Chapitre 55

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J'ai beau battre des ailes, je ne réussis jamais à voler bien haut. À chaque mètre d'altitude que je franchis, le noir corbeau que je suis perd des plumes en abondance. Mes ailes ne tiendront pas. Elles ne tiennent jamais. Elles se brisent et je me sens à chaque fois tomber. Abandonner devient alors inévitable.

Rester signifie condamner l'amour de ma vie à la prison. Partir revient à préserver sa liberté au nom de l'amour que je lui porte.

Mais quel amour ?

J'en suis à un niveau ou je remets en doute l'authenticité de mes sentiments. Je suis égoïste au point de lui imposer ma présence, de privilégier mon bonheur au sien, d'ignorer son avis et ses sentiments. Le sentiment que je viens de vous décrire loin d'être de l'amour est de l'obsession. Une obsession malsaine qui me tient. Je l'ai enfin comprise. Je me suis accrochée désespérément à un homme qui n'est pas mien, qui ne sera jamais mien.

Partir ou rester ? Il n'a jamais été question d'un dilemme. Le choix est une évidence, un fait accompli. Cette menace n'en est pas une.

Partir ou rester ? J'ai toujours éludé la question, évité de choisir. À travers mes larmes qui coulent, je vois enfin clair, j'émerge enfin de ce cauchemar dans lequel je m'étais réfugiée. Si partir et oublier me semblait douloureux, rester est devenu intenable.

Il ne s'agit pas d'Adrian ni du fameux Jason.

Il s'agit de Dylan lui-même. Il a toujours été question de lui.

Je m'en vais.

J'abandonne.

Je le libère du boulet que je suis.

Je le libère de mes sentiments qui sont tout aussi nocifs pour lui que pour moi.

Et ce masque que je porte, cette comédie que je joue depuis bien trop longtemps s'arrête elle aussi. Je ne vivrai que pour moi à l'avenir, sans me soucier des autres, de leur regard, de leur jugement. Cette promesse faite il y a neuf ans de cela n'est plus d'actualité. Je suis désolée Callie, mais je ne peux pas continuer. En fait non, je ne suis pas désolée. Je n'ai pas à être désolée.

Ivy MILLER redevient Ivy. LIvy sauvage qu'ils se plaisent à critiquer. Celle qui réagit au quart de tour quand on la provoque. Peu importe ce qu'ils diront, peu importe ce que vous direz, je ne serai plus cette poupée docile et maniable que je déteste tant. Plus de « Retiens-toi », « Souris comme ils te l'on enseigner », « Ne fais pas de vague ». Juste vivre sans m'inquiéter du reste.

Je me libère de toutes les entraves.

Je n'ai pas envie de rester, pas envie d'essayer, pas envie de subir.

La valise grande ouverte, je range mes vêtements sans prendre la peine de les plier. Je me dépêche, comme pour rattraper le temps qui passe. Le temps que j'ai perdu.

—Bébé..., commence Ariana, debout devant la porte de ma chambre. Inquiète, hésitante.

—Salut ! fais-je avec un sourire.

— Qu'est-ce qui t'arrive ? me questionne celle-là même qui a répondu à mon appel téléphonique, qui a traversé 9 km, à 2 h du matin, parce que je lui ai demandé de venir.

—Ari, ramène-moi à la maison, soufflais-je dans un murmure.

Elle ne me demande pas pourquoi l'appeler alors que j'aurai pu effectuer le déplacement seule, avec ma voiture. Elle ne m'interroge pas non plus sur le pourquoi de la situation ni ne se vante de m'avoir prévenu. Quoi que elle m'eût prévenu.

Sans un mot, mon amie me rejoint dans la pièce et m'accueille dans ses bras. Je ne peux être que reconnaissante et me laisse aller. Pour une fois depuis bien longtemps, je ne pleure pas en silence. Je me plains, de lui, de moi, de mes parents, de la vie, de mes sentiments, de Adrian, de tout. Au creux des bras de cette fille aussi impulsive que raisonnée, je me laisse aller. J'espère me sentir mieux en évacuant. Ça va aller mieux ?

Dis, ça va encore durer longtemps ?

Non. Pourquoi je me mets dans un tel état au juste ?

Je laisse finalement échapper un rire et Ariana se détache de moi pour me fixer.

—Tu te sens mieux ? m'interroge-t-elle avec un sourire contrit.

—Non, je ne vais pas très bien.

—Ne t'inquiète pas, ça va aller bébé.

Du bout de ses doigts, elle essuie mes larmes et déclare :

—Ne pleure pas pour quelqu'un comme lui.

—Je ne le ferais plus, Ariana. Je ne verserai plus de larmes pour quiconque. Jamais. Je te le promets.

—Ivy, ce n'est pas à moi que tu dois faire cette promesse, mais à toi-même.

À moi-même ?

—Partons d'ici, fais-je en essuyant furieusement mes larmes.

Plus de mensonges ?

Oui, fini la comédie.

Plus de larmes ?

Je ne verserai de larmes pour personne à l'avenir. Personne. C'est la seule et unique promesse que je me fais en ce jour. Rappelez-vous-en.

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Eh bien, il était temps qu'elle se fasse une raison.
On ne force pas l'amour. N'est-ce-pas ?

Par-delà sa cruauté Où les histoires vivent. Découvrez maintenant