Chapitre 1

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Le grand amour est un présent accordé aux privilégiés, et une illusion pour nous autres poupées de chair.

Débout sur le podium, mes yeux s'attardent sur la beauté extraordinaire de la salle : des lustres dont la complexité n'a d'égal que leur beauté, des couverts éclatants dignes de la royauté, et des plats comparables à des œuvres d'art.

Non, je ne vous décris pas la salle de bal de Cendrillon, mais bien notre salle des fêtes, décorée expressément pour l'occasion.

Alors que je me perds dans l'admiration de la salle, toute l'attention des invités est centrée sur moi, attendant la décision. Ma décision.

Vous vous interrogez sûrement sur l'événement en question et ma supposée décision. Il s'agit de mes fiançailles. Il serait plus compréhensif que je précise qu'il s'agit du choix de mon fiancé. Pourquoi parler de choix ? Votre question est toute justifiée. Non, je ne suis pas de la royauté. Rien de tout cela.

Mon père, Joshua MILLER, a exigé de moi que je me trouve un fiancé il y a un an de cela, mais je n'ai pas réussi. Entre nous, un fiancé, ça ne tombe pas du ciel. Je n'avais donc aucune chance de réussir cet exploit. Surtout que je suis célibataire depuis bientôt 10 longues années. Alors, il a pris les choses en main comme toujours, et a sélectionné soigneusement dix candidats selon ses propres critères, parmi lesquels devra se porter mon choix.

Ce sont Alix CARTER, Lewis TURNER je crois, et Andrew COLLINS. Ce sont à peu près les noms que j'ai retenus. Il faut avouer que la volonté aussi n'y est pas. Je ne vois pas trop l'intérêt de retenir le nom de ces dix hommes. Ils sont tous trop canons, ça, c'est sûr, un vrai casting de mannequinat, et, connaissant aussi mon père, ils occupent chacun une place haut placée.

Mais je ne peux pas choisir. Ou plutôt, je ne veux pas choisir. Pour la simple et bonne raison que l'élu de mon cœur n'est pas parmi eux. Il n'est même pas présent à cette soirée. Et je doute qu'il vienne ou même que le sujet l'intéresse. C'était mon premier grand amour, il a laissé son empreinte dans mon cœur.

—Excusez-nous un moment, déclare mon père en m'attrapant par les épaules afin de m'amener à l'écart.

Une fois sûr que nous sommes à l'abri des oreilles indiscrets, il se lance :

—Qu'est-ce qui se passe, ma chérie ? me demande-t-il.

—Je ne veux pas papa.

—Tu ne veux pas quoi ?

—Me marier avec l'un d'eux.

—Pourquoi donc ? Tu ne les connais même pas.

—Justement, tu viens de le dire, papa. Je ne les connais pas. Je ne peux pas juste choisir un fiancé comme l'on choisit ses vêtements. Je n'aime aucun d'eux.

—Aimer ? Fais ton choix, tu apprendras à le connaître et à l'aimer avec le temps.

—Ton père a raison, ma chérie. L'amour viendra avec le temps, ajoute ma mère qui nous a rejoints.

De toute manière, je ne comptais pas sur elle pour échapper à cette situation. Elle a toujours été du côté de son mari.

—Écoute, nous ne cherchons que ton bonheur. Tu as 27 ans et tu n'as pas de copain. Il est temps de te marier. Je commence à avoir besoin d'aide pour la gestion de l'entreprise, je ne suis plus si jeune, tu sais ? argumente mon père.

Nous y voilà, l'entreprise. Encore cette excuse. Ma famille dirige l'un des plus grands conglomérats de Seattle. Une telle excuse est toujours d'actualité de nos jours ? C'est insensé.

—Je peux t'aider moi.

—Oui, tu vas travailler, mais j'ai besoin de vous deux. Toi et ton futur mari.

—Mais...

—Plus un mot. Tu vas retourner dans cette salle et tu n'en sortiras qu'après avoir choisi ton fiancé.

—Bien.

Je n'ai jamais mon mot à dire avec lui. Il décide toujours et j'obéis. C'est ainsi dans cette famille.

Les seules personnes qui me soutiennent dans cette histoire de fiançailles sont Callie et Ariana. Elles m'ont même suggéré de m'en aller, fuguer et laisser tout ceci derrière moi. Mais je n'ai pas assez de cran pour le faire.

Je retourne donc sur scène, balaie la salle du regard et croise celui de mes seules et uniques complices de toujours. Ariana me regarde avec un brin de colère et secoue sa tête en signe de négation. Ma sœur quant à elle a des larmes aux yeux. En réponse, je leur souris.

Je crois bien que je n'ai pas le choix. Autant choisir pour en finir. Je devrais ressentir de l'excitation, du stress, ou peut-être de la tristesse. Ce qui serait justifié puisque mes parents me forcent la main, mais rien. Je n'ai aucun sentiment. Aucune émotion ne m'anime en ce moment. Je suis vide. Juste un arrière-goût de capitulation. Mais ça, ce n'est pas un sentiment. C'est un état qui fait partie de moi depuis bien longtemps.

Je suis lâche, j'ai toujours été lâche.

En cet instant, le nom que j'ai au bout de la langue est celui de Andrew COLLINS. Lui, je le connais. Un ami de la famille. Mon ami.

Prenant mon courage à deux mains, je regarde la foule devant moi et annonce :

—Je prends ...

Par-delà sa cruautéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant