fond, caché à demi par une vieille tenture de jute qui pendait misérablement d'une tringle rouillée. Le reste de l'ameublement était d'une sobriété austère. Il n'y avait là guère plus qu'une grande table, quelques bancs, des tabourets et une vieille commode.

Ayrèn claqua la porte derrière elle. Elle plissa le nez et se retint de se pincer les narines : la maison remuglait le poisson fermenté et l'air y était saturé d'humidité et de fumée. Des lamelles de truite séchée pendaient au-dessus de la cheminée. Sur la gauche, une échelle de meunier descendait vers le rez-de-chaussée d'où refluait un courant d'air froid et, à droite d'une fenêtre fendillée, une unique porte entrouverte révélait l'existence d'une seconde pièce.

De celle-ci surgirent deux enfants en haillons de coton et de laine, gris de poussières. La première, une petite fille châtain au nez retroussé, courait en direction du batelier, sa poupée de chiffon sous le bras. Sa queue-de-cheval sautillait derrière sa petite tête ronde tandis qu'elle courait. Au moment où elle tendit les bras, ses grands yeux verts-bleus scintillèrent de joie.

Dracà-cwellere, la Tueuse de dragonsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant