Chapitre 47

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« Ô temps suspends ton vol », a ordonné Antoine Léonard Thomas.

Mais moi je ne ferai pas preuve d'autant d'assurance et d'arrogance. Moi je demanderai, je supplierai en ces mots : « Ô temps par pitié accorde moi un peu de temps ».

Oui, juste un peu de temps. Ce temps dont j'ai tant besoin pour me reposer. Pas pour noublier ni pour m'habituer, et encore moins pour prétendre à cette plaisanterie qu'est le bonheur. Juste me reposer.

Ces pensées que je qualifie de prières en tête, je pose un pied après l'autre dans cet immense complexe avec une seule idée en tête : trouver Hayden. Chose qui s'avère plus difficile que je ne le pensais. Je devrais peut-être retourner attendre Dylan dans la chambre.

Cependant, précisément quand je suis sur le point d'abandonner, je vois la réponse à ma question. Le résultat de mes recherches juste en face de moi.

Il faut croire que le monde est ainsi fait, et la vie, elle, ainsi tissée. S'amusant à vous torturer et à vous faire traverser vents et marées pour au final vous décevoir. L'existence n'est qu'océan d'incertitude. Il est donc question de déception. Indéniablement.

Je vois Hayden debout à l'écart de tous, les mains dans les poches, adossé nonchalamment contre le bâtiment.

Un sourire s'épanouit alors sur ce visage pitoyable qu'est le mien sans raison apparente. Ou peut-être que si... Comme si inconsciemment je voyais en cet ami devant moi la solution à tous mes problèmes. Ridicule n'est-ce pas ? M'avançant vers lui, je l'entends alors marmonner d'une voix à peine audible, mais forte de colère.

—Je déteste les gosses de riches.

Sans raison particulière, je ressens pour la énième fois cette douleur absurde, légère, passagère, mais pas moins vive. Comme s'il me parlait à moi. Comme s'il me l'avait crié au visage. Mais c'est complètement aberrant. C'est cela, ça n'a pas de sens.

C'est toi qui es aberrante madame. Il a le droit d'exprimer ses ressentis sans que tu te sentes concernée. Il a aussi le droit de te détester si l'envie lui prend.

Il a complètement le droit, oui, vous avez tous le droit. Le monde ne va pas s'arrêter de tourner pour si peu.

Je m'avance alors lentement et m'arrête devant lui. Hayden me fixe un instant. Son regard témoigne d'une telle fatigue. Et ses cernes sont eux, les vestiges d'un manque de sommeil.

Je l'entends alors ricaner.

—Merde ! je dois manquer de sommeil plus que je le pensais. À moins que je ne sois en train de perdre l'esprit, baragouine-t-il toujours son regard encré au mien.

Que lui est-il arrivé ?

Sans prononcer un mot, je continue de fixer Hayden, qui lui, continue dans son monologue dépourvu de cohérence.

—Ils sont si réalistes ces hallucinations. Mais pourquoi je te vois à la place de Liesse ? Pourquoi elle ne me permet pas de la...

Avant qu'il ne termine sa phrase, je l'interromps.

—Hayden.

Comme un changement de marée, le visage de mon ami passe rapidement de l'étonnement au sérieux. Il me fixe un instant, me pince la joue, passe ses mains dans mes cheveux et parle :

—Des Hallucinations visuelles et auditives, ça se peut. Mais pourquoi cette sensation de vraiment toucher ?

Pour la deuxième fois, sans lui laisser le temps de terminer sa phrase, je l'interromps en me ruant dans ses bras. Pourquoi me confond-il avec des hallucinations ? Pourquoi cette expression sur son visage ? Pourquoi ? Juste...

Par-delà sa cruautéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant