Chapitre 43

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Je veux revenir sur mes pas, me sortir de ce gouffre dans lequel je me suis jetée. Gouffre sombre qui m'aspire de plus en plus. Je ne viens pas de m'y jeter en réalité. J'y ai toujours été. On n'a fait que m'indiquer le chemin, et moi j'y suis rentrée. Comme plongeant dans cette belle bleue qui hypnotise en nuit de pleine lune, cette grande et magnifique bleue salée qui submerge, qui alourdie. Je suis dans ce noir depuis bien longtemps. Tellement longtemps que je m'y sens souvent coincée, à l'étroit.

Creuser ne me permettra pas d'en sortir. Je ne peux que la remplir d'eau le moment venu. Espérant ne pas me noyer, priant pour que cette eau me porte à la surface.

Ai-je réellement la volonté de me sortir de ce gouffre ? Je m'y sens étrangement bien, car le bonheur que je me force à ressentir et à montrer bien qu'elle soit fausse est durable et peut même être éternel si je le veux. Contrairement au bonheur éphémère derrière lequel vous courrez. Ce bonheur authentique que je ne pourrais plus jamais toucher du bout de mes doigts.

Pour l'instant, ne changeons rien. Je peux chercher des réponses pour Hayden et Dylan sans toutefois redevenir lIvy de l'époque. C'est préférable.

Je ne dois pas créer de problème... Je ne dois pas créer de problème... Je ne dois pas créer de problème...

Penser à cette phrase que je me répète en boucle depuis ces neuf dernières années afin de parvenir à garder ce masque qui me sied si bien me fait sourire.

Ha, ha, ha, ha !!!! Le savez-vous ? Elle est belle ma vie.

Toujours cachée par la table, je ferme les yeux et joins les jambes.

Voulant déterrer cette boîte sur laquelle il est marqué « Secret », je me retrouve à m'enterrer moi-même à la place. Tout comme la boîte que Pandore a ouverte par curiosité, j'ai peur de tirer et d'emmêler par inadvertance sur le fil que je tiens. Le fil de la vie. Aurais-je le temps et le courage de défaire les nuds que cela aura créés ?

Non, je n'ai pas de courage. Je manque cruellement de courage. La preuve, à l'heure actuelle, j'ai peur. Et la voix de cet homme en communication ne m'aide pas.

Je... Je veux juste... Le temps me paraît bien long. S'il pouvait juste sortir de la pièce.

Soudain, un bruit distinct, une frayeur, un espoir. Ses pas s'éloignent. Sort-il ? Et ce bruit... Brusque, fort. Qu'est-ce que c'était ? Non. J'y penserais une fois hors de cette pièce. Lorsque ma main se pose à nouveau sur la poignée de la porte, j'entends encore une fois le bruit des pas.

Décidément, il est bien facile d'entrer dans cette pièce, mais impossible d'en sortir. Sans hésitation, j'accours à nouveau auprès de cette table qui pour l'heure est mon protecteur, mon refuge, et tente de contrôler ma respiration. C'est si silencieux.

J'entends alors :

—MILLER.

Non. Ce n'est pas possible.

—MILLER. Sort de là, je n'ai pas le temps de jouer à cache-cache avec toi. Répète cette personne posément.

Dylan.

Sans hésitation, je sors de ma cachette. Fais un pas vers lui, puis deux. Je cours alors pour le prendre dans mes bras, mais m'arrête juste avant de le faire. Mes bras suspendus en l'air un moment avant que je ne les laisse finalement tomber.

Il me regarde, avec colère. Il m'a toujours regardé avec colère en fait. La frontière entre l'amour et la haine est mince, dit-on. Moi, je vous dirais qu'elle est effectivement bien mince, seulement, elle reste quasi impossible à franchir. Surtout quand il s'agit de faire le chemin inverse.

Par-delà sa cruautéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant